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En tant que président du GBO, je tenais à rendre hommage à cette figure de la MG qu'était le Dr Marco Dujardin, frère de mon ami Bruno, lui aussi médecin et qui nous a quittés beaucoup trop tôt en 2015. Le temps très particulier que nous vivons ne nous a pas permis d'assister à ses funérailles auprès des siens, sa compagne, sa soeur, son frère et ses trois enfants, les autres membres de sa famille, ses proches et ses amis. Pour eux et pour tous les soignants qui l'ont connu et côtoyé, j'ai voulu laisser une trace qui a pris la forme de témoignages. Merci aux témoins qui ont bien voulu accepter de parler de Marco avec autant de chaleur et de justesse. Merci aussi au jdM d'avoir immédiatement accepté d'ouvrir ses colonnes pour permettre ce salut au collègue emporté par ce foutu virus. Je dirai comme en Afrique, où il a passé une partie de sa vie : " Que la terre te soit légère, mon ami ! "Paul De MunckMarc Dujardin est le genre de personnage à propos duquel on se souvient de sa première rencontre. Il avait remis les pieds en clinique à l'occasion d'un remplacement à la Maison Médicale La Passerelle, où j'effectuais mon assistanat. Il avait trouvé en salle de réunion un bouquin de Georges Orwell, qu'il admirait, et cherchait ardemment son propriétaire. On pouvait y lire ceci : " Être humain consiste essentiellement à ne pas rechercher la perfection, à être parfois prêt à commettre des péchés par loyauté, à ne pas pousser l'ascétisme jusqu'au point où il rendrait les relations amicales impossibles, et à accepter finalement d'être vaincu et brisé par la vie, ce qui est le prix inévitable de l'amour porté à d'autres individus ". Je trouvais cela parfait pour un hommage post-mortem, c'était peut-être un peu mollasson à son goût.Il avait le goût immodéré de l'énergie accompagnant la naissance des actions collectives. Il a intégré notre Maison Médicale très tôt après sa création, dès 2007 je pense. Il a toujours occupé une position de franc-tireur. Avec une liberté de ton qui laissait parfois pantois, collègues comme patients, mais qui souvent, aussi, pouvait décomplexer, insuffler l'élan nécessaire et suggérer une sortie par le haut. Il a appris à beaucoup d'entre nous, jusqu'à la dispute, à pouvoir assumer le désaccord et la polémique.Marco avait une densité de vie hallucinante. Probablement le petit frère de Jack London. Etudiant au Cap vert, traversant le désert en solitaire et faisant le coup de fusil en Erythrée. Un touche-à-tout autodidacte. Tour à tour plongeur, marin, musicien, jardinier et bouilleur de cru. Une érudition et une sensibilité rares. Le talent de semer des mots et des objets utiles.D'autres feront l'éloge de son action décisive pour les soins de santé primaire en Belgique. Vous l'entendrez parler de cette période de sa vie savoureusement quelques minutes ici (https://www.maisonmedicale.org/-2004-.html). Lui me disait que sa plus grande satisfaction professionnelle avait été les compliments d'un vieux patient italien sur la qualité de la pose du carrelage qu'il venait d'effectuer dans sa première maison médicale à Seraing.Je garde l'image de Marc, chipant la guitare d'un quidam aux Olivettes, tard dans la nuit après un souper d'équipe, pour interpréter une chanson anarchiste italienne dont je donnerais cher pour retrouver le nom...Gilles Henrard, pour la maison médicale St-LéonardEn 1979, lorsque je l'ai rencontré, Marco fut intéressé d'emblée par ma fonction de psychologue social formé à l'animation des groupes et à l'analyse institutionnelle. L'institution sortait alors d'une importante crise institutionnelle.Marco avait un tempérament de leader d'une grande intelligence et inventivité sur le plan politique et humain. Son attention et le soin pris au fonctionnement de l'institution sont sans aucun doute à relier à son joyeux souci pour le processus démocratique. La place importante qu'il prenait où qu'il se trouvait ne suscitait cependant