Des progrès en suspens ces dernières années

La stratégie 2021-2026 de l'Onusida vise à réduire le nombre de personnes mourant du VIH/sida à 250 000 d'ici 2025, tout en mettant l'accent, à juste titre, sur la prévention, les droits, et les déterminants sociaux et politiques de la santé. Pourtant, selon les estimations, près de 700 000 décès liés au VIH ont eu lieu en 2019, alors que nous sommes à l'ère du "test and start", qui permet des traitements antirétroviraux (ARV) gratuits.

Bien qu'il y ait eu une réduction de 39% des décès liés au sida depuis 2010, les progrès ont stagné ces dernières années, soulignant que l'intensification du dépistage et des ARV ne suffit pas à mettre fin aux décès liés au VIH. Pour lutter contre cette mortalité, nous devons nous concentrer sur la recherche des personnes vivant avec le VIH les plus à risque, veiller à ce qu'elles aient un accès efficace aux ARV, mais aussi traiter leurs infections opportunistes, comme la tuberculose et les infections fongiques et bactériennes graves. Celles-ci restent les causes principales d'hospitalisation et de décès.

Le retour du sida

Il y a dix ans, la maladie du VIH avancée (ou sida) était surtout observée chez les patients qui ignoraient leur statut sérologique, souvent en raison d'un manque de dépistage du VIH et de disponibilité des ARV. Aujourd'hui, cependant, dans certaines structures soutenues par MSF, 75 % des admissions pour le VIH avancé sont celles de patients qui reçoivent des ARV, souvent depuis de nombreuses années. Cela suggère qu'ils ont peut-être interrompu leur traitement et/ou développé une forme résistante du virus. Malheureusement, ce phénomène n'est pas détecté et traité suffisamment tôt chez la plupart des patients.

De nombreuses personnes ont besoin d'aide pour se réengager dans leur traitement après une interruption et/ou un échec de celui-ci. Près de 25 % des patients interrompent leur traitement à un moment donné, et près d'un tiers des patients qui commencent ou reprennent un traitement antirétroviral sont atteints de la maladie du VIH avancée. Il s'ensuit alors une immunodépression, des maladies opportunistes, des hospitalisations et des décès. Dans les hôpitaux soutenus par MSF en Guinée, en RDC, au Kenya et au Malawi, nous constatons un taux de mortalité de 30 à 40% chez les patients atteints d'une maladie du VIH avancée.

L'impact du Covid-19

En Belgique, il est devenu relativement rare de voir un patient atteint du sida à un stade avancé. Mais même en Belgique, les effets du Covid-19 se font ressentir, avec des rendez-vous manqués, des délais plus longs entre les consultations, ou encore des examens de laboratoire (ou autres) reportés.

Dans les pays où MSF travaille, l'effet de la crise du Covid-19 sur le VIH et les autres services de santé est bien pire, avec une baisse des initiations aux ARV et de la rétention dans les soins. Une aggravation de la situation s'en suit et entraîne une hausse du nombre de personnes vivant avec le VIH étant confrontées à la tuberculose ou aux infections bactériennes et fongiques sévères. La détérioration de l'état des patients fait resurgir les complications typiques du sida, mettant leur vie en danger immédiat. Le traitement antirétroviral ne supprimant plus le virus, celui-ci reprend le dessus dans le corps de ces patients, permettant aux infections opportunistes de se déclarer, et aux patients de transmettre à nouveau le VIH à leur partenaire ou leur bébé.

Certains pays - comme la République démocratiques du Congo, la République centrafricaine, la Guinée et d'autres pays des régions occidentale et centrale de l'Afrique - sont particulièrement touchés en termes de mortalité. Un cinquième de tous les décès liés au sida, et quatre décès d'enfants sur dix liés au VIH dans le monde, surviennent dans ces régions. Nous devons venir en aide aux personnes les plus à risque en intensifiant immédiatement les activités relatives à la détection précoce et au traitement.

Comment avancer dans la lutte ?

Cette prise en charge précoce des principales maladies mortelles est essentielle et possible, mais il reste des obstacles importants.

Le dépistage de la maladie du VIH avancée est possible en utilisant des tests de laboratoire simples au point de service, ainsi qu'un modèle de soins clair reliant les centres de santé et l'hôpital de district.

Au Malawi par exemple, la combinaison du dépistage par des cadres non professionnels dans les centres de santé et d'une unité d'évaluation rapide à l'hôpital a permis un gain de temps significatif dans le début du traitement, entraînant une réduction de la mortalité chez les patients hospitalisés. En collaboration avec les autorités, MSF teste des initiatives similaires en Guinée, en RDC et au Mozambique. En Afrique du Sud, des services spéciaux de " retour aux soins " sont organisés.

De nombreuses lignes directrices nationales ne prévoient pas encore de services ciblés. De plus, la disponibilité et l'accessibilité financière des médicaments nécessaires à leur mise en oeuvre constituent un défi majeur dans de nombreux pays[i]. Des marchés défavorables, avec des prix élevés pour certains produits, ont contribué à la lenteur des progrès d'implémentation recommandés par l'OMS.

