C'est chose admise : un médecin ça ne craint pas, et ça maitrise les drames mieux que quiconque. Armé d'une longue expérience, chaque situation d'urgence lui en rappelle une autre, appelée habituellement à se voir résolue. Le sésame " écartez-vous, je suis docteur " possède une portée magique pour ramener le calme. Sauf que ...
Allô le Smur
S'habitue-t-on jamais à l'urgence, la vraie, qui vous tombe dessus - seul au cabinet - au moment de clore la consultation ? Un patient apprécié, ami de longue date, s'est effondré et son épouse appelle à l'aide. La proximité vous permet d'arriver sur place dans les cinq minutes sans perte de temps à chercher la rue, la place pour se garer, le rituel des présentations. Tout s'est passé en une fraction de temps, la confusion des paroles, le regard qui file, la chute, les mouvements convulsifs et le silence. Quelques râles, la dégradation rapide de l'état général, le teint déjà gris, les mouvements incoordonnés du regard, une perte d'urine signent l'urgence neurologique dépassant le cadre épileptique. La persistance d'un pouls régulier et de mouvements respiratoires excluent la nécessité d'une réanimation classique, on dirait presque hélas ! car elle permet d'agir, occupe le temps d'attente et plante les rôles. Dans le cas présent, la prise des paramètres, le positionnement en situation latérale de sécurité, la désobstruction du larynx, voire la mise en place d'une oxygénation et d'une voie d'abord pour les plus doués ne nécessitent au mieux que trois ou quatre minutes : l'angoisse de l'attente peut commencer. Le Smur le plus proche est en intervention ailleurs, l'équipe appelée de plus loin mettra quelques petites minutes supplémentaires. On guette le bruit d'une lointaine sirène, l'éclat bleuté d'un gyrophare, on scrute la montre, on réinterroge l'épouse, tout ce qui aide à occuper le temps est bon à prendre.
Allô la solitude
Accroupi inconfortablement à côté du patient, scrutant avec inquiétude une arythmie, ou un arrêt respiratoire, le mouvement des pupilles, la froideur des extrémités, une cyanose qui s'accentue, avec pour seule aide un grand labrador apeuré qui vous rode autour, quelle solitude que celle du médecin traitant dans ces situations extrêmes. Ni décision à prendre, ni geste salvateur à poser, seule une longue patience, quelques paroles se voulant réconfortantes, et l'anxiété énorme que tout se termine avant l'arrivée de l'équipe de secours. C'est dans ces moments que l'on mesure la lenteur que peut représenter un quart d'heure et nous fait maudire notre solitude à domicile. Paradoxe de l'accessibilité, au plus rapide sera notre arrivée au plus longue paraîtra l'attente. L'arrivée du Smur, sa technicité, la cohésion d'une équipe habituée à collaborer et toute la liturgie nécessaire pour sécuriser le transport, gérer l'admission dans un centre adéquat, remettent immédiatement les horloges en route, et tout paraît être redevenu rapide. On a pris l'habitude de s'accommoder de ces petites mises à l'arrière-plan, à chacun son métier, n'emportant que le souvenir d'une anxiété énorme qu'on n'aura à aucun moment pu exprimer.
S'habitue-t-on jamais à l'urgence, la vraie, qui vous tombe dessus - seul au cabinet - au moment de clore la consultation ? Un patient apprécié, ami de longue date, s'est effondré et son épouse appelle à l'aide. La proximité vous permet d'arriver sur place dans les cinq minutes sans perte de temps à chercher la rue, la place pour se garer, le rituel des présentations. Tout s'est passé en une fraction de temps, la confusion des paroles, le regard qui file, la chute, les mouvements convulsifs et le silence. Quelques râles, la dégradation rapide de l'état général, le teint déjà gris, les mouvements incoordonnés du regard, une perte d'urine signent l'urgence neurologique dépassant le cadre épileptique. La persistance d'un pouls régulier et de mouvements respiratoires excluent la nécessité d'une réanimation classique, on dirait presque hélas ! car elle permet d'agir, occupe le temps d'attente et plante les rôles. Dans le cas présent, la prise des paramètres, le positionnement en situation latérale de sécurité, la désobstruction du larynx, voire la mise en place d'une oxygénation et d'une voie d'abord pour les plus doués ne nécessitent au mieux que trois ou quatre minutes : l'angoisse de l'attente peut commencer. Le Smur le plus proche est en intervention ailleurs, l'équipe appelée de plus loin mettra quelques petites minutes supplémentaires. On guette le bruit d'une lointaine sirène, l'éclat bleuté d'un gyrophare, on scrute la montre, on réinterroge l'épouse, tout ce qui aide à occuper le temps est bon à prendre.Accroupi inconfortablement à côté du patient, scrutant avec inquiétude une arythmie, ou un arrêt respiratoire, le mouvement des pupilles, la froideur des extrémités, une cyanose qui s'accentue, avec pour seule aide un grand labrador apeuré qui vous rode autour, quelle solitude que celle du médecin traitant dans ces situations extrêmes. Ni décision à prendre, ni geste salvateur à poser, seule une longue patience, quelques paroles se voulant réconfortantes, et l'anxiété énorme que tout se termine avant l'arrivée de l'équipe de secours. C'est dans ces moments que l'on mesure la lenteur que peut représenter un quart d'heure et nous fait maudire notre solitude à domicile. Paradoxe de l'accessibilité, au plus rapide sera notre arrivée au plus longue paraîtra l'attente. L'arrivée du Smur, sa technicité, la cohésion d'une équipe habituée à collaborer et toute la liturgie nécessaire pour sécuriser le transport, gérer l'admission dans un centre adéquat, remettent immédiatement les horloges en route, et tout paraît être redevenu rapide. On a pris l'habitude de s'accommoder de ces petites mises à l'arrière-plan, à chacun son métier, n'emportant que le souvenir d'une anxiété énorme qu'on n'aura à aucun moment pu exprimer.