pas toujours une adhésion unanime.Marco était un touche à tout de génie, médecin, musicien, sculpteur, inventeur, politique,... et j'en oublie sans doute.Il était probablement plus intéressé par une fonction instituante (création d'institutions, innovations politiques, inventions au services des collectivités, ...) que par une installation dans un ronronnement institué. D'où sa bougeotte institutionnelle que le fit quitter notre maison.Vanni Della GiustinaLes hommes les plus distingués dans les arts, la pensée, le génie sont en général mélancoliques (Aristote ?, problème XXX).J'ai connu Marco à l'été 1981, je cherchais une maison médicale pour poser ma trousse. Immédiatement, Marco a sorti toutes ses armes de séduction qui étaient nombreuses. Il m'expliqua que Bautista van Schouwen (BVS) était le summum des maisons médicales qu'on y pratiquait l'HAD, la prévention, l'autogestion, qu'une recherche sur le dossier médical était lancée et que la négociation forfaitaire était sur les fonts baptismaux.Il était passé par le journal Pour, officine maoïste, mais il n'avait pas été trop convaincu par Garot et consorts. Brillant étudiant en médecine, il avait à la surprise de ses maîtres opté pour la médecine générale. De plus alors qu'il était bruxellois, il a atterri à Seraing haut lieu des luttes sociales.MariClaire Chaineux qui l'accueilli en 1977 à son arrivée à la MM Bautista van Schouwen, se souvient de quelqu'un d'ouvert et critique, guère admirateur du socialisme réel pratiqué de l'autre côté du rideau de fer.Il a suivi une formation en santé publique et a rédigé un mémoire sur le dépistage du cancer du sein qui fut suivi de nombreuses animations dans toute la province de Liège.Présent lors de la fondation de la fédération des maisons médicales, il se signala par sa radicalité à l'égard de pratiques plus tièdes.Pour la FMM, il s'investit à fond dans le combat forfaitaire ce qui permit au règlement d'être voté en 1982 et à la MM BVS de coiffer en tête le poteau du forfait en juillet 1984. Par ailleurs, il était entré au parti socialiste séresien, élu conseiller communal et attaché de cabinet du ministre communautaire de la santé Robert Urbain.Il était très apprécié des patients qu'il soignait et qui m'en parlent encore avec des trémolos dans la voix, 34 ans après son départ.Il fut le moteur d'un cahier du GERM sur l'hospitalisation à domicile près de 30 ans avant qu'on en cause à l'Inami et au KCE. Soldat infatigable du forfait il réalisa auprès de François Praet, statisticien de l'Inami et futur administrateur général, une première étude sur les économies substantielles d'hospitalisation réalisée par la maison médicale BVS.Il a eu un parcours professionnel complexe probablement dû à son amour des commencements. Il n'a pas été saisi par le dur désir de durer . Il nous quitte beaucoup trop tôt happé par ce poison couronné.Pierre DrielsmaMes souvenirs de Marco remontent aux années septante du siècle passé. Grâce au Groupe d'étude pour a réforme de la médecine (GERM), nous étions - nous les pionniers des centres de santé de quartier - entrés en contact avec les maisons médicales de Seraing, Forest, Molenbeek, Bruxelles, Linkebeek, Tournai ... Une nouvelle grève des médecins - fin 1979 - a été l'occasion d'une alliance puissante entre les travailleurs de la santé progressistes avec la société civile pour s'opposer au corporatisme médical et aux soins de santé communautaires. Grâce à cette action, une large base s'est dégagée pour le modèle de soins que nous défendions. Il a été traduit concrètement dans le combat pour le paiement forfaitaire qui s'est vu couronné de succès lorsque la Maison médicale Bautista Von Schauwen (BVS) a commencé en tant que première maison médicale au forfait du pays. Marco avait une grande perspicacité politique et un grand leadership. La lutte pour le forfait était enracinée dans une lutte pour le lien social et une réelle solidarité avec les mineurs, les travailleurs d'usine, les