Une croisière d'accord, mais pas sur un building flottant. Plutôt sur un clipper, nommé ainsi car la finesse de sa coque lui permettait de fendre les flots, un quatre mats en bois précieux, cuivre et acajou, récent, qui propose tout le confort moderne, tout en conservant le charme de la navigation ancienne à la voile, il y a plus d'un siècle. L'époque du fameux Cutty Sark.
"Star Clippers", fondé voici 35 ans par un entrepreneur suédois passionné de voile, propose diverses croisières en Méditerranée et dans les Caraïbes, notamment. Le Star Clipper, qui n'est pas le plus imposant de cette flotte de trois voiliers, comporte quatre mats, mesure 115 mètres de long, est large de 15, dispose d'une voilure de 3.365 m2 et peut filer jusqu'à 20 noeuds.
Le navire accueille 166 passagers et 74 membres d'équipage, 83 cabines doubles toutes donnant sur la mer sauf 4. Chacune est dotée de tout le confort moderne, reprend le style lambrissé de la marine à la voile. Le Star Clipper, qui est un peu belge puisque construit à Gand dans les années 90 selon les plans d'un Clipper de 1912, possède deux piscines sur son pont supérieur, un solarium impressionnant, une bibliothèque des plus cosy, un bar tropical agréable et ouvert sur la mer, un piano bar, un restaurant intérieur à la moquette aussi soyeuse que ne le sont les chambres décorées de matières nobles, où cuivre et acajou dominent, et aux tons sobres et raffinés. La cuisine l'est tout autant, fine autant que généreuse.
Le Star Clipper est un peu belge, puisque construit à Gand dans les années 90, selon les plans d'un Clipper de 1912.
Le service, asiatique - philippin et indonésien principalement -, est d'une gentillesse naturelle. Le personnel de bord comprend dix nationalités différentes - quinze côté passagers lors de notre croisière. L'ambiance à bord est du genre à larguer les amarres au milieu des deux piscines, d'une aire de massage, de sports (y compris nautiques), de cours de yoga et propose des croisières à thèmes ( méditation, par exemple).
De Cannes à Monaco
Première étape à Monaco qui, abordée par la mer, affiche la laideur de son urbanisme galopant. Ce 'Las Vegas' de la Côte d'Azur a des allures de Benidorm, en plus bling-bling. Mais la Principauté surprend agréablement dans sa partie ancienne, autour du rocher et du château. Les ruelles y rappellent l'Italie, normal pour un territoire qui fut longtemps ligurien, sicilien même, avant de "passer" à une cogestion française.
Les deux édifices les plus intéressants sont la cathédrale Saint-Nicolas de style néoroman byzantin reconstruite à la fin du 19e qui abrite les tombes des princes qui ont 'Régnier', dont le troisième, mais surtout des toiles de Louis Bréa, peintre de la fin du 15e, passé d'un style gothique à un style renaissant qui évoque les Primitifs flamands. L'autre perle est le musée océanographique: bâtiment du 19e magnifique, qui rappelle l'implication d'Albert Ier (de Monaco) dans les expéditions. L'actuel Albert continue de s'impliquer dans la défense des océans dans cet institut dirigé un temps par Jacques Cousteau. Le musée compte une collection d'aquariums impressionnante et propose actuellement une exposition consacrée aux pôles et à l'impact du changement climatique.
L'Île-Rousse
Première véritable escale de cette croisière qui démarre de Cannes, l'Île-Rousse est sans doute la plus indépendante des cités corses, puisque fondée par Pascal Paoli en 1765, durant l'éphémère république corse. Cette cité de la Balagne, troisième ville en importance de la Corse, se distingue dans sa partie ancienne par ses rues étroites, rectilignes, son plan au cordeau et ses maisons hautes typiques. Elle est dite rousse car sous le soleil sa roche de porphyre, notamment celle de l'île de la Pietra reliée à Saletta (sur le "continent") par comblement rocheux au 19e, prend au soleil une teinte "rosso" en italien. Cette petite cité qui s'accroche aux premiers flancs de montagne possède, avec la plage de Marinella, un écrin de sable blanc aux eaux limpides et turquoises.
