La boîte à outils de Jean-Pierre Hansen

Le Graal d'un lien mécanique entre liberté, efficacité et équité n'existe pas. Les théories démontrant un lien mathématique entre les trois n'y arrivent qu'au prix d'hypothèses irréalistes. D'où l'importance d'enchaînements déductifs à partir de principes moraux. Référence à une théorie économique de l'équité transversale et verticale: traitement égal des égaux, mais aussi inégal des inégaux, par des mécanismes de compensation.

Jean-Pierre Hansen (1) s'inquiète d'une faillite morale de la société, pas si récente, texte effarant de Mark Twain à l'appui, et surtout, d'une faillite des institutions qu'il tempère en soulignant leur mission écrasante de complexité technique, mais aussi politique. Sa solution: un retour aux fondements mêmes de la pensée d'Adam Smith (AS) en acceptant le constat que l'homme est "double", qu'on ne peut séparer celui de La Richesse des Nations qui aspire à la prospérité matérielle, et celui des Sentiments moraux (première oeuvre d'AS) qui ne peut et ne veut vivre sans empathie, des autres et pour les autres.

Quelle boîte à outils économiques pour les soins de santé?

Les choix n'ont pas la même portée selon les positions, politiques, hôpitaux, patients ou praticiens.

L'argent du bien commun. Le lecteur peut trouver ci-dessous les grands postes du budget de l'État:

https://bosa.belgium.be/sites/default/files/content/documents/infovisual_government_budget_202205_-_absolute_a3l_fr.pdf.

Deux objectifs prioritaires:

1° Une des plus nobles missions des politiques devrait être de fixer un cadre légal clair, lisible et compréhensible pour chaque citoyen dans le respect de sa dignité humaine et de son autonomie. Exactement ce que l'État exige des praticiens à l'article 5 de la Loi sur les droits des patients.

La satisfaction quant au rapport qualité/prix du service reçu ou rendu devrait primer partout.

2° La viabilité financière globale du système. Les tensions sur les finances publiques ont entraîné des réformes en cascade sans réflexion de fond, mais le système résiste, avec une large satisfaction du public. Pour combien de temps? Car le socle des praticiens de terrain ploie sous des lourdeurs bureaucratiques disproportionnées mobilisant des moyens financiers tout aussi disproportionnés.

L'argent des hôpitaux. La marge de manoeuvre des directeurs généraux est terriblement étroite. Le cadre légal clair, lisible et compréhensible évoqué plus haut manque cruellement et la réforme en cours ne va pas trancher les noeuds gordiens. Pris entre les mâchoires de pressions partisanes et de demandes des médecins et des soignants, hélas souvent désaccordés, les directeurs généraux ont bien besoin de trésors de vertus généralistes pour développer des stratégies en vue d'harmoniser qualités médicale, humaine et financière. Exemple: Faut-il encore autant de briques? Vu la montée de la médecine ambulatoire partout sauf en Belgique, n'est-il pas imprudent d'investir 2,4 milliards dans les briques des hôpitaux en Wallonie? (jdM du 2 juin 2022).

La sécurité tarifaire. Le tiers payant obligatoire, même pour les ayants-droits qui ne le demandent pas et l'obligation de la chambre seule pour garder le libre choix du médecin offrent deux exemples de complications bureaucratiques irrespectueuses de la dignité des personnes.

Les libertés subtiles vont dépendre de plus en plus de la capacité des médecins, toutes pratiques et toutes idéologies confondues, de faire comme les mutuelles et de s'entendre sur un solide pacte d'avenir. Sans cet effort, les revenus de tous les praticiens et pas seulement des médecins resteront la principale variable d'ajustement d'une qualité financière stupidement déconnectée des qualités techniques et humaines.

1. L'économie de marché est-elle juste? Un programme du Collège Belgique, sous la direction de Jean-Pierre Hansen, auteur d'une Quête de Graal - La Recherche de l'équité en environnement économique, publié avec cinq autres leçons par l'Académie en poche. Il a aussi écrit "La vraie nature du marché - ces idées qui nous gouvernent", De Boeck.

Qu'est-ce que la qualité financière ?

