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Le pouce lever que semble pointer la Corse en son extrémité septentrionale, révèle à sa base la capitale économique de l'île, à défaut d'être administrative de l'île, et grande rivale d'Ajac-cio : Bastia !C'est par elle notamment qu'accostent les ferry et l'essentiel du fret destiné à l'île. La ville et ses rues étroites, escarpées, fut un lieu de villégiature estivale pour l'aristocratie du 19e siècle, qui voyait en elle une sorte de lac de Côme sur mer (le premier vapeur y accosta en 1830). Son charme est d'ailleurs italien avec ses hauts bâtiments 19e qui ponctue la place principale Saint-Nicolas bordée de palmiers et platanes arrivés avec ces premiers touristes, et ses maisons colorées, un peu comme les Cinque Terre en Ligurie toute proche.Les liens avec Gênes furent d'ailleurs très forts dans le passé, et preuve que Bastia fut depuis longtemps le poumon économique de l'île (avec ses 55.000 habitants sur les 300.000 que compte l'île), les Corses partis chercher fortune notamment en Amérique du Sud revenaient sur l'île de beauté et à Bastia pour se faire construire des palais majestueux et néoclassiques (comme le palais Castagna) qui ont survécu jusqu'à aujourd'hui.Cette place est encore aujourd'hui le lieu des manifestations importantes, comme le salon du chocolat à l'automne, et où se tient une brocante le dimanche matin. Signe du glorieux passé début de siècle de la cité bastiaise, le Cap Corse est un bâtiment 18e, classé, qui abrite depuis plus d'un siècle et demi la boisson typique de Corse du même nom, ; un vermouth comparable au Byrrh et au Saint-Raphaël relevé au quinquina que des Corses intrépides ramenaient de leurs périples sud-américain. Une boutique à la fois moderne (de style Art déco) et dans son jus qui décline les belles affiches et objets promotionnels développés au fil des décennies par Louis Napoléon (sic) Mattei pour vendre son produit et sa marque.Pénétrer dans ce royaume constitue une belle entrée pour découvrir les trésors gustatifs corses, qu'il s'agisse du chocolat, comme les canistrelli, sorte de cantucci corses, et produits notamment dans la confiserie A biscutteria de la rue commerçante qui porte bien sur le nom de Napoléon... même si l'empereur était de la rivale Ajaccio.Cette rue et d'autres, désormais souvent piétonnes, aux maisons hautes balisées d'anciens palais, forment une sorte de cheminement vers un passé plus ancien de la ville : celle des confréries religieuses et des oratoires baroques, comme celui dédié à Saint Roch, qui trahissent l'influence génoise et dont on retrouve sur les murs le fameux velours de Gênes. Un autre est dédié à l'Immaculée Conception, sainte patronne de la Corse au point que le 8 décembre, date où les Corses la fêtent, est un férié sur l'île. Cette Vierge est le symbole du combat contre les Musulmans dans un lointain passé, qui la montre souvent piétinant un croissant renversé. Cette vénération des Vierges et Saints, dont saint Sébastien notamment, démontre le poids des traditions toujours vivaces en Corse et l'importance de la superstition : l'on y combat le mauvais oeil à l'aide d'une bague représentant une spirale trouvée sur un coquillage qui rappelle l'oeil de Sainte Lucie notamment, ou en se parant de bracelets de corail, véritables talismans.La place de l'Hôtel de Ville où se déroule le marché des produits traditionnels tous les week-ends et aussi surplombé par l'église paroissiale Saint Jean-Baptiste, la plus grande de Corse, aux proportions de cathédrale et qui trahit également une forte influence baroque, venue par bateau de la péninsule.Le petit port évasé et charmant qui a pu préserver une diversité typique de produits de pêche face à la pollution côtière de la restauration, accueille désormais les bateaux de plaisance. Il est bordé par un imposant escalier à double volée menant au jardin Romieu, sauvage... et donc corse, qui surplombe la ville ; ce dernier est à son tour dominé par le fort génois construit par les Liguriens au Moyen Âge et qui toise la ville et l'océan à la recherche d'ennemis, désormais invisibles, à l'horizon...Le quartier de la citadelle génoise qui abrite l'ancien Palais du Gouverneur (désormais le musée de Bastia) reproduit les ruelles étroites bordées de bâtiments hauts et austères qui rappellent la capitale de la Ligurie.Plus loin, le quartier religieux et la cathédrale Sainte Marie de l'as-somption, joyau d'un style baroque, accueille une impressionnante statue de la Vierge, symbole de la Corse et oeuvre d'un artiste siennois Gaetano Macchi. Dans l'oratoire Sainte-Croix rococo, seul bâtiment de ce style en corse et en France, objet d'une dévotion au christu negru, Christ en croix noir, et dédiée à l'Annonciation sont organisés des concerts de polyphonies impressionnants, sur une île qui d'ailleurs à choisi comme hymne national une ode à la Mère du Christ, le "Dio Vi Salvi".Les Bastiais sont très fiers de leur ville et de leur importance, passée et actuelle (même si le célèbre club de foot a fait faillite voici trois ans), et sont un peu les Anversois de 1' "île de beauté", dont il partage la même légère arrogance bling-bling. Il faut dire que la ville, moins encaissée qu'Ajaccio, possède justement dans la partie qui s'encourt vers le stade de football, un bord de mer récemment aménagé en promenade des plus agréables, et des plages de sable aussi grandes que larges. Ce lido digne de celui de Venise, coupe l'océan d'une étendue saumâtre la réserve naturelle de l'étang de Biguglia. Il est long de 11 km, large de deux et demi et profond d'un mètre seulement. Protégé, ce qui n'empêche pas que la pêche y soit autorisée et gardé par un fortin médiéval en son centre (qui abrite un musée consacré à l'écosystème du plan d'eau), on y trouve bien sûr quantité d'oiseaux migrateurs dont quelques flamants roses, une concentration miraculeuse de faune marina allant du la daurade, au bar en passant par le mulet. Les oeufs de ces derniers très prisés sont une sorte de caviar méditerranéen, appelé boutargue, qui, mélangé aux pâtes, s'avère un délice.Des vestiges antiques bientôt mis en valeur, bordent la réserve naturelle, qui témoignent du passage des Étrusques des Carthaginois, Grecs et autres Romains à Bastia et ses environs. Dans cette même commune de Borgo, un sculpteur, Gabriel Diana, ancien ingénieur devenu artiste, accueille dans son musée une sorte de mini fondation Maeght dédiée à son travail. Et, en effet, il y a chez ce moitié Toscan, moitié Corse, une forte influence de Giacometti et de l'art antique, romain comme étrusque. Étrange plutôt en fait...