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La fragilité est un processus dynamique mais la transition spontanée vers un niveau plus fragile est plus fréquente qu'une amélioration vers un stade plus robuste. Le développement de la fragilité conduit le plus souvent le patient dans une spirale de déclin fonctionnel devenant progressivement irréversible. Détecter la fragilité à un stade précoce, toujours réversible est indispensable pour que les interventions proposées soient efficaces. Prévenir la perte d'autonomie des personnes âgées, en dépistant et en prenant en charge les patients fragiles, est une action prioritaire qui relève des soins primaires. Pourtant, la place du syndrome de fragilité en médecine préventive n'est pas claire. Quel est le rôle que s'attribue actuellement le médecin généraliste belge, travaillant à l'acte, face à la fragilité de ses patients âgés vivant à domicile ?Mon étude avait comme objectif de recueillir l'avis de médecins traitants de la région verviétoise à travers une étude qualitative divisée en deux parties. En premier lieu, une discussion ouverte basée sur la technique du focus groupe a permis d'étudier leurs modes d'action et de relever leurs difficultés face à cette problématique de la fragilité.Après ce partage d'opinion, un groupe nominal a été effectué : les généralistes ont émis des actions à effectuer pour améliorer leur pratique. Celles-ci ont ensuite été classées par ordre de priorité.Nous avons pu constater à travers cette étude que les généralistes ont des connaissances théoriques satisfaisantes en matière de fragilité, même s'ils se sentent parfois trop peu informés. Pourtant, son dépistage reste difficile. La première raison est probablement le manque de sensibilisation des médecins mais également de la population. En effet, les personnes âgées restent réfractaires face à cette prise en charge qu'ils assimilent à une intrusion dans leur intimité. Les médecins traitants, eux, n'ont pas de démarche systématique. Ils se basent essentiellement sur leurs " got feelings ", leurs ressentis, pour détecter ces situations à risque et, dès lors, parfois ne les mettent en évidence qu'au stade de la perte d'autonomie. Des campagnes de sensibilisation pour le secteur professionnel et le grand public doivent être lancées par la Santé Publique si nous voulons créer un programme de dépistage à large échelle accepté par tous.Un outil de dépistage efficace pourrait aider les généralistes dans ce screening. Bien qu'il n'existe pas encore d'instrument parfait (sensible, spécifique, validé et adapté à la médecine générale), un outil comme le GFST "Gerontopôle Frailty Screening Tool " [1] semble efficace et est déjà apprécié par les médecins traitants français. Celui-ci doit néanmoins encore être validé. Utiliser une échelle similaire en Belgique permettrait, tout en laissant place au jugement clinique du médecin généraliste, de dépister de façon plus systématique la fragilité des patients âgés.La création d'un programme ou d'une structure adaptée d'évaluation et de prise en charge de la fragilité était une demande prioritaire des médecins traitants ayant participé à mon étude. En France, le projet " PAERPA " [2] et la " Clinique Gériatrique de la Fragilité " [3] de Toulouse sont deux projets pilotes de prévention de la fragilité intéressants. Ils répondent, au moins partiellement, à leurs demandes. Dans la perspective de créer un programme de prévention similaire en Belgique, nous pourrions nous en inspirer.Dr Anneline Marganne.