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"S'il ne sont pas pro-avortement, je ne voterai pas pour eux", explique Jennifer Egor, 34 ans, venue écouter vingt des 23 candidats à l'investiture démocrate pour la présidentielle américaine de 2020."La santé de la femme, c'est essentiel, mais il ne s'agit pas que de l'avortement, c'est beaucoup plus que cela", poursuit-elle, assise parmi les membres de Planned Parenthood, grande organisation américaine de planning familial, réunis à Columbia, en Caroline du Sud, pour une conférence intitulée "Nous décidons. 2020". Une référence au droit à l'avortement, mais aussi à la prochaine présidentielle. De l'ancien vice-président Joe Biden aux quatre sénatrices en lice - Elizabeth Warren, Kamala Harris, Amy Klobuchar et Kirsten Gillibrand - en passant par Bernie Sanders et le jeune maire Pete Buttigieg, les prétendants à la Maison Blanche ont aussi écouté les témoignages poignants de nombreuses femmes.Après l'avalanche de dures critiques, y compris de la part de Planned Parenthood, puis son récent revirement sur la question, Joe Biden était le plus attendu dans cet État qui votera parmi les premiers lors de la primaire démocrate en 2020. Sans mentionner une fois le mot "avortement", ce catholique de 76 ans a expliqué pourquoi il n'était désormais plus opposé à l'usage de fonds fédéraux pour financer des avortements, après son soutien pendant des décennies à un amendement controversé (Hyde) qui affecte particulièrement les femmes les plus modestes. Début juin, Joe Biden a changé d'avis en réaction, a-t-il expliqué, aux mesures très restrictives adoptées récemment par plusieurs États conservateurs. Il a souligné samedi avoir toujours voté, pendant ses années de sénateur, en faveur du droit des femmes à décider, et a promis que s'il était élu président, il ferait inscrire dans la loi la décision de la Cour suprême des États-Unis "Roe vs. Wade" ayant légalisé l'avortement en 1973.Son intervention n'a pas convaincu Deborah Saye, 67 ans, venue en bus avec d'autres femmes depuis Charleston, à quelque deux heures de route, pour se faire une opinion sur les candidats. "Nous en avons parlé et nous ne savons pas si on doit le croire ou non", a-t-elle confié après son intervention. "Nous n'aimons pas beaucoup ses volte-faces."Le revirement de Joe Biden, début juin, après une avalanche de critiques, "a démontré qu'il faut désormais soutenir fermement le droit à l'avortement pour être un candidat démocrate à la présidentielle", analyse Kyle Kondik, politologue à l'université de Virginie. "L'avortement est devenu l'une des plus profondes lignes de division entre les deux partis et il s'agit d'un facteur mobilisateur pour beaucoup d'électeurs", poursuit-il. Le président républicain Donald Trump "a fait de la restriction du droit à l'avortement et de l'accès à la contraception un sujet central de son administration", notamment en nommant des juges conservateurs à la Cour suprême et dans les tribunaux fédéraux, renchérit Tresa Undem, du cabinet PerryUndem, qui étudie l'évolution de l'opinion publique sur l'avortement. Ajoutées à cela, les mesures très restrictives anti-avortement approuvées récemment par une demi-douzaine d'États "ont vraiment eu l'effet d'un séisme pour de nombreux électeurs démocrates et indépendants" qui sont en grande majorité favorables à l'IVG, affirme-t-elle. Ces lois ne sont, pour l'instant, pas appliquées en partie parce qu'elles entrent directement en contradiction avec la jurisprudence de la Cour suprême, qui pourrait se prononcer de nouveau sur le sujet dans les années à venir. Mais elles ont poussé la question "au coeur de la campagne", conclut Tresa Undem. Les "candidats démocrates parlent désormais de l'avortement et ne tentent plus de l'éviter".