...

On sait aujourd'hui que la maladie provoquée par le Covid-19 tue par le développement d'une pneumonie sévère. Pour les malades les plus sévères, il peut être tentant de se tourner vers l'Ecmo, l' Extracorporeal membrane oxygenation. Pour rappel, il s'agit d'une technique de circulation extra-corporelle offrant une assistance respiratoire à des patients dont les poumons ne sont pas capables d'assurer des échanges gazeux suffisants. L'Ecmo veino-veineuse est considérée comme un traitement de dernier recours. Elle fonctionne en extrayant du sang désoxygéné du corps du patient par des canules de gros diamètre et en le faisant traverser une pompe puis une membrane qui oxygène le sang et le réchauffe, avant de le réinjecter dans la circulation sanguine. L'oxygénation par membrane extra-corporelle peut ainsi assurer une oxygénation adéquate pendant plusieurs jours, voire quelques mois, laissant aux poumons mis au repos le temps de guérir tout en évitant une ventilation mécanique agressive.Cela en fait-il l'arme absolue contre le nouveau coronavirus ? L'OMS ne souligne-t-elle pas que si le taux de mortalité parmi les patients dans un état critique s'élève à plus de 50%, cela ne concerne au maximum " que " 5% des infectés. Et que des " interventions rapides, comme la protection pulmonaire via des stratégies ventilatoires, devraient être optimisées" ? L'OMS a ainsi édicté que les 15 à 30% des patients développant très rapidement le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) " devraient être pris en considération dans les centres de soins tertiaires capables de prouver l'oxygénation de la membrane extracorporelle ". Mais d'après un très récent article du Jama, reviewé par ICU Management and Practice, il faut hésiter à y voir une arme absolue : " L'Ecmo est aussi associée à un risque de complications graves, notamment d'infection nosocomiale ou d' hémorragie. Certaines preuves indiquent que l'utilisation d'Ecmo dans le SDRA peut réduire le risque de décès. Il existe également des preuves que les résultats sont bien meilleurs lorsque la technique est effectuée dans des centres spécialisés à haut volume. "Même si l'OMS a recommandé l'Ecmo pour la gestion du Covid-19, certains experts restent indécis. Bien que la technique ait été utilisée pour traiter des patients en Chine et ailleurs, il n'y a pas assez de détails cliniques sur les patients, les critères de sélection et les résultats. Cependant, de nombreux détails sur le virus restent inconnus. Quelle est l'histoire naturelle de l'infection, de l'incidence ou des complications tardives ? Le virus persiste-ra-t-il ? Quelles sont les précautions à prendre par le personnel des soins intensifs lors du traitement des patients ? Le virus adhèrera-t-il aux tubes utilisés pour l'Ecmo ? Quels patients pourraient bénéficier du traitement ? L'ECMO avait également été recommandée pour le traitement émergent du H1N1 en 2009. L'Ecmo ne fournit pas de soutien au-delà des poumons et jusqu'à présent, on ne sait pas dans quelle mesure le coronavirus peut blesser ou endommager d'autres organes.Conclusion ? " Nous devons avant tout gérer les patients Covid-19 avec les traitements conventionnels actuels comme l'oxygène à haut débit, ou la ventilation mécanique. "" L'Ecmo ne sera pas la panacée de l'épidémie en cours, d'abord à cause d'un nombre très réduit de machines disponibles. Même si réaffecte les Ecmo d'habitude utilisées pour les opérations cardiaques à coeur ouvert, on ne peut compter que sur quelques dizaines de machines pour le territoire entier ", souligne le Pr Jean-Louis Vincent (ULB), fondateur du congrès mondial Isicem sur les urgences et les soins intensifs. " Il ne faut pas oublier que c'est un soin supportif et pas curatif. Ce n'est pas un traitement de fond. Il faut donc espérer que les poumons, soulagés, reprennent vigueur. Mais cela peut prendre du temps. Dans un contexte d'épidémie et de mise sous pression de l'offre par la demande, la question de la priorisation des soins va rapidement devenir fondamentale. Faut-il réserver l'Ecmo aux patients Covid-19, alors qu'un autre malade aigu peut en avoir besoin ? Faut-il choisir les patients plus jeunes et en bonne santé, parce que plus aptes à récupérer, que des patients plus âgés ou atteints de comorbidités ? Ce sont des questions difficiles, qui ne sont pas rares en médecine intensive, mais dont le degré change dans le cadre d'une catastrophe ou d'une épidémie ". Actuellement en Italie, même les malades intensifs sont parfois installés dans les couloirs, tant la demande excède les capacités ordinaires." L'Ecmo demande également une expertise particulière. On ne peut pas multiplier le nombre de patients ainsi traités. Les machines elles-mêmes manqueraient rapidement. Les fabricants savent en livrer quelques-unes en urgence, mais ne peuvent pas multiplier les chaînes de production en quelques jours ", insiste le Pr Jean-Louis Vincent.l'Inami a fourni l'offre actuelle au Journal du Médecin, : 32 hôpitaux belges pratiquent l'Ecmo et 136 pratiques veino-veineuses en 2018 ont eu été faites. L'ensemble des techniques d'Ecmo atteint presque le million d'euros de coût à la Sécu par an, si l'on additionne le prix du matériel et des actes médicaux. Conclusion ? L'Ecmo n'est qu'un traitement supportif, mais qui s'avère nécessaire dans les cas graves.