On coule des jours sans écueils, en apesanteur sur l'onde ; une glissade sans bruit sur l'eau, rythmée par les levers et couchers de soleil.
Ajaccio
Ajaccio et son golfe sont la prochaine étape, cité aux hautes maisons colorées, lovée dans cette hanse. Le chef-lieu de la Corse du Sud, la plus grande ville de Corse avec ces 70.000 habitants, est surtout la ville natale de Napoléon. Sa vieille ville, seule partie intéressante, au plan géométrique, n'est qu'une ode à l'Empereur qu'elle vénère jusqu'à l'écoeurement.
À côté de la maison, de la grotte et différentes statues, la chapelle impériale dans le musée Fresch abrite une collection de plus de mille tableaux ayant appartenu au cardinal du même nom, oncle de... Napoléon! Une collection qui comprend des Titien, un Raphaël, un Michel-Ange, un Vouet, des oeuvres de Cosme Tura ou Poussin, entre autres. Une partie est consacrée aux peintres corses et ceux qui ont dépeint l'île de Beauté. La cathédrale vaut le détour par la ferveur italienne qui y règne dans un décor rococo, et l'ancienne citadelle en impose.
Bonifacio
Accrochée à son promontoire de calcaire buriné par les flots et le temps, Bonifacio est sans doute la plus génoise. Tout, l'habitat aux rues quadrillées, même les arcs-boutants qui joignent les habitations qui se font face dans les venelles destinées à récupérer les eaux de pluie, ou le campanile de Sainte-Marie Majeure, rappelle la Ligurie médiévale et la puissance génoise. Dont elle conserve à l'extérieur les ruines de la tour, non loin du magnifique cimetière marin.
Les vues sur la mer et la Sardaigne - et pas la Ligurie - toute proche sont stupéfiantes de beauté, notamment la vision de cette côte corse virant du gris doux au blanc immaculé selon la météo, que l'océan et temps ont conjointement sculptée.
Bastia
Bast...ion de la Haute-Corse, rivale footballistique et historique (sans canal) d'Ajaccio, Bastia dévoile sa grande place Saint-Nicolas, ses anciennes maisons adossées aux premiers contreforts montagneux et au quartier de la citadelle, dont les rues sont serties d'un chapelet d'églises: celle dédiée à Saint-Jean Baptiste notamment, d'une dimension de cathédrale, toute aussi décorée d'un baroque raffiné que décatie.
Le plus bel oratoire des confréries, à côté de celui dédié à Saint Roch, est sans doute celui dédié à L'Immaculée Conception, merveille de la fin du 16e dédiée à Marie, qui est au moins l'égale du Christ en Corse: L'Immaculée Conception est fêtée le 8 décembre, jour férié. La preuve de la popularité de la Vierge se vérifie avec la cathédrale qui lui est dédiée, laquelle surpasse de loin en importance les vestiges de la citadelle génoise et est également dédiée à la mère de Jésus.
L'île d'Elbe
L'Isola d'Alba s'aborde par Portoferraio, lieu de départ depuis l'antiquité du minerai de fer exploité depuis des temps anciens sur l'île. Embellie et renforcée par Cosimo de Medicis qui la dota de deux citadelles, rendue fameuse par Napoléon qui y fut exilé, la ville est à 5 km du chef-lieu de l'île, la Falcone et l'autre éponyme, cette petite Corse à la forme de poisson, ce qui induit qu'elle compte plus de pêcheurs que la Corse, cette île de montagnards.
La couleur, l'aspect des maisons et leur allure, est ici moins rugueuse et plus douce, le chef-lieu de la troisième plus grande île italienne (ruines et musée attestent de son âge antique) se décline en longs escaliers, son centre a des allures de peintures de Chirico, et est bordée de deux plages de fins galets. On peut découvrir l'île en empruntant le bus (L116) qui, pour 5 euros, permet faire le tour de cette île merveilleuse. Ceci avant de prendre la mer pour Civitavecchia, fondée par les Étrusques et conquise par les Romains, et quitter les îles, les voiles du clipper, pour, à regret, rejoindre une vie plus terre à terre... et qui tangue.
Plus d'infos: www.starclippers.com/fr/