Dr G.B. : Généralement, les Chambres syndicales des médecins ne font pas de la logistique ou de la vente de quoi que ce soit, bien évidemment. Nous faisons de la défense des médecins au sein des instances de l'Inami, et dans les commissions adhoc. Mais dans le cadre de l'épidémie actuelle, l'Absym Bruxelles a souhaité apporter son aide aux médecins, membres ou pas, en vue de faciliter leur fourniture en équipement personnel de protection. L'Ordre des médecins, dans son avis rendu ce 18/3/2020, rappelle que " le médecin a une obligation déontologique de traitement et de soins. En cas de pandémie, l'accomplissement de son rôle social est primordial pour la collectivité. Cela ne signifie pas qu'il doive faire abstraction de sa propre sécurité ni de celle des autres ". L'Absym, soucieuse de la nécessité de la continuité des soins, nécessaires et urgents, nécessité qui a été rappelée récemment par un communiqué, rappelle qu'il est primordial de suivre les recommandations officielles en vue de la gestion des patients, notamment en privilégiant la consultation téléphonique, qui est désormais remboursée. L'Absym rappellera constamment aux autorités l'obligation qu'elles ont de fournir le matériel de protection nécessaire pour que les prestataires puissent prendre soins de leurs patients.

Enfin, il fallait réagir parce qu'il y a actuellement un opportunisme énorme. Tout le monde réclame la téléconsultation mais celle-ci ne peut répondre à toutes les demandes et des dérives sont sûrement possibles. J'entends la demande des accoucheuses mais j'espère qu'elles ne font pas un toucher vaginal en téléconsultation ! Il y a également un opportunisme majeur venant d'importateurs, de fournisseurs de toutes sortes (de logiciels notamment). Les autorités souvent critiquées, ont aussi un rôle fondamental dans le contrôle de tout cela. Il y a aussi de belles initiatives, positives, gratuites, de soutien, et celles-ci font plaisir à voir.

Conflits inutiles

Quelle est la genèse de votre initiative ? Combler un manque ?

Au départ, j'ai été choqué personnellement par l'interdiction " verbale " faite aux MG de soigner certains patients sous peine de mise en danger professionnelle et d'autrui et le " forcing " vers la téléconsultation généralisée alors que des patients Covid ou non-Covid doivent être soignés pour d'autres maux. Cela a été dur à entendre.

C'est important de rappeler cela, parce que certaines associations soeurs, ou similaires, n'étaient absolument pas de notre avis, voire privilégiaient la non mise à disposition de matériels de protection pour forcer la consultation téléphonique ! Un peu choquant, vous ne trouvez pas ? Cela a été un vrai moteur pour lancer cette initiative. Mais je pense que les avis ont évolué et évoluent encore, et cela s'observe sur le terrain et dans les communications des uns et des autres, parce que les soins aux patients ne peuvent être retardés indéfiniment. Envoyer tout le monde vers les urgences n'est pas une fin en soi et cela crée d'autres problèmes.

Évidemment, je ne souhaite pas des débats et conflits inutiles en cette période, mais après la crise, les rôles et missions, de l'un et de l'autre devraient être redéfinis et rappelés. Personne ne peut ni ne doit prétendre être l'interlocuteur unique d'une profession face aux autorités. L'Absym Bruxelles demande d'ailleurs à pouvoir participer au niveau régional à l'organisation des soins - parce que cette organisation n'est pas déconnectée des financements fédéraux défendus à l'Inami et à être entendue notamment par les autorités régionales, parce qu'en première ligne il y a les généralistes mais aussi des médecins spécialistes.

C'est donc toute cette situation qui m'a décidé à agir. J'ai dès lors sondé les médecins de notre section bruxelloise notamment. Ils ont répondu massivement qu'ils avaient besoin d'une aide logistique. J'ai pris ce risque énorme car aujourd'hui, chez beaucoup de fournisseurs, on paie à l'avance et puis ils livrent (l'inverse de la situation habituelle). Il y a un système de précommande, avec des risques à la douane, le refus éventuel de l'AFMPS (Agence fédérale des médicaments et des produits de santé), des risques de fraude, etc. Si je fais un premier paiement et que le matériel n'arrive pas, c'est bien sûr une catastrophe.

