Les apnées du sommeil ne sont pas rares chez les enfants. Dans certaines sous-populations d'enfants, elles sont même fréquentes.
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Comme chez l'adulte, l'apnée du sommeil chez l'enfant est une affection dans laquelle des épisodes de pause respiratoire complète (apnée) ou de respiration superficielle (hypopnée) se produisent pendant le sommeil. Toutefois, chez les enfants, le seuil de diagnostic est plus bas: l'apnée du sommeil est diagnostiquée dans ce groupe d'âge lorsqu'au moins deux épisodes d'apnée ou d'hypopnée par heure se produisent. L'apnée du sommeil est due à la fermeture partielle ou complète des voies respiratoires supérieures lors de l'expiration. Selon la cause, les enfants qui présentent des apnées du sommeil peuvent être répartis en trois groupes: · Les enfants dont les végétations adénoïdes et les amygdales sont hypertrophiées, mais qui sont par ailleurs en bonne santé. Ils sont généralement âgés de deux à huit ans. On observe souvent chez eux des symptômes typiques, telles que le ronflement, une congestion nasale, une voix nasale. · Les enfants et adolescents obèses. Dans ce groupe, environ 30 à 40% souffrent d'apnées du sommeil. Le dépistage de l'apnée du sommeil est donc indiqué. · Les enfants souffrant de syndromes sous-jacents, souvent génétiques. On trouve dans ce groupe des enfants atteints d'affections neurologiques ou neuromusculaires, ou présentant une forme anormale du crâne ou du visage (entraînant une diminution de la taille du nez et du pharynx). Les enfants atteints du syndrome de Down relèvent également de cette catégorie. Chez les enfants souffrant de ce genre de pathologies, l'apnée du sommeil est souvent constatée dans au moins 50% des cas. Elle est souvent présente dès la petite enfance. Les enfants présentant des syndromes sous-jacents doivent souvent être référés pour un examen du sommeil. "En particulier parce que les conséquences de l'apnée du sommeil dans la petite enfance sont plus graves", rapporte le Pr Stijn Verhulst, chef du service de Pédiatrie à l'UZA. "Ces enfants ont par exemple un risque accru d'hypertension pulmonaire."Mais dans les deux autres catégories, quel est le signal qui doit pousser les parents à consulter? "Les plaintes typiques liées à l'apnée du sommeil chez les adultes - fatigue et somnolence diurne - sont également observées chez les enfants et les adolescents", explique le Pr Verhulst. "Chez les nourrissons et les enfants en bas âge, la situation est un peu plus compliquée parce que la symptomatologie peut être très variée. Dans une tentative de résister à la fatigue, les tout-petits développent une hyperactivité, un TDAH ou des tableaux similaires, parfois accompagnés de troubles de la concentration (à l'école), d'irritabilité et de troubles du comportement."Chez les enfants en bas âge, les parents peuvent souvent fournir des informations sur le sommeil: ronflements, pauses respiratoires, sommeil agité, réveils fréquents, transpiration due à l'augmentation du travail respiratoire et impression que l'enfant n'est pas reposé lorsqu'il se réveille. Parfois, on observe une énurésie nocturne persistante, ce qui peut également inciter à demander un examen du sommeil. Les parasomnies, telles que les terreurs nocturnes ou le somnambulisme, peuvent être exacerbées ou perpétuées par l'apnée du sommeil. En résumé, c'est souvent la combinaison d'un comportement perturbé la journée et d'anomalies pendant le sommeil qui met le médecin sur la bonne voie. "Ce qui complique un peu les choses, c'est que tous les enfants ne ronflent pas", explique Stijn Verhulst. "Cela vaut également pour les enfants présentant des syndromes sous-jacents. Nous avons fait une étude chez des enfants atteints du syndrome de Down qui étaient asymptomatiques pendant leur sommeil. La prévalence de l'apnée du sommeil était dans ce groupe également d'environ 50%. C'est pourquoi il est recommandé d'effectuer systématiquement un examen du sommeil chez ces enfants."Il conclut le chapitre par la recommandation suivante: "Compte tenu de l'impact quand même important de l'apnée du sommeil sur le fonctionnement de l'enfant - et de l'importance d'un sommeil sain en général - , nous préconisons, en tant que pédiatres spécialisés en sommeil, que le sommeil fasse partie de l'anamnèse générale chez les enfants. Le ronflement, par exemple, est un signal qui peut être facilement détecté." Chez l'adulte, l'apnée du sommeil entraîne des complications, notamment cardiométaboliques. Qu'en est-il chez les enfants? "Chez les enfants de moins de deux ans souffrant d'apnées du sommeil et d'obstruction sévère, il faut - comme nous l'avons déjà mentionné - être attentif à l'hypertension pulmonaire [1]. L'augmentation du travail respiratoire pendant la nuit peut également entraîner un