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Le journal du Médecin: Quel jugement portez-vous sur les nouvelles tâches que le législateur alloue dans l'arrêté royal de 2014 au médecin coordinateur (MC) en maison de repos et de soins (MRS)?Dr Michel Hanset : Ces nouvelles tâches ont été décidées dans un bureau dans l'entre soi, apparemment. Ce qu'on nous demande est, pour une grande partie, irréaliste. On aimerait bien remettre sur pied une fonction de médecin coordinateur qui corresponde à ce qu'on fait réellement sur le terrain. Ce qui n'est pas le cas dans l'arrêté royal.Par exemple?On nous demande de tenir des réunions multidisciplinaires, d'avoir beaucoup de contacts avec les médecins traitants, de nous occuper de l'hygiène, de tenir des registres " infections "... Sans oublier la part dévolue à entretenir les relations avec les médecins traitants... C'est quasi impossible. De même, participer à l'organisation des formations me paraît un pas en arrière. Pas mal d'infirmières ne souhaitent pas être formées par le médecin coordinateur mais plutôt aller vers des formations extra-muros. En outre, il y a le gros problème des heures de présence. Dans les "grosses" coordinations (au moins 100 lits MRS), il y a un nombre d'heures de présence parfaitement légitime mais par contre dans une petite structure MRS, une heure par semaine ne correspond pas à la réalité. Enfin, il faut parler du contrat. L'activité en MRS fait perdre de la patientèle et au niveau honoraires, ceux-ci correspondent à ceux d'un médecin conseil débutant dans une mutuelle, soit en divisant, 60 cents d'euros par patient et par jour en MRS. De l'aveu de beaucoup, c'est assez faible. Cela ne motive pas beaucoup de MG...Concernant le médecin traitant (MT), a-t-il encore sa place en MRS? Quels problèmes rencontre-t-il? Comment peut-il suivre son patient?Lors de la soirée de la FAMGB consacrée à ce sujet la semaine passée, finalement, nous étions tous d'accord : la visite du MT en MRS est extrêmement frustrante. Elle prend énormément de temps. Quand vous en sortez, vous avez l'impression de ne pas faire du bon boulot. Lors d'une visite, vous avez des heures précises avant lesquelles vous devez être là. Avant 11 h. L'après-midi, c'est illusoire en raison des activités des pensionnaires et parce que l'infirmière chef a quitté les lieux... Deux: l'accessibilité. Vous vous présentez à la réception et on vous dit que votre patient est à la kiné, chez le coiffeur ou à une consultation. Vous êtes occupé à faire le tour de la maison de repos pour chercher une infirmière. Si l'infirmière n'est pas là, vous n'avez pas accès au dossier. Ce qui conduit à une visite où vous prenez la tension, vous prescrivez, vous attestez et vous quittez les lieux. Ce n'est guère en rapport avec ce qu'il faudrait faire... ...Comme s'attaquer à la polymédication ? Ainsi qu'à la malnutrition, la douleur... les maladies nosocomiales, les soins palliatifs, etc. Tous éléments pour lesquels le MT ne donne aucune réponse. Car en tant que MC, nous avons suivi une très bonne formation donnée par la SSMG en collaboration avec l'Aframeco (Association francophone des médecins coordinateurs et conseillers en MRS) qui nous donne des outils que le MT ne connaît pas. Des jeunes MG m'ont dit : " Pour toutes ces raisons, cela ne nous intéresse pas de travailler en MRS." Donc finalement, on en viendrait bien à un système dans lequel il y a deux, trois ou quatre MG dans la maison de repos avec vocation de gériatre qui s'occuperaient des patients. Car le problème c'est aussi la semi-urgence à laquelle le MT ne peut pas répondre. Du coup, de nombreux patients sont hospitalisés qui ne devraient pas l'être. Entraînant un coût économique... Bien sûr, le MT voudrait encore avoir un oeil sur son patient, d'autant que c'est ce qu'il lui a promis lorsque celui-ci a quitté le domicile. Que devient alors la collaboration entre ces généralistes et le MC au sein des institutions pour personnes âgées ? J'ai plaidé au sein de la FAMGB pour que la collaboration démarre. J'ai eu leur appui. La FAMGB est tout à fait prête à déléguer un certain nombre de choses au MC. C'est une piste. Mais cela se comprend pour un MC d'une institution relativement importante. Sinon, une heure par semaine, ce n'est pas suffisant. Je travaille en MR depuis 34 ans et je suis MC depuis 1999, j'ai 190 lits MRS à la Cambre. Je vois malheureusement que la collaboration avec le MG n'a jamais vraiment démarré. C'est majeur dans le traitement de la polymédication des personnes âgées. Or aucun MG ne s'attaque à ce problème, jusqu'au jour où cela viendra d'en haut, et il ne faudra pas s'en plaindre. De nombreux rapports dénoncent le "gavage" des personnes âgées en médicaments en MRS, justement...Tout à fait. L'étude Come On va paraître prochainement sur ce sujet : elle est sponsorisée par l'Inami et le SPF Santé publique. Elle recommande que le médecin soit aidé du pharmacien. En second lieu, il faut mettre l'outil STOPP-START vraiment à disposition du MG. Il détaille les médicaments qu'il faut absolument arrêter. On a du pain sur la planche...Comment le MC de la MRS gère-t-il l'" épidémie " d'Alzheimer ?Le MC peut faire énormément de choses. Mettre en place une approche de ces malades qui ne soit pas seulement médicamenteuse, neuroleptique ou psychotrope. Mais cela demande un investissement relativement important au niveau de la formation du personnel pour les familles et les aidant-proches qui ne connaissent pas très bien cette maladie. Il faut y associer les kinés qui favorisent l'activité physique. Et bien sûr, les ergothérapeutes qui par des petits jeux peuvent favoriser la mémorisation. On a pas mal de pistes par rapport à cela. Mais il faut ici aussi un investissement financier supplémentaire. Y a-t-il une médecine à deux vitesses dans les MRS?Honnêtement, je ne pense pas. A l'heure actuelle, les honoraires sont conventionnés. Personne à ma connaissance ne joue avec cela. Le loyer demandé en MRS est déjà suffisamment important pour les pensionnaires et les familles. Certes, il y a des MRS haut de gamme. Mais il y a là des lits vides car elles sont trop coûteuses.