Pas de temps à perdre

Cette réunion de haut niveau sur le VIH et les négociations relatives à la nouvelle déclaration politique montrent le besoin de se mobiliser autour d'une réponse forte et efficace face au VIH est loin d'être terminée. Déjà avant la crise du COVID-19, la mortalité liée au VIH marquait le pas et, dans certains pays, l'épidémie s'étendait. Aujourd'hui, le Covid-19 nous a fait reculer de plusieurs années et la trajectoire pour sortir de ce retard et remettre la réponse au VIH sur les rails, dépendra principalement de la solidarité internationale.

Les cinq prochaines années montreront toute l'étendue de l'impact de la régression économique sur les budgets de santé publique, toute l'ampleur de l'augmentation des obstacles financiers dans l'accès aux soins par l'accroissement de la pauvreté des ménages, ainsi que l'importance de la concurrence des questions relatives au Covid-19 pour les financements, les ressources humaines et les autres moyens.

Malheureusement, dans de nombreux pays, la plupart des donateurs semblent essoufflés et un peu détachés de la réalité. Il est facile de poursuivre un discours consistant à faire croire que les pays touchés peuvent désormais assumer seuls le fardeau du VIH...

Besoin urgent d'engagement mondial

Nous nous félicitons que la Belgique continue de soutenir fermement l'Onusida, mais en ces temps, un soutien supplémentaire et plus direct aux personnes vivant avec le VIH et aux communautés sera nécessaire. Surtout maintenant, avec le retard accumulé à cause de la pandémie de Covid-19, il est urgent de rattraper ce qui a été perdu et de venir en aide de manière spécifique pour pouvoir conduire les personnes les plus à risque à prendre des traitements qui sauveront leur vie.

Les pays des régions occidentale et centrale de l'Afrique, où les acteurs belges sont traditionnellement présents, semblent être un bon point de départ, car ils sont confrontés à une mortalité élevée et disproportionnée, ainsi qu'à une faible couverture de la prise en charge des principales infections opportunistes mortelles.

Il y a donc un besoin urgent d'engagement mondial pour donner la possibilité aux pays d'accélérer la mise en oeuvre d'un ensemble de soins permettant de prévenir, détecter et traiter la maladie du VIH avancée.

Sans cela, la déclaration politique issue de la réunion de haut niveau de l'Assemblée restera lettre morte, et la trop haute mortalité liée au VIH ne pourrait pas être réduite. Or, il y a un besoin urgent de lancer une bouée de sauvetage aux personnes vivant avec la maladie du VIH avancé.

[i] No time to lose: Detect, treat and Prevent AIDS, 2019 report by the HIV Advanced Disease Consortium, of which MSF is part. https://samumsf.org/en/resources/hiv/advanced-hiv-disease/no-time-lose-msf-advanced-hiv-report