ralentissement de la courbe du poids et parfois de la taille ('failure to thrive')", répond le Pr Verhulst. Cependant, la complication la mieux étudiée de l'apnée du sommeil chez les enfants est son impact sur le fonctionnement neurocognitif. Outre les effets immédiats susmentionnés sur le comportement et la cognition, l'apnée du sommeil peut impacter le QI à plus long terme. La différence par rapport aux enfants ne souffrant pas d'apnée du sommeil est faible, mais significative. La littérature rapporte que l'amélioration des paramètres du sommeil après traitement n'est pas toujours en corrélation avec l'évolution des tests neurocognitifs, ce qui fait l'objet d'un débat animé entre experts. Que faut-il en penser? "Peut-être que les déficits neurocognitifs que nous mesurons chez les enfants souffrant d'apnées du sommeil ne sont effectivement pas complètement réversibles après le traitement", indique le pédiatre anversois dans une première hypothèse. "Mais au vu des résultats divergents, nous devrions peut-être considérer qu'il existe deux sous-groupes avec des prédispositions génétiques différentes: certains enfants sont peut-être plus sensibles à l'impact neurocognitif de l'apnée du sommeil que d'autres. De plus, les enfants qui ronflent mais qui ne présentent pas d'apnées du sommeil obtiennent également de moins bons résultats aux tests neurocognitifs. Cela peut signifier que dans le test du sommeil tel que nous le réalisons actuellement, nous n'incluons pas les paramètres qui pourraient nous aider à préserver le développement neurocognitif des enfants."Les complications cardiovasculaires et métaboliques de l'apnée du sommeil 'isolée' existent chez l'enfant, mais le Pr Verhulst les qualifie de subcliniques: "Les enfants qui présentent des apnées du sommeil ont une pression artérielle significativement plus élevée, mais ne répondent généralement pas aux critères de l'hypertension. Chez les enfants souffrant d'apnées du sommeil et d'obésité, on observe toutefois que l'apnée du sommeil, en plus de l'obésité, contribue à la résistance à l'insuline, aux troubles lipidiques, à l'altération de la fonction endothéliale, à l'augmentation de la pression artérielle et à l'inflammation,..."Le traitement de l'apnée du sommeil dépend de la cause anatomique sous-jacente. "L'adéno-amygdalectomie systématique chez tous les enfants souffrant d'apnée du sommeil n'est certainement pas la bonne approche", prévient Stijn Verhulst. "Chez 80 à 90% des enfants en bonne santé qui présentent des apnées du sommeil, l'hypertrophie des adénoïdes et/ou des amygdales en est effectivement la cause, mais c'est loin d'être le cas chez les enfants souffrant d'obésité ou de syndromes sous-jacents. Ici à l'UZA - et dans de nombreux autres centres - nous procédons d'abord à une DISE (drug induced sleep endoscopy). Durant cet examen, le médecin ORL recherche l'endroit exact du collapsus des voies respiratoires pendant un sommeil artificiel. S'il se situe au niveau des adénoïdes et des amygdales, ces structures sont enlevées au cours de la même anesthésie. S'il se situe à un autre niveau, une correction chirurgicale est effectuée si possible. Les enfants souffrant de collapsus à différents niveaux reçoivent un traitement par CPAP. Ceci vaut pour de nombreux enfants souffrant d'obésité ou d'un syndrome sous-jacent."Est-il difficile d'initier les enfants atteints d'un syndrome sous-jacent à la CPAP? "On pourrait le penser à première vue", nuance le Pr Verhulst. "Mais il ressort que les enfants réalisent inconsciemment que le traitement les aide à mieux dormir. Tant la littérature que l'expérience pratique quotidienne nous montrent que, dans la grande majorité des cas, l'acceptation se fait sans problème si l'équipe soignante informe bien les parents et l'enfant dans la phase de démarrage et les encadre de manière intensive, avec plusieurs consultations de suivi au cours des premiers mois. Cela vaut également pour les enfants présentant des retards de développement ou des problèmes neurologiques. Nous avons récemment mené des recherches à ce sujet. Chez les enfants atteints du syndrome de Down, l'observance de la CPAP est excellente dans quelque 80% des cas. Les enfants atteints du syndrome de Down sont très attachés aux habitudes. Une fois que la CPAP fait partie de leur routine de sommeil, ils peuvent facilement s'en accommoder. On remarque même parfois que l'arrêt de la CPAP les perturbe pendant un certain temps"."Chez les enfants qui ont encore du mal à accepter la CPAP, nous nous rendons à domicile pour induire une accoutumance au masque pendant la journée. Ou bien nous hospitalisons l'enfant pendant la période d'accoutumance. Une alternative est d'admettre l'enfant dans un centre de réadaptation pédiatrique. La mise en place d'une canule trachéale est un geste devenu exceptionnel."