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Le modèle utilisé par la Cellule de planification des professions de santé qui alimente la Commission de planification de l'offre médicale est considéré comme un modèle performant car il intègre toutes sortes de données sur le profil des médecins et leur activité. Il est donc assez nuancé. En 2008, il a avait été déjà demandé au KCE de l'évaluer (rapport n°72) à l'époque où des critiques déjà se faisaient sentir sur sa fiabilité. Le KCE avait été invité à formuler des améliorations.Entre-temps, l'amélioration la plus notoire est le "planCAD" à savoir, le couplage entre le cadastre du SPF Santé publique qui recense les médecins diplômés en âge d'exercer dans notre pays et la base de données de l'Inami qui calcule plus ou moins le degré d'activité grâce aux données de remboursement. Les données sont ensuite comparées aux statistiques du SPF sécurité sociale (lieu de pratique du médecin, statut social - salarié ou indépendant, etc.).Le modèle est donc plus pertinent quant au lieu d'activité (hôpital ou ambulatoire) et degré d'activité. On peut donc quantifier le nombre de médecins réellement actifs alors qu'on se cantonnait jusque-là à un densité brute de médecins par habitant. On en sait plus aussi sur l'âge, le sexe, la nationalité, l'origine du diplôme etc. pour chacune des spécialités.Devant les défis démographiques et du vieillissement, le KCE a voulu toutefois connaître l'opinion des acteurs de la médecine au quotidien pour encore améliorer le modèle étant entendu que le nombre de médecins en âge d'exercer ne veut rien dire en soi.Parmi les améliorations, certains suggèrent que les couplages décrits plus hauts soient plus systématiques et alimentés en continu. Le plan CAD par exemple devrait être actualisé au moins une fois par an.Les personnes interrogées ont signalé en outre qu'une des faiblesses du système est la territorialité des médecins. On ne sait pas en somme où se trouvent les médecins et rien donc des éventuelles pénuries géographiques. D'autant plus que le domicile du médecin est loin de correspondre toujours à son lieu de travail.Autre biais : l'activité réelle des médecins en nombre d'heures n'est pas facile à identifier du fait de leur statut d'indépendant. La statistique reprend actuellement une extrapolation d'un "ETP médecin" sur base de la pratique médiane observée dans la tranche d'âge 45-54 ans. Ceci n'est pas suffisamment nuancé et ne correspond pas forcément à une activité optimale. "Par exemple", note le KCE, "elle peut refléter une sur-sollicitation de certaines médecins ou une production élevée d'actes médicaux non justifiés. Elle occulte également d'importantes variations en fonction des caractéristiques de la population prise en charge (urbaine/rurale, milieux défavorisés, patients chroniques ou non)." C'est une des principales pierres d'achoppement pour le corps médical.Reste alors à cerner la demande de soins pour calculer l'offre nécessaire. Une tâche particulièrement complexe, note le KCE. Faut-il se baser comme aujourd'hui sur la demande passée ? Ecueil principal : on ne prend pas en compte le demande "non consommée" dont les raisons sont variables (absence de médecin, report financier de soins, rendez-vous manqué, etc.).Une fois cette demande objectivée, il faut encore avoir une idée assez précise de la mobilité des médecins et soignants au sein de l'Europe et même au-delà (importation massive de professionnels de santé étrangers), de l'immigration des patients avec pathologie particulière, mais aussi des glissements entre ou au sein des spécialités (sages-femmes à la place des gynécologues, médecine de groupe, etc.).Interrogés par le KCE, les acteurs de santé recommandent de "dynamiser le modèle en y intégrant plus systématiquement ces évolutions". L'exemple à suivre pourrait être les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne, non pour leur modèle de soins sujet à caution mais par rapport aux moyens mis à disposition des experts chargés de la planification médicale.Mais quelles que soient les améliorations, la question lancinante reste de savoir si la planification est un but en soi. Il n'existe pas de nombre idéal de médecins. Tout dépend de ce qu'on leur demande et de la qualité des soins exigée. Faut-il faire davantage confiance au marché? Dans une Europe au confluent de migrations massives tant de professionnels que de patients, le défi consiste à veiller à une offre de soins suffisante, ni pléthorique ni trop rare, répartie équitablement sur notre territoire. Vaste chantier!