La stratégie 2021-2026 de l'Onusida vise à réduire le nombre de personnes mourant du VIH/sida à 250 000 d'ici 2025, tout en mettant l'accent, à juste titre, sur la prévention, les droits, et les déterminants sociaux et politiques de la santé. Pourtant, selon les estimations, près de 700 000 décès liés au VIH ont eu lieu en 2019, alors que nous sommes à l'ère du "test and start", qui permet des traitements antirétroviraux (ARV) gratuits.Bien qu'il y ait eu une réduction de 39% des décès liés au sida depuis 2010, les progrès ont stagné ces dernières années, soulignant que l'intensification du dépistage et des ARV ne suffit pas à mettre fin aux décès liés au VIH. Pour lutter contre cette mortalité, nous devons nous concentrer sur la recherche des personnes vivant avec le VIH les plus à risque, veiller à ce qu'elles aient un accès efficace aux ARV, mais aussi traiter leurs infections opportunistes, comme la tuberculose et les infections fongiques et bactériennes graves. Celles-ci restent les causes principales d'hospitalisation et de décès.Il y a dix ans, la maladie du VIH avancée (ou sida) était surtout observée chez les patients qui ignoraient leur statut sérologique, souvent en raison d'un manque de dépistage du VIH et de disponibilité des ARV. Aujourd'hui, cependant, dans certaines structures soutenues par MSF, 75 % des admissions pour le VIH avancé sont celles de patients qui reçoivent des ARV, souvent depuis de nombreuses années. Cela suggère qu'ils ont peut-être interrompu leur traitement et/ou développé une forme résistante du virus. Malheureusement, ce phénomène n'est pas détecté et traité suffisamment tôt chez la plupart des patients.De nombreuses personnes ont besoin d'aide pour se réengager dans leur traitement après une interruption et/ou un échec de celui-ci. Près de 25 % des patients interrompent leur traitement à un moment donné, et près d'un tiers des patients qui commencent ou reprennent un traitement antirétroviral sont atteints de la maladie du VIH avancée. Il s'ensuit alors une immunodépression, des maladies opportunistes, des hospitalisations et des décès. Dans les hôpitaux soutenus par MSF en Guinée, en RDC, au Kenya et au Malawi, nous constatons un taux de mortalité de 30 à 40% chez les patients atteints d'une maladie du VIH avancée.En Belgique, il est devenu relativement rare de voir un patient atteint du sida à un stade avancé. Mais même en Belgique, les effets du Covid-19 se font ressentir, avec des rendez-vous manqués, des délais plus longs entre les consultations, ou encore des examens de laboratoire (ou autres) reportés.Dans les pays où MSF travaille, l'effet de la crise du Covid-19 sur le VIH et les autres services de santé est bien pire, avec une baisse des initiations aux ARV et de la rétention dans les soins. Une aggravation de la situation s'en suit et entraîne une hausse du nombre de personnes vivant avec le VIH étant confrontées à la tuberculose ou aux infections bactériennes et fongiques sévères. La détérioration de l'état des patients fait resurgir les complications typiques du sida, mettant leur vie en danger immédiat. Le traitement antirétroviral ne supprimant plus le virus, celui-ci reprend le dessus dans le corps de ces patients, permettant aux infections opportunistes de se déclarer, et aux patients de transmettre à nouveau le VIH à leur partenaire ou leur bébé.Certains pays - comme la République démocratiques du Congo, la République centrafricaine, la Guinée et d'autres pays des régions occidentale et centrale de l'Afrique - sont particulièrement touchés en termes de mortalité. Un cinquième de tous les décès liés au sida, et quatre décès d'enfants sur dix liés au VIH dans le monde, surviennent dans ces régions. Nous devons venir en aide aux personnes les plus à risque en intensifiant immédiatement les activités relatives à la détection précoce et au traitement.Cette prise en charge précoce des principales maladies mortelles est essentielle et possible, mais il reste des obstacles importants.Le dépistage de la maladie du VIH avancée est possible en utilisant des tests de laboratoire simples au point de service, ainsi qu'un modèle de soins clair reliant les centres de santé et l'hôpital de district.Au Malawi par exemple, la combinaison du dépistage par des cadres non professionnels dans les centres de santé et d'une unité d'évaluation rapide à l'hôpital a permis un gain de temps significatif dans le début du traitement, entraînant une réduction de la mortalité chez les patients hospitalisés. En collaboration avec les autorités, MSF teste des initiatives similaires en Guinée, en RDC et au Mozambique. En Afrique du Sud, des services spéciaux de " retour aux soins " sont organisés.De nombreuses lignes directrices nationales ne prévoient pas encore de services ciblés. De plus, la disponibilité et l'accessibilité financière des médicaments nécessaires à leur mise en oeuvre constituent un défi majeur dans de nombreux pays[i]. Des marchés défavorables, avec des prix élevés pour certains produits, ont contribué à la lenteur des progrès d'implémentation recommandés par l'OMS.Cette réunion de haut niveau sur le VIH et les négociations relatives à la nouvelle déclaration politique montrent le besoin de se mobiliser autour d'une réponse forte et efficace face au VIH est loin d'être terminée. Déjà avant la crise du COVID-19, la mortalité liée au VIH marquait le pas et, dans certains pays, l'épidémie s'étendait. Aujourd'hui, le Covid-19 nous a fait reculer de plusieurs années et la trajectoire pour sortir de ce retard et remettre la réponse au VIH sur les rails, dépendra principalement de la solidarité internationale.Les cinq prochaines années montreront toute l'étendue de l'impact de la régression économique sur les budgets de santé publique, toute l'ampleur de l'augmentation des obstacles financiers dans l'accès aux soins par l'accroissement de la pauvreté des ménages, ainsi que l'importance de la concurrence des questions relatives au Covid-19 pour les financements, les ressources humaines et les autres moyens.Malheureusement, dans de nombreux pays, la plupart des donateurs semblent essoufflés et un peu détachés de la réalité. Il est facile de poursuivre un discours consistant à faire croire que les pays touchés peuvent désormais assumer seuls le fardeau du VIH...Nous nous félicitons que la Belgique continue de soutenir fermement l'Onusida, mais en ces temps, un soutien supplémentaire et plus direct aux personnes vivant avec le VIH et aux communautés sera nécessaire. Surtout maintenant, avec le retard accumulé à cause de la pandémie de Covid-19, il est urgent de rattraper ce qui a été perdu et de venir en aide de manière spécifique pour pouvoir conduire les personnes les plus à risque à prendre des traitements qui sauveront leur vie.Les pays des régions occidentale et centrale de l'Afrique, où les acteurs belges sont traditionnellement présents, semblent être un bon point de départ, car ils sont confrontés à une mortalité élevée et disproportionnée, ainsi qu'à une faible couverture de la prise en charge des principales infections opportunistes mortelles.Il y a donc un besoin urgent d'engagement mondial pour donner la possibilité aux pays d'accélérer la mise en oeuvre d'un ensemble de soins permettant de prévenir, détecter et traiter la maladie du VIH avancée. Sans cela, la déclaration politique issue de la réunion de haut niveau de l'Assemblée restera lettre morte, et la trop haute mortalité liée au VIH ne pourrait pas être réduite. Or, il y a un besoin urgent de lancer une bouée de sauvetage aux personnes vivant avec la maladie du VIH avancé.