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L'embolie pulmonaire se caractérise par un épisode aigu, qui peut engager le pronostic vital ou passer relativement inaperçu, explique le Pr Delcroix. Les caillots dans les vaisseaux pulmonaires se dissolvent généralement très bien ou restent en place sans provoquer de troubles notables. Parfois, une obstruction permanente et significative de la circulation pulmonaire apparaît toutefois. Elle s'observe chez environ 3% des patients après une embolie pulmonaire aiguë et se manifeste sous la forme d'une dyspnée. Les patients qui sont encore essoufflés trois à six mois après une embolie pulmonaire doivent donc être examinés. Une hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HTP-TEC) peut en effet être à l'origine de leurs symptômes. Deux moments sont importants pour le médecin dans la prise en charge de l'embolie pulmonaire, souligne le Pr Delcroix: 1) le moment de l'embolie pulmonaire aiguë ; 2) le suivi trois à six mois après l'embolie pulmonaire aiguë. Les symptômes qui persistent plus de deux semaines ou qui augmentent peu à peu au cours d'une longue période après l'épisode aigu d'embolie pulmonaire ne doivent pas simplement être attribués à l'âge, à l'obésité, au tabagisme ou au déconditionnement. La dyspnée peut en effet indiquer une situation thromboembolique chronique, avec surpression importante de la circulation pulmonaire. Même chez les patients atteints d'autres comorbidités cardiopulmonaires pouvant expliquer les symptômes, telles qu'une BPCO ou une insuffisance cardiaque, les séquelles d'une embolie pulmonaire aiguë ne peuvent pas être exclues d'emblée. Il est cependant vrai que l'hypertension pulmonaire thromboembolique chronique est rare. La dyspnée, en tant que symptôme non spécifique pouvant avoir différentes causes, n'est pas non plus très utile lors du diagnostic différentiel. En outre, l'embolie pulmonaire aiguë est un événement traumatisant, qui peut déclencher un syndrome de stress post-traumatique. Les crises de panique et l'hyperventilation entrent donc aussi dans le diagnostic différentiel. Il est important de savoir que grâce aux progrès de l'imagerie, les radiologues peuvent aujourd'hui faire une distinction nette entre une embolie pulmonaire aiguë et chronique, sur la base des caractéristiques typiques du caillot. En bref, nous pouvons dire qu'un caillot sanguin ancien, comprimé contre la paroi vasculaire, peut être distingué d'une embolie pulmonaire aiguë. Une équipe multidisciplinaire en charge de l'HTP-TEC, composée d'un radiologue ou d'un cardiologue interventionnel, d'un chirurgien et d'un spécialiste de l'hypertension pulmonaire, évalue les clichés d'imagerie et l'hémodynamique afin de décider de l'approche thérapeutique optimale pour le patient. Le Pr Delcroix ajoute qu'une attention particulière a été accordée à l'hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HTP-TEC) dans les dernières directives en date de la European Society of Cardiology consacrées au diagnostic et à la gestion de l'embolie pulmonaire aiguë. La nouvelle approche exige de revoir systématiquement le patient en vue d'une évaluation clinique, trois à six mois après l'épisode aigu. Des anticoagulants seuls ne suffisent plus à la suite d'une embolie pulmonaire aiguë. L'embolie pulmonaire chronique peut être prise en charge à trois niveaux, selon l'endroit où se situe l'obstruction: résection chirurgicale du matériel fibrotique dans les grands vaisseaux pulmonaires proximaux, dilatation d'un ballonnet dans les vaisseaux plus distaux et médicaments afin de rétrécir progressivement les vaisseaux précapillaires. Un rétablissement complet, avec tension pulmonaire normale, peut être atteint chez ces patients. C'est pour cette raison, déclare le Pr Delcroix, que ce groupe nécessite une attention particulière. L'HTP-TEC est une complication rare, mais sous-diagnostiquée, de l'embolie pulmonaire aiguë. Son incidence estimée est de 17 cas par million d'habitants/an. Actuellement, elle est diagnostiquée annuellement chez cinq à six patients par million d'habitants, soit environ 50 à 60 patients en Belgique. Cela signifie qu'à l'heure actuelle, deux à trois patients ne sont pas diagnostiqués, précise le Pr Delcroix. En outre, l'HTP-TEC est souvent diagnostiquée à tort comme une embolie pulmonaire aiguë. Un important travail attend donc encore les pneumologues et les radiologues pour reconnaître ces patients. Les patients atteints d'hypertension pulmonaire thromboembolique chronique forment aujourd'hui, dans l'hypertension artérielle, le groupe cible parmi lequel nous pouvons réaliser les plus grands progrès. Un appel clair est donc lancé en vue d'une évaluation clinique systématique trois à six mois après l'embolie pulmonaire aiguë, conclut le Pr Delcroix. Un rétablissement complet est possible.