"Les rumeurs selon lesquelles tout a été bloqué à la douane, c'est une fake-news"

Quel est votre rôle exact ?

On regroupe simplement les commandes, parce qu'elles sont supposées nombreuses et petites, pour assurer le volume nécessaire au fournisseur. Chacun reçoit la facture du fournisseur par après. Lancé le vendredi 20 mars, l'initiative a, dès dimanche soir, accueilli des commandes groupées qui atteignent des centaines de milliers d'euros. En deux jours, le secrétariat de l'Absym Bruxelles a été 100% occupé par la gestion des demandes dont le volume a été simplement au-delà de toutes nos attentes, voire même de nos capacités, notre personnel administratif travaillant lui aussi " à distance ". La permanence téléphonique a dû être coupée et l'ampleur (inattendue) de la demande montre et confirme le besoin réel qu'il y a sur le terrain, notamment pour la pratique extrahospitalière, chez tous les prestataires, infirmiers, dentistes et médecins entre autres.

Donc, les rumeurs selon lesquelles tout a été bloqué à la douane, c'est une fake-news. Tout n'est pas livré aujourd'hui mais l'essentiel y est. On travaille en confiance et en toute transparence. On liste les objets sous douane, les objets sous contrôle, etc. C'est une sécurité en plus pour le prestataire. Entre 500 et 1.000 personnes ont passé commande. Y compris des centres de 1ère ligne, des maisons médicales, des CPAS et des maisons de repos. Nous sommes centrés sur Bruxelles, mais on essaie de répondre à tout le monde. Même la Société de médecine dentaire a participé à la 3e vague de commandes.

Cela concerne tous les EPP (équipements personnels de protection) ?

Oui. Différents types de masques, des blouses simples, de gants, des solutions hydroalcooliques, etc.

C'est produit dans quels pays ? En Chine essentiellement ?

Partout. Dans plusieurs pays d'Europe également. Il y a des entreprises européennes et chinoises surtout.

Trop petits stocks dans les hôpitaux

Y a -t-il pénuries de tout ou bien au contraire trouve-t-on tout en suffisance lorsqu'on commande ?

De ce que j'observe, il y a de l'arrivage en continu maintenant en Belgique. Il y a du stock en Chine. Mais c'est un peu au compte-goutte. On vous dit " dans dix jours ". Se crée l'angoisse évidemment que dans ce délai, la commande n'arrive pas avec des stocks dans chaque hôpital qui diminuent. Le problème est que tout ceci n'a pas été anticipé. On sait depuis pas mal de temps que le coronavirus était en Chine et commençait à " sortir ". Je ne comprends pas - même si de fait le gouvernement n'a pas non plus fait de stocks stratégiques - que les hôpitaux n'aient pas fait de stock en prévision. Ils travaillent beaucoup avec des petits stocks pour ne pas pénaliser la trésorerie, mais il y a aussi une vision souvent trop locale, à petite échelle. Le projet de la mise en place des réseaux hospitaliers, pas encore bouclé, devait et devrait permettre une meilleure performance dans ce type de crises, avec des stocks plus importants, une harmonisation des équipements, des inventaires de tout cela et, enfin, des procédures communes...

En ce moment, c'est haro sur Maggie De Block...

Oui. Tout le monde balance en ce moment sur le dos de Maggie De Block. Mais si le projet réseau avait avancé plus vite, si le débat avait été plus axé sur la " santé publique " que sur l'ego et la notoriété de chaque institution, si chacun avait fait ses stocks, nous n'en serions pas là ! Évidemment, pour la première ligne c'est un autre débat. La structuration et l'organisation de cette dernière ne sont pas encore optimales, et les spécialistes en première ligne ne sont même pas pris en compte. Pour rappel, il y a trois mois, il y avait plein de masques sur le marché et le prix était dérisoire. Et personne ne se disait " attention, le Coronavirus va arriver en Europe ". On savait pourtant que le virus était déjà sur les paquebots de croisière et que certains patients avaient déjà fait des vols vers d'autres pays... Donc, pour résumer, avec nos achats groupés, nous avons simplement voulu rendre service dans un contexte de crise sanitaire. C'est aussi simple que cela...

