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Trop peu de patients, de médecins et de soignants, semblent connaître l'existence du PSPA (Projet de soins personnalisé anticipé) et sa version abrégée le PAVS (Projet anticipé de vie et de soins). Christelle Claes, psychologue, Anne-Sophie D'Heygere, assistance sociale (Epicura) et Waldo Raineri (Unessa) pour sa version européenne, en ont dessiné les contours lors du colloque.Le PSPA, pensée par Pallium, la plate-forme de concertation en soins palliatifs du Brabant wallon, jouit depuis 2022 d'une version remaniée. Il reste cependant " une démarche par laquelle un bénéficiaire, en concertation avec ses proches et ses soignants, formule à l'avance des choix en matière de soins et d'actes médicaux et d'accompagnement [uniquement] au cas où il n'est plus capable de s'exprimer ou de les assumer ". Il peut déboucher sur une déclaration anticipée d'euthanasie. Le PAVS est, pour sa part, un document développé par Unessa via un groupe de travail spécifique. Il constitue un " résumé " du PSPA, c'est un outil " pratique " de transmission des informations d'une institution à l'autre, d'un centre de soin à l'autre, par exemple.Le PSPA contient trois sections : les conditions d'utilisation, le carnet de vie (personnes proches, vécu personnel, affinités philosophiques, volonté concernant l'après décès) et les déclarations de volonté (mandataire, personne de confiance, déclaration anticipée d'euthanasie, dons d'organe et de corps). Le PAVS (concrètement : quatre pages recto-verso) reprend les donnes administratives, le projet de soins, les souhaits pour la fin de vie et les volontés après-décès. Il est signé par le bénéficiaire.Les deux documents PSPA et PAVS peuvent être complétés, modifiés et révoqués à tout moment. Ils peuvent être conservés par le médecin ou au domicile du patient dans un endroit connu du mandataire ou du proche. Ses avantages sont nombreux : rassurer le patient encore décisionnel au moment de la signature quant au respect de ses souhaits de fin de vie et rassurer médecins, soignants et entourage familial quant aux décisions médicales qu'il faut prendre (en particulier si le patient est devenu entre-temps non décisionnel). Ils favorisent le dialogue entre professionnels de soins du patient et la famille, évitent les situations difficiles en fin de vie et améliorent la prise en charge en urgence. Ils respectent l'autonomie et la volonté de fin de vie des patients.Pourtant, peu gens pensent à leur décès et peu disposent d'un PSPA ou d'un PAVS, comme en témoigne le Dr Anne Van de Vyvere, MG hospitalière (service de gériatrie du Grand Hôpital de Charleroi) à l'aide de deux exemples vécus.Victorine*, 85 ans, arrive aux urgences. C'est un petit moineau, racrapoté. Elle est démente et ne communique plus. Elle arrive pour " altération de l'état général ", motif d'admission " bateau " utilisé par les urgences. Mais sa place n'est pas dans un hôpital. Sans information aucune, le Dr Van de Vyvere téléphone à sa maison de repos pour savoir si elle dispose d'un PSPA. Réponse négative. Comme pour la plupart des résidents en maison de repos. Contact est pris par le médecin traitant. La biologie de Victorine est catastrophique. Elle est complètement déshydratée. Elle est au bout de sa vie. Le fait qu'on puisse mourir des complications d'une démence avancée est encore difficile à comprendre pour beaucoup de médecins et de soignants. Le médecin renvoie la patate chaude vers le fils de la patiente (or c'est au médecin de décider, pas au fils). " Je téléphone au fils de Victorine. Il ne fait aucune difficulté. Il avait compris l'état de sa maman. Il m'écoute. Je lui détaille les résultats catastrophiques de la biologie... toutefois, les mots 'mort' et 'mourir' restent complètement tabou. Il faut commencer par dire : 'Le pronostic m'inquiète'. Mais cela ne suffit pas. Personne n'a réellement expliqué à son fils que Victorine allait bientôt mourir. Mais il était prêt manifestement. " La patiente est retournée " gentiment " dans le département soins palliatifs de la maison de repos...Victor*, lui, est un décompensé cardiaque. Il est suivi en cardiologie pour insuffisance cardiaque. En gériatrie, on ne le connaît pas. Mais les cardiologues ont dit : Ce n'est plus cardiaque. Il va en gériatrie ! " Pour ce patient et sa famille, c'est violent. Ils ont l'impression d'être abandonnés. Victor, à qui on n'a donné que des bonnes nouvelles en cardiologie, ne comprend pas. Il n'y a jamais eu aucune discussion sur son pronostic. Victor n'a pas de projet de soins, bien évidemment puisque 'tout allait bien'. Or il est décisionnel car parfaitement conscient. À l'hôpital, les patients susceptibles de se dégrader la nuit rapidement doivent être dûment renseignés au médecin de garde au niveau médication. En gériatrie, nous appelons cela un 'projet thérapeutique'. Cela ressemble au PSPA. Le médecin appelable la nuit sait que le patient risque d'aller en réanimation, être intubé, bénéficier de 'soins maximaux à l'étage' (sic). On se voit donc obligés de rédiger un PSPA... Le patient se demande : 'Vais-je si mal qu'on est obligé de me demander quoi faire si ça tourne mal ?' "Une fois hospitalisé, le patient change complètement de statut. Et le PSPA doit être réévalué. On indique que le patient ne doit pas aller aux soins intensifs, ne doit pas être réanimé... " Qu'il soit décisionnel ou pas, la question est d'importance. Elle doit être discutée après l'hôpital plus longuement. Car l'hôpital n'est pas le lieu pour rédiger un PSPA mais c'est là, souvent, qu'on le commence... C'est violent ! Pour le patient comme pour la famille. "Entre le PSPA et l'hôpital, c'est un peu l'amour-haine. " Dans le cas d'un patient dément, l'entourage n'a jamais même envisagé de discuter d'un projet de soins. La mort est taboue. Si le patient est décisionnel, on lui en parle (de sa fin prochaine, Ndlr). Il peut déclarer qu'il ne veut pas aller en soins intensifs, par exemple. La famille arrive. On l'informe de la décision du patient. 'Quoi, vous avez parlé de sa mort à ma mère ?!' Pour l'entourage, la mort n'existe pas. Pour les médecins et les soignants non plus. Dans l'accompagnement des patients chroniques, il est incroyable que personne n'aborde jamais la mort. "Pour les professionnels de soins hospitaliers, l'idéal est d'établir des projets de soins avant l'admission. Les patients, décisionnels ou pas, devraient tous avoir un mandataire. Et la décision autour de la personne fragile doit être prise en équipe.*le prénom a été modifié.