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"Ma grand-mère avait un imposant livre de médecine auquel elle se référençait pour traiter les maladies de la petite enfance", se souvient le Dr Delval, dont la maman est issue d'une fratrie de sept enfants. Un rapport à la médecine dès l'aurore, où le médecin de famille n'en gardait pas moins une place considérable. C'est également très jeune qu'elle vécut la leucémie d'un cousin du même âge et les nombreux allers-retours vers Saint-Luc dont l'enfant sortit guéri. "Un des premiers en Belgique", nous confie l'oncologue. Lorsque le choix des études supérieures se pose, celle qui, enfant, s'intéressait volontiers à la santé de son entourage, hésite avec la médecine vétérinaire. "Les animaux ne savent pas verbaliser ce qu'ils ressentent, ce qui n'est pas le cas des humains. Déjà très tôt, j'ai eu conscience de l'importance de l'anamnèse et du diagnostic. Mon choix s'est donc porté vers la médecine des hommes". Une logique qui amène la Thudinienne à entamer ses candidatures à Mons. Lorsqu'elle bifurque vers l'ULB pour son master, le choix du milieu hospitalier s'ancre dans son esprit. Elle se spécialise en médecine interne. "J'ai très tôt fréquenté le milieu hospitalier", reconnaît celle qui comptait bon nombre de paramédicaux dans son entourage proche. Comme souvent, c'est la rencontre avec un praticien passionnant, onco-hématologue, qui la guide vers sa spécialisation. Au même titre que la richesse des échanges avec ses confrères et les patients, et dans un domaine dont la charge émotionnelle est connue. Rares sont désormais les internes à choisir l'oncologie, par ailleurs moins valorisée financièrement par notre système de soins de santé belge que d'autres spécialités. En 2012, le peintre anversois Luc Thuymans réalise une série de sérigraphies à base de photos représentant une jeune femme atteinte de leucémie. Il l'intitule "Der diagnostische Blick" (la boîte à diagnostic). La transition idéale pour parler du rapport qu'entretient Laetitia Delval avec la photo: "Je suis née dans une famille où la photo était omniprésente." Lors des réunions dominicales, ses parents aiment figer dans le temps les moments de bonheur. C'est donc tout naturellement qu'à ses 12 ans, alors que certains se voient remettre une Bible pour leur communion solennelle, Laetitia découvre, émerveillée, le plus beau cadeau du monde: un appareil photo. " J'avais droit au développement d'une pellicule par mois, je photographiais les champs et les épis de blé", se souvient-elle. Une passion qu'elle met en sourdine durant ses études de médecine, mais dont elle ôte le cache d'un Nikon D50 au lendemain de sa spécialisation. Elle redécouvre ses sujets de prédilection et cadre des libellules et des paysages, avec ses chiens qui l'accompagnent en promenade. Un jour, elle met en ligne des photos d'un de ses border collie qui court lors d'un concours d'agility. Un élément déclencheur: l'équipe belge d'agility lui confie le reportage photo du championnat du monde en Tchéquie. C'était il y a cinq ans. "Lorsque je suis rentrée, j'ai dû faire face à de nombreuses demandes. J'ai aménagé un studio à mon domicile et me suis lancée dans la photo d'intérieur." Un choix qu'elle abandonne ensuite pour se consacrer exclusivement à la photo d'extérieur, "le milieu naturel du chien". Pragmatique, le Dr Delval insiste sur le temps qu'il faut consacrer à ses animaux domestiques. Les chiens engendrent des nuisances quand on ne s'en occupe pas mais, sous plein d'aspects, ils ont des compétences extraordinaires qu'on ne soupçonne pas et qui demandent de l'interaction: "Il n'est pas utile d'investir dans un grand jardin, seul le temps passé ensemble compte." Elle est aidée par son compagnon qui partage la même passion. Dans la foulée, elle met en place son site internet sous son nom d'artiste: Farahzo. "La photographie et mes chiens sont mon équilibre. Ce sont les éléments qui me permettent de gérer le reste, toute cette souffrance et cette tristesse auxquelles nous sommes confrontés", reconnaît-elle. Lorsque son oeil interroge le sujet via son boîtier photographique, la magie opère immédiatement, l'évasion est là. Il en va de même lors des concours ou des nombreuses ballades qui la font sortir avec sa meute lors des promenades quotidiennes. Pour ce qui est de la photo, le Dr Delval aime avant toute chose la rencontre avec des personnes sensibles qui aiment leurs animaux. Une relation avec leur chien qu'elle n'appréhende pas, tant la chose est naturelle dans son chef. Les décors de sous-bois font parfois place à des lieux plus insolites tels des maisons abandonnées, ou encore le palais de Justice de Bruxelles. "L'oeuvre de Poelaert a servi de décorum au malinois d'une policière", informe la médecin, en passant en revue différents clichés sur sa page internet (à découvrir sur https://farahzo.wixsite.com/farahzo-photography). "Les séances photos que je réalise sont l'occasion de belles rencontres humaines, souvent fort émouvantes de par la relation affective sincère qui unit l'humain et son chien, dont je suis le témoin privilégié le temps de quelques clics...". Très sensible à la cause de la protection animale, Laetitia Delval a réalisé un calendrier photo de portraits canins artistiques vendu au profit de la SPA de La Louvière, qui a permis de récolter une très jolie somme. Au moment de quitter le nouveau pôle d'oncologie du CHU Tivoli, où les murs sont étrangement nus des oeuvres des nombreux médecins passionnés qui y travaillent, une phrase de Boris Levinson apparaît, telle une évidence: "L'animal ne se nourrit pas d'attentes idéalisées envers les humains, il les accepte pour ce qu'ils sont, et non pas pour ce qu'ils devraient être."