" Qualité financière " sonne mal aux oreilles de tous ceux qui rêvent de mettre l'art de guérir et de soigner hors marché. Ils préfèrent des conditions de travail déconnectées de l'argent. Ainsi, des médecins salariés prétendent n'avoir aucun autre motif que le bien du malade pour prescrire des actes médicaux puisque leurs revenus n'en dépendent pas. Comme si le lien entre les décisions médicales et l'argent était si simple ! Quand les médecins se montrent réticents à prendre leur part de responsabilité dans l'articulation de la qualité financière avec les qualités techniques et humaines de leurs actes, qui va s'en occuper ? Des commissions composées d'administratifs, de représentants de groupes d'intérêts divers et de praticiens s'en chargent. Système belge : du choc des points de vue émergent des solutions équilibrées. Malheureusement, des bureaucraties d'experts à la légitimité fort peu lisible fixent l'agenda et dominent les discussions. Que disent aujourd'hui les médecins salariés, dépités ? Les seuls entretiens que nous avons avec nos gestionnaires concernent les objectifs financiers imposés par eux. La qualité de la médecine sur le terrain ? Des bureaucraties la décrètent dans des étages dédiés à l'analyse scientifique. Comme quoi, aucun praticien ne peut échapper à cette vérité triviale : l'art d'affronter les questions d'argent s'impose aux aptitudes généralistes de tous et de chacun. Mais il faut aussi écouter les spécialistes.

La boîte à outils de Jean-Pierre HansenLe Graal d'un lien mécanique entre liberté, efficacité et équité n'existe pas. Les théories démontrant un lien mathématique entre les trois n'y arrivent qu'au prix d'hypothèses irréalistes. D'où l'importance d'enchaînements déductifs à partir de principes moraux. Référence à une théorie économique de l'équité transversale et verticale: traitement égal des égaux, mais aussi inégal des inégaux, par des mécanismes de compensation. Jean-Pierre Hansen (1) s'inquiète d'une faillite morale de la société, pas si récente, texte effarant de Mark Twain à l'appui, et surtout, d'une faillite des institutions qu'il tempère en soulignant leur mission écrasante de complexité technique, mais aussi politique. Sa solution: un retour aux fondements mêmes de la pensée d'Adam Smith (AS) en acceptant le constat que l'homme est "double", qu'on ne peut séparer celui de La Richesse des Nations qui aspire à la prospérité matérielle, et celui des Sentiments moraux (première oeuvre d'AS) qui ne peut et ne veut vivre sans empathie, des autres et pour les autres. Quelle boîte à outils économiques pour les soins de santé?Les choix n'ont pas la même portée selon les positions, politiques, hôpitaux, patients ou praticiens. L'argent du bien commun. Le lecteur peut trouver ci-dessous les grands postes du budget de l'État: https://bosa.belgium.be/sites/default/files/content/documents/infovisual_government_budget_202205_-_absolute_a3l_fr.pdf.Deux objectifs prioritaires: 1° Une des plus nobles missions des politiques devrait être de fixer un cadre légal clair, lisible et compréhensible pour chaque citoyen dans le respect de sa dignité humaine et de son autonomie. Exactement ce que l'État exige des praticiens à l'article 5 de la Loi sur les droits des patients. La satisfaction quant au rapport qualité/prix du service reçu ou rendu devrait primer partout. 2° La viabilité financière globale du système. Les tensions sur les finances publiques ont entraîné des réformes en cascade sans réflexion de fond, mais le système résiste, avec une large satisfaction du public. Pour combien de temps? Car le socle des praticiens de terrain ploie sous des lourdeurs bureaucratiques disproportionnées mobilisant des moyens financiers tout aussi disproportionnés.L'argent des hôpitaux. La marge de manoeuvre des directeurs généraux est terriblement étroite. Le cadre légal clair, lisible et compréhensible évoqué plus haut manque cruellement et la réforme en cours ne va pas trancher les noeuds gordiens. Pris entre les mâchoires de pressions partisanes et de demandes des médecins et des soignants, hélas souvent désaccordés, les directeurs généraux ont bien besoin de trésors de vertus généralistes pour développer des stratégies en vue d'harmoniser qualités médicale, humaine et financière. Exemple: Faut-il encore autant de briques? Vu la montée de la médecine ambulatoire partout sauf en Belgique, n'est-il pas imprudent d'investir 2,4 milliards dans les briques des hôpitaux en Wallonie? (jdM du 2 juin 2022). La sécurité tarifaire. Le tiers payant obligatoire, même pour les ayants-droits qui ne le demandent pas et l'obligation de la chambre seule pour garder le libre choix du médecin offrent deux exemples de complications bureaucratiques irrespectueuses de la dignité des personnes. Les libertés subtiles vont dépendre de plus en plus de la capacité des médecins, toutes pratiques et toutes idéologies confondues, de faire comme les mutuelles et de s'entendre sur un solide pacte d'avenir. Sans cet effort, les revenus de tous les praticiens et pas seulement des médecins resteront la principale variable d'ajustement d'une qualité financière stupidement déconnectée des qualités techniques et humaines.