Dr G.B. : Généralement, les Chambres syndicales des médecins ne font pas de la logistique ou de la vente de quoi que ce soit, bien évidemment. Nous faisons de la défense des médecins au sein des instances de l'Inami, et dans les commissions adhoc. Mais dans le cadre de l'épidémie actuelle, l'Absym Bruxelles a souhaité apporter son aide aux médecins, membres ou pas, en vue de faciliter leur fourniture en équipement personnel de protection. L'Ordre des médecins, dans son avis rendu ce 18/3/2020, rappelle que " le médecin a une obligation déontologique de traitement et de soins. En cas de pandémie, l'accomplissement de son rôle social est primordial pour la collectivité. Cela ne signifie pas qu'il doive faire abstraction de sa propre sécurité ni de celle des autres ". L'Absym, soucieuse de la nécessité de la continuité des soins, nécessaires et urgents, nécessité qui a été rappelée récemment par un communiqué, rappelle qu'il est primordial de suivre les recommandations officielles en vue de la gestion des patients, notamment en privilégiant la consultation téléphonique, qui est désormais remboursée. L'Absym rappellera constamment aux autorités l'obligation qu'elles ont de fournir le matériel de protection nécessaire pour que les prestataires puissent prendre soins de leurs patients.Enfin, il fallait réagir parce qu'il y a actuellement un opportunisme énorme. Tout le monde réclame la téléconsultation mais celle-ci ne peut répondre à toutes les demandes et des dérives sont sûrement possibles. J'entends la demande des accoucheuses mais j'espère qu'elles ne font pas un toucher vaginal en téléconsultation ! Il y a également un opportunisme majeur venant d'importateurs, de fournisseurs de toutes sortes (de logiciels notamment). Les autorités souvent critiquées, ont aussi un rôle fondamental dans le contrôle de tout cela. Il y a aussi de belles initiatives, positives, gratuites, de soutien, et celles-ci font plaisir à voir. Quelle est la genèse de votre initiative ? Combler un manque ?Au départ, j'ai été choqué personnellement par l'interdiction " verbale " faite aux MG de soigner certains patients sous peine de mise en danger professionnelle et d'autrui et le " forcing " vers la téléconsultation généralisée alors que des patients Covid ou non-Covid doivent être soignés pour d'autres maux. Cela a été dur à entendre.C'est important de rappeler cela, parce que certaines associations soeurs, ou similaires, n'étaient absolument pas de notre avis, voire privilégiaient la non mise à disposition de matériels de protection pour forcer la consultation téléphonique ! Un peu choquant, vous ne trouvez pas ? Cela a été un vrai moteur pour lancer cette initiative. Mais je pense que les avis ont évolué et évoluent encore, et cela s'observe sur le terrain et dans les communications des uns et des autres, parce que les soins aux patients ne peuvent être retardés indéfiniment. Envoyer tout le monde vers les urgences n'est pas une fin en soi et cela crée d'autres problèmes.Évidemment, je ne souhaite pas des débats et conflits inutiles en cette période, mais après la crise, les rôles et missions, de l'un et de l'autre devraient être redéfinis et rappelés. Personne ne peut ni ne doit prétendre être l'interlocuteur unique d'une profession face aux autorités. L'Absym Bruxelles demande d'ailleurs à pouvoir participer au niveau régional à l'organisation des soins - parce que cette organisation n'est pas déconnectée des financements fédéraux défendus à l'Inami et à être entendue notamment par les autorités régionales, parce qu'en première ligne il y a les généralistes mais aussi des médecins spécialistes.C'est donc toute cette situation qui m'a décidé à agir. J'ai dès lors sondé les médecins de notre section bruxelloise notamment. Ils ont répondu massivement qu'ils avaient besoin d'une aide logistique. J'ai pris ce risque énorme car aujourd'hui, chez beaucoup de fournisseurs, on paie à l'avance et puis ils livrent (l'inverse de la situation habituelle). Il y a un système de précommande, avec des risques à la douane, le refus éventuel de l'AFMPS (Agence fédérale des médicaments et des produits