Le Centre hospitalier Jean Titeca a pris le parti d'une thérapie psychiatrique par la philosophie du rétablissement. Via une architecture ouverte, la personne soignée est considérée comme un citoyen capable de poser des choix pour lui-même. Les grands espaces ouverts favorisent le contact avec les équipes pluridisciplinaires.
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Le projet "Apertio" du Centre hospitalier Jean Titeca à Schaerbeek porte bien son nom. L'architecture du bâtiment tout entier est repensée selon cette philosophie d'ouverture. Le contraste entre l'ancienne et la nouvelle aile est frappant. Une atmosphère lumineuse et cosy a remplacé l'ambiance dure et froide que lui prêtent régulièrement les films (un réalisateur profite d'ailleurs des lieux déserts de l'ancien bâtiment pour tourner les images de son prochain long-métrage). Les longs couloirs, les murs anguleux, les lourdes portes et les vitres épaisses ont disparu pour laisser place à de grands espaces ouverts. Dès son arrivée dans l'aile psychiatrique, la personne soignée est amenée à poser des choix: aller dans cette direction plutôt qu'une autre, se poser un moment ou prendre une douche, aller dans sa chambre ou cuisiner... De cette manière, les personnes soignées sont encore considérées comme des citoyens capables de prendre des décisions. Elles ne rencontrent plus de barrières pour aller parler au personnel soignant. Ce même personnel prend ses repas dans des espaces partagés avec les personnes soignées. Ouverture ne signifie pas pour autant liberté totale et incontrôlée. Même si elles sont rares, chaque porte que l'on franchit s'ouvre avec un badge. Mais même le contrôle des accès a été pensé pour la personne soignée. Chacune garde sur elle un badge qui est le seul qui permet d'ouvrir sa chambre, et uniquement la sienne. L'ouverture va au-delà de la seule conception du bâtiment. Elle s'applique également au rôle médico-social de l'hôpital psychiatrique. Le projet du Centre Jean Titeca s'inscrit dans une philosophie du rétablissement et prône un soin basé sur le parcours de la personne, dont l'épicentre n'est pas l'hôpital, mais le lieu de vie qu'elle a choisi. "L'hôpital psychiatrique doit, et heureusement, est déjà en train de se réinventer" pense le Dr Pierre Oswald, directeur médical du centre hospitalier. "Il doit être perçu comme un maillon du trajet de soin, et plus comme l'endroit du dernier espoir." Les 283 lits des dix unités de soins de Titeca sont tout le temps occupés. Le psychiatre confirme que, depuis la crise sanitaire, la demande a énormément augmenté. La faute évidemment à un mal-être qui s'est amplifié. Le nombre de personnes mises sous contrainte, parce qu'elle représentent un danger pour elles-mêmes ou pour des tiers, a également augmenté. Mais il faut aussi y chercher une raison, positive cette fois, dans la déstigmatisation de la fonction de psychologue et du recours aux soins psychiatriques. "Les personnes en situation de mal-être profond adoptent souvent une philosophie d'auto-stigmatisation", regrette Pierre Oswald. "Elles se mettent dans la tête qu'elles n'ont pas droit aux soins." Malgré la difficulté latente d'être attentif aux signaux, la psychiatrie évolue maintenant d'une place de dernière ligne vers celle de première ligne. "Les soins psychiatriques sont une option dès les signaux d'alerte. La question fondamentale est de faire modifier le point de vue sur la psychiatrie, de la voir non plus comme le lieu de la dernière chance, mais comme un moyen de prévention de la crise", insiste le Dr Oswald. Lorsque la crise survient finalement, le Centre Titeca l'accueille selon une approche multidisciplinaire. "La crise est une cassure dans le vécu. Mais il faut interroger cette cassure. Nous la voyons comme une étape dont on profite pour mettre un maximum de personnes différentes autour de la table pour que l'individu soigné puisse retourner le plus vite possible dans son vécu normal: psychiatres, psychologues, proches, médecins généralistes, mais aussi tous les autres intervenants hospitaliers comme les ergothérapeutes, les infirmiers, les kinés, les assistants sociaux, les éducateurs, les ostéopathes..." explique le Dr Pierre Oswald. "L'enjeu est vraiment de travailler l'interdisciplinarité", complète le Dr Patricia Kirkove, chef du service de médecine générale du centre. " À l'issue de cette démarche collective de sortie de crise, on va prendre une décision d'intervention, qui peut être totalement médicale, mais pas forcément: elle peut aussi porter sur l'organisation du lieu de vie, sur l'entourage de la personne soignée, consister en un suivi en médecine générale ou sur l'hygiène..." Pour le Dr Kirkove, l'hôpital est une opportunité de rassembler tous les savoirs autour du patient, dans une approche de la santé globale, somatique et mentale.