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Il y a celles et ceux qui font craquer leurs doigts. Il y en d'autres qui font craquer leur cou. Le geste est parfois tentant, surtout après une longue journée de travail devant un ordinateur, quand on éprouve le besoin d'évacuer les tensions accumulées dans la nuque.Mais ce geste du craquage n'est pas aussi anodin qu'il n'en a l'air. Au contraire, c'est plutôt une très mauvaise habitude qui peut avoir des conséquences dramatiques. Josh Hader, un Américain de 28 ans, l'a appris à ses dépens même si au bout du compte il s'en est bien sorti.Père de deux enfants d'un et cinq ans, le jeune homme est chez lui, le 14 mars dernier, quand une douleur à la nuque se réveille. Cela fait déjà deux semaines qu'elle le dérange. Pour se soulager, il entreprend de se masser le cou et s'étire quelque peu. C'est alors qu'il entend un craquement.Quasi instantanément, Josh Hader commence à se sentir mal. " J'ai constaté que le côté gauche de mon corps s'engourdissait ", a-t-il raconté au Washington Post1.Ancien officier de police rompu aux premiers secours, il vérifie si son visage s'affaisse car c'est un signe d'AVC. Mais ce n'est pas le cas. Alors il se dit qu'il s'est simplement froissé ou coincé un nerf." Ensuite, je me lève et je me dirige vers la cuisine pour aller chercher un pack de glace dans le réfrigérateur. Mais je ne parviens plus à marcher droit. Mon corps se déporte sur la gauche en suivant un angle de 45°. Je souffre également d'un engourdissement et d'une vision double. "Réalisant que quelque chose ne va vraiment pas, Josh Hader appelle son beau-père pour qu'il vienne le chercher et le conduise à l'hôpital. Durant l'attente de quelques minutes, son état se dégrade rapidement.Arrivé aux urgences du Mercy Hospital d'Oklahoma City une demiheure après les faits, il n'est plus du tout capable de marcher. Il est rapidement pris en charge et le diagnostic est inquiétant : il s'agit d'un grave AVC. Le scanner révèle qu'il n'y a pas de saignement dans le cerveau, mais qu'une dissection d'une artère située au niveau du cou a entraîné la formation d'un caillot de sang bloquant la circulation sanguine, à l'origine de son AVC. Cette artère a en effet pour rôle d'apporter du sang oxygéné vers la tête et le cerveau." Je me souviens être assis et entendre le médecin dire qu'il reste douze minutes pour m'administrer un anticoagulant ", souligne Josh Hader.Le traitement évoqué par le jeune homme est un activateur du plasminogène tissulaire. Il dissout les caillots sanguins et il s'avère efficace.Josh Hader a eu beaucoup de chance. Selon le Dr Vance McCollom, médecin au Mercy Hospital, qui l'a pris en charge, il aurait pu tomber dans le coma ou se retrouver dans un état végétatif permanent, voire en mourir.Les dissections d'artères du cou, qui se manifestent d'abord par des douleurs à l'arrière du cou et des maux de tête à l'arrière du crâne, sont en effet la seconde cause d'AVC chez les adultes de moins de 45 ans. Il existe deux artères carotides et deux artères vertébrales, qui cheminent dans les vertèbres cervicales. C'est le plus souvent l'artère carotide interne qui est touchée. Ce qui est arrivé à Josh Hader, la dissection d'une artère vertébrale, est plus rare. Cela peut entraîner un AVC ischémique.Le patient est d'abord resté quelques jours dans une unité de soins intensifs. Un muscle attaché à son oeil a été affaibli par un nerf blessé, ce qui explique sa vision double et floue. Il a donc dû porter un cache-oeil pendant plusieurs jours. Il a également dû utiliser un déambulateur et il a souffert d'un hoquet douloureux pendant une semaine et demie.Transféré dans un centre de rééducation, il a fini par se rétablir. Mais ce jeune père de famille conserve tout de même des séquelles : " Je me fatigue beaucoup plus vite qu'avant ", confiet-il. " Mon équilibre est encore perturbé. Le côté gauche de mon corps fourmille un peu et paraît plus lourd qu'auparavant et mon côté droit ne ressent plus de vive douleur ou de sensation de froid ou de chaud. Enfin, j'ai des difficultés à contrôler mon bras. "Impressionnant, le cas de Josh Hader n'est pourtant pas isolé. Un rapport de cas datant de 2011 parle d'une femme de 42 ans avec une artère vertébrale déchirée après plusieurs craquements de cou tandis qu'une métaétude publiée en 2013 dans PLOS One a recensé plus de 700 cas d'AVC associés à la manipulation chiropratique de la colonne vertébrale2,3.En 2016, la mannequin Katie May, âgée de 34 ans, est décédée des suites d'un AVC. Elle était allée voir un chiropracteur pour des douleurs au cou, et avait subi une déchirure d'une artère vertébrale à la suite d'une manipulation.Enfin, récemment, le quotidien britannique The Sun a rapporté l'histoire similaire d'une jeune ambulancière de 23 ans, Nathalie Kuniciki, qui a entendu " un gros crac " après s'être étiré le cou, alors qu'elle était au lit en train de regarder un film4. Elle aussi a survécu à son AVC mais les médecins ne savent pas si elle pourra se rétablir complètement.Parce que cet événement a été un véritable choc pour la jeune femme, elle souhaite sensibiliser les jeunes sur l'AVC. Quant au Dr McCollom, qui raconte avoir déjà pris en charge plusieurs patients souffrant de ce même phénomène, il conseille de réfléchir à deux fois avant de faire des mouvements trop brusques avec son cou...