de santé), des risques de fraude, etc. Si je fais un premier paiement et que le matériel n'arrive pas, c'est bien sûr une catastrophe.Quel est votre rôle exact ?On regroupe simplement les commandes, parce qu'elles sont supposées nombreuses et petites, pour assurer le volume nécessaire au fournisseur. Chacun reçoit la facture du fournisseur par après. Lancé le vendredi 20 mars, l'initiative a, dès dimanche soir, accueilli des commandes groupées qui atteignent des centaines de milliers d'euros. En deux jours, le secrétariat de l'Absym Bruxelles a été 100% occupé par la gestion des demandes dont le volume a été simplement au-delà de toutes nos attentes, voire même de nos capacités, notre personnel administratif travaillant lui aussi " à distance ". La permanence téléphonique a dû être coupée et l'ampleur (inattendue) de la demande montre et confirme le besoin réel qu'il y a sur le terrain, notamment pour la pratique extrahospitalière, chez tous les prestataires, infirmiers, dentistes et médecins entre autres. Donc, les rumeurs selon lesquelles tout a été bloqué à la douane, c'est une fake-news. Tout n'est pas livré aujourd'hui mais l'essentiel y est. On travaille en confiance et en toute transparence. On liste les objets sous douane, les objets sous contrôle, etc. C'est une sécurité en plus pour le prestataire. Entre 500 et 1.000 personnes ont passé commande. Y compris des centres de 1ère ligne, des maisons médicales, des CPAS et des maisons de repos. Nous sommes centrés sur Bruxelles, mais on essaie de répondre à tout le monde. Même la Société de médecine dentaire a participé à la 3e vague de commandes.Cela concerne tous les EPP (équipements personnels de protection) ?Oui. Différents types de masques, des blouses simples, de gants, des solutions hydroalcooliques, etc.C'est produit dans quels pays ? En Chine essentiellement ?Partout. Dans plusieurs pays d'Europe également. Il y a des entreprises européennes et chinoises surtout.Y a -t-il pénuries de tout ou bien au contraire trouve-t-on tout en suffisance lorsqu'on commande ?De ce que j'observe, il y a de l'arrivage en continu maintenant en Belgique. Il y a du stock en Chine. Mais c'est un peu au compte-goutte. On vous dit " dans dix jours ". Se crée l'angoisse évidemment que dans ce délai, la commande n'arrive pas avec des stocks dans chaque hôpital qui diminuent. Le problème est que tout ceci n'a pas été anticipé. On sait depuis pas mal de temps que le coronavirus était en Chine et commençait à " sortir ". Je ne comprends pas - même si de fait le gouvernement n'a pas non plus fait de stocks stratégiques - que les hôpitaux n'aient pas fait de stock en prévision. Ils travaillent beaucoup avec des petits stocks pour ne pas pénaliser la trésorerie, mais il y a aussi une vision souvent trop locale, à petite échelle. Le projet de la mise en place des réseaux hospitaliers, pas encore bouclé, devait et devrait permettre une meilleure performance dans ce type de crises, avec des stocks plus importants, une harmonisation des équipements, des inventaires de tout cela et, enfin, des procédures communes...En ce moment, c'est haro sur Maggie De Block...Oui. Tout le monde balance en ce moment sur le dos de Maggie De Block. Mais si le projet réseau avait avancé plus vite, si le débat avait été plus axé sur la " santé publique " que sur l'ego et la notoriété de chaque institution, si chacun avait fait ses stocks, nous n'en serions pas là ! Évidemment, pour la première ligne c'est un autre débat. La structuration et l'organisation de cette dernière ne sont pas encore optimales, et les spécialistes en première ligne ne sont même pas pris en compte. Pour rappel, il y a trois mois, il y avait plein de masques sur le marché et le prix était dérisoire. Et personne ne se disait " attention, le Coronavirus va arriver en Europe ". On savait pourtant que le virus était déjà sur les paquebots de croisière et que certains patients avaient déjà fait des vols vers d'autres pays... Donc, pour résumer, avec nos achats groupés, nous avons simplement voulu rendre service dans un contexte de crise sanitaire. C'est aussi simple que cela...