migrants, avec ceux qui étaient vulnérables et moins fortunés. En connectivité et solidarité avec les personnes et les communautés pour lesquels nous avons défendu la santé. Il s'agissait également de la solidarité et de l'alliance entre le Nord et le Sud, les francophones et les Flamands. Pour ces solidarités, Marco s'est battu. Nous devons continuer à les chérir. Merci Marco.Ri De RidderUn homme de partageLa première fois que j'ai vu Marco Dujardin, c'était lors d'une réunion du jeudi soir, il venait se présenter avec l'espoir de se joindre à l'équipe existante. Ça devait être en 1975, il sortait ou allait sortir de médecine générale de l'ULB.Il m'est apparu savoir ce qu'il voulait: travailler en équipe pluridisciplinaire, d'une façon démocratique. Le patient était au centre de ses préoccupations. Il pensait qu'une personne bien renseignée sur sa santé devenait le plus souvent acteur de sa santé et participait aux actions de préventions que nous développions.Le système politique de santé gérant la médecine générale à tous les niveaux-syndical-communal-provincial-gouvernemental en Belgique le préoccupait tout autant.Durant toutes ces années de partage du travail je l'ai découvert pleinement humain, généreux, curieux de tout. Il appréciait la confrontation des idées, des connaissances, des expériences et nous rappelait régulièrement l'enrichissement réciproque qu'il en découlait. Inventeur, il était constamment en recherche de moyens qui permettraient de faciliter l'accès une santé de très bonne qualité pour tous avec des prestataires bien payés!Il orientait son action aussi pour soulager les petits maux causant de grandes souffrances que l'on rencontre fréquemment en médecine générale ainsi par exemple, il excellait de dextérité pour enlever les ongles incarnés et les thrombus d'hémorroïdes! il a soulagé pas mal de patients à n'importe quelle heure.Non conformiste, s'adaptant à tous les milieux, penseur et acteur, il possédait la force nécessaire pour concevoir, demander et obtenir l'impossible, mais jamais seul.C'est ainsi qu'il ne trouvait pas sain l'échange d'argent entre le patient et le soignant, il pensa très vite à une possibilité de s'en passer, c'est de là qu'est parti le développement du "Forfait". Il était persuadé que les patients n'abuseraient pas de consultations et de soins si la médecine devenait gratuite. Cela s'est vérifié.Il avait une grande faculté d'écoute tant vis à vis des patients que des membres de l'équipe: il pratiquait la communication non violente. Quand il n'était pas d'accord, ses yeux plafonnaient, sa tète tanguait, un silence s'installait...et disait "oui bien sur comme dit...(un tel) ..(il reformulait)...mais j'ajouterais...".Il s'engageait à fond en toute modestie et aimait que d'autres embrayent avec lui.Il aimait l'Italie et les Italiens. A Seraing, il était servi! Il était heureux d'être choisi comme amis dans certaines familles, des relations bilatérales de confiance s'installaient. Il comprenait le concret de la vie des petites gens (nous avions de tout petits salaires!) et en appréciait les valeurs vécues, l'orientation de leurs actions, les contraintes du travail pour l'homme et la femme tant à l'extérieur que dans la famille, les interactions: tout l'intéressait: l'histoire ouvrière de Seraing, l'immigration, la recette de pizza, la taille des bonzaïs... et le saxo.Marco était ingénieux, fin stratège, conscient de ses valeurs qu'il pouvait insidieusement nous distiller, toujours avec l'intention d'en faire profiter l'équipe. Il restait modeste et aimait partager.Quand un collègue, un ami s'en va, on a tendance à ne voir que le positif et il ne m'a pas été difficile d'en trouver. S'il m'entendait il "ferait le gêné". !Je crois qu'il a passé de belles années parmi nous. Je l'espère!Merci Marco.Marie Claire Chaineux-infirmière à la maison médicale Bautista Van Schauwen dès 1974Dans cette vidéo d'archives, vous pouvez découvrir une intervention de Marco Dujardin.