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Inspiré de l'initiative mise en place en France (Strasbourg) dès 2013, le dispositif " Sport sur ordonnance " s'est développé depuis 2018 dans cinq communes en Fédération Wallonie-Bruxelles : Ottignies, Court-Saint-Etienne, Mont-Saint-Guibert, Chaudfontaine et Saint-Hubert.Le principe est simple : dans ces communes, tout médecin généraliste a la possibilité de " prescrire " de l'activité physique à ses patients atteints d'une affection de longue durée (diabète, hypertension artérielle, lombalgie, ostéoporose, cancer...). Le patient contacte ensuite le coordinateur local de la commune et peut alors bénéficier d'une séance hebdomadaire de sport à faible coût (2 à 4 euros), pendant une durée de trois à six mois.Ces cours standardisés de 90 minutes sont dispensés par des moniteurs qualifiés et travaillent les quatre paramètres de la condition physique : la force, l'endurance, la souplesse et l'équilibre. " Passer de la recommandation orale - " vous devriez faire un peu de sport " - à la prescription écrite a un effet extrêmement puissant ", commente Benoît Massart, diplômé en Sciences de la motricité de l'UCLouvain, et membre fondateur de l'asbl Sport sur ordonnance.Selon le dernier rapport d'information 2018 publié conjointement par l'OMS et la Commission européenne, les deux tiers des Belges ne pratiquent pas suffisamment une activité physique régulière. Les conséquences de cette inactivité sont majeures et connues : quatrième facteur de risque de mortalité au niveau mondial, elle serait responsable d'au moins 6% des décès. Sans parler de son coût pour la sécurité sociale. Il est par ailleurs désormais scientifiquement établi qu'un programme structuré d'exercices physiques joue un rôle déterminant non seulement dans la prévention, mais aussi dans le traitement et l'évolution de nombreuses maladies chroniques. " Depuis 2010, la vision a fortement évolué : l'exercice n'est plus du tout vu comme un outil uniquement préventif mais fait vraiment partie intégrante de la prise en charge thérapeutique ", explique le Pr Gilles Caty, membre du comité scientifique de l'asbl Sport sur ordonnance" et praticien au sein du service de médecine physique et réadaptation des Cliniques universitaires Saint-Luc." Dans le diabète par exemple, le sport joue certes un rôle dans la prévention primaire mais aussi dans la prévention secondaire - et même quand le patient est symptomatique, il continue à faire partie intégrante de la prise en charge ", illustre le spécialiste. " Idem pour le cancer : il est bien démontré que l'activité physique a un rôle préventif mais dans le cadre de la prise en charge thérapeutique, elle permet d'améliorer la condition physique des patients et de diminuer certains symptômes comme la fatigue et les effets secondaires de certains médicaments comme l'hormonothérapie utilisée dans le cancer de la prostate. " Dans le cancer du sein et du côlon, l'exercice physique permettrait de réduire de 30 à 50 % le risque de récidive.L'activité physique a également un effet positif dans la prise en charge thérapeutique des patients séropositifs dont les traitements peuvent entraîner un diabète et une prise de poids. Elle permet en outre de ralentir la progression de certaines maladies dégénératives, comme Alzheimer, Parkinson ou la sclérose en plaques. Dans l'arthrose, elle réduit la douleur, améliore la fonction des articulations et permet de réduire la consommation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens et d'antalgiques.La santé mentale n'est pas en reste. Dans la dépression et l'anxiété, les activités basées sur l'endurance ont un effet anxiolytique démontré. " Bien sûr, prendre un médicament paraît plus facile. Mais certains médecins sont aujourd'hui convaincus que l'activité physique doit être prescrite en première intention dans la dépression légère à modérée. Et qu'elle peut parfois totalement remplacer le médicament, ce que l'on n'envisageait pas encore il y a dix ans. " Bien sûr, certaines adaptations doivent être proposées en fonction de la maladie. " Dans la BPCO, on se focalisera sur la rééducation respiratoire. Dans le cancer, s'il y a des métastases osseuses, on fera moins d'exercice de renforcement musculaire, ou on évitera en tout cas de cibler la zone où les métastases sont présentes. Dans le diabète, même si le renforcement musculaire est important, on mettra plutôt en avant l'aspect cardiorespiratoire pour atteindre une diminution de la glycémie et de l'insulinorésistance ", détaille le Pr Gilles Caty.Si l'efficacité d'une activité physique adaptée (APA) est démontrée, les structures sportives paramédicalisées manquent. Même pour les patients qui pourraient rejoindre une structure sportive classique, la démarche est parfois entravée par des freins financiers, logistiques ou psychosociaux. " Certains patients sont amenés à pratiquer une activité physique au sein de structures hospitalières après un problème de santé, par exemple en revalidation cardiaque. Mais au terme des 40 séances chez le kinésithérapeute, ils peuvent parfois se sentir un peu perdus en dehors du milieu hospitalier ", détaille Benoît Massart. Le dispositif " Sport sur ordonnance " joue alors le rôle d'un sas de transition, de même qu'il peut être adapté à des patients qui, sans être passés par la case hôpital, ont perdu confiance dans leurs capacités à bouger. " Avec ce dispositif, on cocoone les patients - certains ne peuvent plus marcher 150 mètres sans s'arrêter et l'activité n'est donc pas au départ une source de plaisir... - pour qu'ils puissent progressivement reprendre confiance, se sentir mieux, récupérer un capital musculaire. Et qu'ils puissent ensuite choisir une activité qui leur plaise dans une structure sportive locale. "L'initiative se veut aussi un point d'appui pour les médecins généralistes. " Les médecins généralistes ont parfois envie d'orienter leurs patients vers une activité physique, mais ils ne connaissent pas précisément l'offre sportive existante dans leur région. Ils n'ont pas envie de les envoyer chez Basic Fit sans savoir quel sera l'accompagnement et c'est bien normal. "Reste aujourd'hui à diffuser plus largement ce dispositif et à l'inscrire dans une logique à long terme. " À l'UCL, nous avons développé un certificat en "exercice medecine" destiné aux médecins diplômés et un autre certificat en "exercice therapy" destiné à des masters en kinésithérapie ou éducation physique ", détaille le Pr Gilles Caty. " Des médecins spécialistes en diabétologie ou cancérologie y assurent des heures de formation afin que l'exercice soit envisagé sous l'angle de diverses pathologies spécifiques. " Pour Benoît Massart, la demande est là, tant du côté des médecins que des décideurs locaux. " De nombreuses communes intéressées nous contactent pour mettre en place un dispositif similaire aux cinq communes adhérentes ". Dans une récente carte blanche publiée dans La Libre Belgique, cosignée par les deux intéressés, différents acteurs du monde médical, sportif et politique en appelaient à une prise de conscience élargie. " Sans coordination entre les acteurs impliqués, Inami, mutuelles, milieux médical, paramédical, associatif et APA/sportif, et sans cadre législatif, le modèle peinera à s'étendre ", avertissaient-ils, rappelant qu' " à l'heure où notre sécurité sociale doit absorber des coûts faramineux liés à la gestion des maladies chroniques, cette évolution représenterait un investissement durable et efficient pour le bien-être de toute la population. "