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Quelle est la vraie ampleur de l'épidémie invisible, celle portée par les malades qui sont infectés par le virus, sont contagieux mais ne présentent aucun symptôme qui puisse les pousser à se rendre chez le médecine ou dans un hôpital pour se faire dépister. Une étude en couverture du dernier Nature apporte une réponse sans fards : 42% des infectés sont " sans bruit ". Le 21 février 2020, un habitant de la municipalité de Vo ', une petite ville près de Padoue, est décédé d'une pneumonie due à l'infection par le Sras-CoV-21. Il s'agit du premier décès par Covid-19 détecté en Italie depuis l'émergence du Sras-CoV-2 en Chine. Les autorités régionales ont imposé le verrouillage de toute la municipalité pendant 14 jours. Les scientifiques, menés par le Dr Enrico Lavezzo, de l'équipe de réponse rapide de l'Imperial College de Londres, a collecté des informations sur la démographie, la présentation clinique, l'hospitalisation, le réseau de contacts et la présence d'une infection par le Sras-CoV-2 dans les écouvillons nasopharyngés. " 42,5% des infections confirmées au Sras-CoV-2 détectées dans les deux enquêtes étaient asymptomatiques, c'est-à-dire ne présentaient pas de symptômes au moment du test sur écouvillon et n'ont pas développé de symptômes par la suite."" Cette étude prouve définitivement à ceux qui continueraient à douter de l'importance d'un dépistage des sujets asymptomatiques que c'est dès maintenant que nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter une deuxième vague. C'est d'ailleurs ce que fait la France en lançant une campagne de dépistage massif pour repérer les porteurs asymptomatiques du virus. C'est ainsi que l'on pourra contenir les foyers où le virus se fait oublier aujourd'hui et d'où il risque de resurgir avant que la vaccination ne produise ses effets ", explique le professeur Michel Goldman, immunologue à la tête de l'Institut I3 h (ULB) et membre de l'Académie royale de médecine. Celui qui a fondé l'Institut d'Immunologie Médicale de l'ULB insiste sur l'incertitude persistante quant à la relation entre présence d'anticorps dans le sang et protection contre une nouvelle infection. " Les résultats d'études menées en Chine indiquent que les anticorps peuvent disparaître du sang endéans deux à trois mois après le déclenchement de l'infection. Ce phénomène s'observe principalement chez les patients qui ont présenté peu de symptômes ou sont restés asymptomatiques. Compte tenu de ces données et de l'incertitude persistante sur le niveau de protection que les anticorps, tout le monde s'accorde maintenant à reconnaître que l'idée de fournir des passeports d'immunité sur base des tests sérologiques doit être abandonnée. " Toutefois, l'étude récente de l'institut Karolinska démontre une réponse immunitaire significative via les lymphocytes T. " L'important, c'est la présence de ces lymphocytes T anti-Sras-CoV-2 dans le sang de sujets qui n'ont pas présenté de symptômes et n'ont pas développé d'anticorps. Si cette immunité dite " cellulaire " est protectrice, cela confirmera l'importance d'identifier les sujets asymptomatiques, non seulement pour prévenir la résurgence de la pandémie, mais aussi pour juger du niveau de l'immunité collective. "Il ne s'agit pas de reproduire les mêmes erreurs qu'au début de l'année, où le déni a fait la loi. Un passionnant article du New-York Times, sous la plume de Matt Apuzzo, Selam Gebrekidan et David D. Kirkpatrick montre comment les responsables de la santé ont écarté le risque pendant des mois, poussant des allégations trompeuses et contradictoires face à la montée des preuves. L'histoire raconte que le Dr Camilla Rothe spécialiste des maladies infectieuses à l'hôpital universitaire de Munich était sur le point de partir dîner lorsque le laboratoire l'a rappelée pour lui faire part d'un résultat de test surprenant. Positif. C'était le 27 janvier. Elle venait de découvrir le premier cas du nouveau coronavirus en Allemagne. Mais le diagnostic n'avait aucun sens. Son patient, un homme d'affaires d'une entreprise de pièces détachées automobiles à proximité, n'aurait pu être infecté que par une seule personne : un collègue venu de Chine. Et ce collègue n'aurait pas dû être contagieux. Les journalistes racontent que la visiteuse avait semblé en parfaite santé pendant son séjour en Allemagne. Pas de toux ou d'éternuements, pas de signes de fatigue ou de fièvre pendant deux jours de longues rencontres. Elle a dit à ses collègues qu'elle avait commencé à se sentir malade après le vol de retour en Chine. Quelques jours plus tard, elle a été testée positive pour le coronavirus. Les scientifiques de l'époque pensaient que seules les personnes présentant des symptômes pouvaient propager le coronavirus. Ils ont supposé qu'il agissait comme son cousin génétique, le Sras. " Les gens qui en savent beaucoup plus sur les coronavirus que moi en étaient absolument sûrs ", se souvient le Dr Rothe. Mais si les experts se trompaient ? Si le virus pouvait se propager à partir de porteurs apparemment sains ou de personnes qui n'avaient pas encore développé de symptômes, les ramifications étaient potentiellement catastrophiques. Les campagnes de sensibilisation du public, le contrôle des aéroports et les politiques relatives au séjour à la maison en cas de maladie pourraient ne pas l'arrêter. Des mesures plus agressives pourraient être nécessaires - ordonner aux personnes en bonne santé de porter des masques, par exemple, ou restreindre les voyages internationaux. Le Dr Rothe et ses collègues ont été parmi les premiers à avertir le monde. Mais même si des preuves se sont accumulées auprès d'autres scientifiques, les principaux responsables de la santé ont exprimé une confiance inébranlable que la propagation asymptomatique n'était pas importante. On sait ce qu'il en advint. Ferons-nous la même erreur longtemps encore ?