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Eva Marie Castro est passée maître dans l'art du management et de la politique des soins de santé. En collaboration avec la Vlaams Patiëntenplatform, elle a mené une étude de doctorat à la KU Leuven sur l'implication d'experts du vécu. Son travail a récemment fait l'objet d'un livre. " Les médecins font régulièrement appel à ces personnes ", explique-t-elle. " Ils prennent par exemple contact avec une association de patients pour une question concrète. Ma recherche visait à comprendre comment les experts du vécu pouvaient s'inscrire dans la structure de l'hôpital et collaborer avec les médecins et les prestataires de soins. "Au total, quatorze experts du vécu ont oeuvré, neuf mois durant, dans trois services de l'UZ Leuven : " Le centre néphrologique et sa population plus âgée, le centre de revalidation de Pellenberg, qui accueille des patients paraplégiques ou amputés, et la consultation de dermatologie. Dans ce dernier service, les experts enrôlés avaient la vingtaine, pour être au plus proche des patients adolescents atteints d'eczéma atopique. "Préalablement, les parties concernées se sont réunies pour discuter de la manière dont les experts du vécu allait être intégrés au service, condition sine qua non à la bonne acceptation de ceux-ci, poursuit Eva Marie Castro. L'intéressée énumère ensuite quelques autres prérequis qui garantissent une implication réussie des experts du vécu. " Tant le management que les médecins et le personnel infirmier doivent accueillir le concept avec bienveillance. Il faut agir en tant que partenaire, avec une distribution adéquate et complémentaire des rôles. "Cette dernière condition permet, entre autres, d'éviter la réticence des médecins et des prestataires de soins. " Nous avons pu observer que les patients eux-mêmes sentaient très bien quels problèmes ils pouvaient aborder avec leur médecin, leur psychologue ou leur expert du vécu. Il est également crucial que ce dernier soit régulièrement présent, et aux mêmes heures qui plus est, de sorte qu'un climat de confiance puisse s'installer avec les patients et les prestataires de soins. "" Ce cadre clair ne doit toutefois pas empêcher l'approche informelle ", rappelle la spécialiste. " Bien entendu, ça s'est avéré plus facile au centre de revalidation, où les experts du vécu ont fait du sport ou dîné avec les patients. C'est pourquoi la consultation lié à l'eczéma atopique a libéré un local plus agréable, après avoir constaté que le contact entre experts du vécu et patients se passaient mal dans la salle de consultation. "Ces experts du vécu ont été triés sur le volet, formés et soutenus, en collaboration avec Trefpunt Zelfhulp. " C'est une des clés de la réussite du projet ", assure Eva Marie. " L'expert du vécu doit être en mesure de dépasser sa propre perspective et faire preuve d'aptitudes sociales et d'un positivisme à toute épreuve. "Management, services, patients et experts du vécu se montrent enchantés de l'expérience, assure-t-elle. " Les experts du vécu font figure de référence pour les patients. Ils leur offrent une perspective d'avenir encourageante et un accès direct au soutien mental, social et pratique. Ils peuvent, par exemple, expliquer au patient en dialyse comment il peut partir en vacances ou comment adapter sa voiture à sa paraplégie. Ils décrivent aussi les effets de leur propre maladie sur la relation avec leur partenaire et leurs enfants, expliquent comment faire la demande d'allocations ou motivent les patients à tenir bon tout au long du traitement et à ne pas hésiter à aborder un problème avec leur médecin. "Le but est aussi que les experts du vécu décèlent d'éventuelles insatisfactions et apportent leur soutien aux médecins et au personnel infirmier pour améliorer la qualité de vie du patient. Dans la pratique, l'expérience est mitigée. " Les personnes impliquées sont encore rétives à la critique. "À l'issue du projet, plusieurs prestataires de soins ont déclaré mieux comprendre la dimension psychosociale des soins de santé. " Un exemple : à la consultation de dermatologie, on prescrivait toujours la pommade la moins chère, mais aussi la moins confortable. Les experts du vécu ont constaté une mauvaise observance thérapeutique due à ce problème. Ils ont donc suggéré aux médecins de présenter au patient les différentes options et de lui laisser le choix. "Les professionnels de la santé ont également déclaré avoir acquis des compétences supplémentaires au contact des experts du vécu, se réjouit Eva Marie Castro. " Au centre de revalidation par exemple, où un expert du vécu avait expliqué aux kinésithérapeutes comment lui-même se déplaçait de sa chaise roulante à son lit. Une vraie satisfaction professionnelle est aussi née de cette collaboration. Le personnel infirmier du centre néphrologique a ainsi déclaré avoir été stimulé positivement par le contact avec les experts qualifiés. "Pour les experts du vécu également, l'expérience a du sens et procure de la satisfaction. Ils se sont même découvert de nouvelles compétences. " Les patients aiment recevoir des soins authentiques et ne plus être uniquement vus comme des malades, mais aussi comme des personnes à part entière. "À l'issue de ce projet pilote à l'UZ Leuven, le centre néphrologique et le service de revalidation ont décidé de poursuivre la collaboration avec les experts du vécu. Notre interlocutrice espère que d'autres services et hôpitaux suivront." En fait, l'implication d'experts du vécu devrait être une évidence. Au final, ce sont eux qui savent vraiment à quoi ressemble la vie d'un patient atteint de telle ou telle maladie. Il est crucial, si l'on entend améliorer la qualité de vie et des soins, de croiser l'expertise des experts du vécu et celle des professionnels de la santé. "