Sept années depuis son dernier album : c'est peu dire que le come-back de Polly Jean Harvey était attendu. Apparue sur la scène rock alternative voici plus de 30 ans, la multi-instrumentiste a toujours su se faire désirer (" Is This Desire ? ", son meilleur disque, est paru en 1998), disparaissant à intervalles réguliers dans sa campagne natale du Dorset, tout en jetant un voile pudique sur sa vie personnelle.

Élevée au milieu des moutons, son style vocal n'a pourtant rien de bêlant. L'on avait d'ailleurs quitté une PJ Harvey combative, collective, dans la veine protest song sur " The Hope Six Demolition Project " ... et déjà très politique sur " Let England Shake ", son prédécesseur.

A 53 ans, celle qui fut d'abord saxophoniste a posément creusé son sillon et... posé au fil des albums sa voix qui, sur " I Inside the Old I Dying " se fait presque angélique ou élégiaque sur l'introductif " Prayer at the Gate " ou le référentiel " Lwonesome Tonight " : " Love Me Tender ", refraint-elle sur " A Child Question, August ", comme une autre référence à Elvis...

Les autres allusions sur ce dixième opus seulement (quand on vous disait que la dame sait se faire désirer) sont shakespeariennes ou bibliques : tirés des poèmes personnels publiés précédemment sous le titre " Orlam " par cette artiste protéiforme, qui a aussi étudié la sculpture ; douze d'entre eux sont ainsi mis en musique.

Musique sous forme de chanson enfantine parfois, dans l'entame de " Seem and I ". Un univers musical qui possède souvent ce côté éthéré, aqueux qui donne à sa voix un côté Ophelia flottante, dérivante, emportée par le courant... musical : son teint et son timbre aussi blancs, immaculés que sa chevelure n'est noire et de jais.

Ce côté Julie Cruise est parfois battu en brèche, notamment sur " I Inside the Old Year Dying ", dont l'attaque rappelle le " This is Your Land " de Woody Guthrie et évoque cette fois le rock déclamatoire de Patti Smith époque " People Have the Power " : une Patti dont Polly arbore presque la coiffure. " All souls ", le bien-nommé, possède en effet un côté ecclésial, chapelle musicale dont PJ serait l'unique membre et dont la voix diaphane devient angélique dans ses envols.

Ce dixième album, produit par le fidèle Flood et auquel contribue l'indispensable John Parish, arbore une mélancolie d'une deuxième partie d'année : lorsque, lentement, la lumière décroît de " July " a " August ", en passant par le " Autum Term " et " I Inside the Old Year Dying ".

Ce spleen somptueux prend différentes formes, sur " August " justement et son écho de guitare électrique comme un brouillard voire une bruine fine, qui rappellent la grande époque de Radiohead. Les morceaux plutôt dépouillés sont paradoxalement amples, spacieux, souvent aériens : une musique d'esprits, de fantômes, la voix de Harvey, comme hantée, évoquant les créatures sylphides croisées dans les peintures symbolistes.

La musique de cette banshee qui se fait ange renvoie d'ailleurs par moments à une sorte de préraphaélisme musical. L'enfance ("Autumn Term"), celle décrite dans les tableaux de John Millais - autre symboliste anglais, vient faire irruption dans des morceaux comme " Seem and I " qui débute comme une comptine ou " A Child's Question, July ", qui évoque une formule kabbalistique, la voix changeante de Harvey rappelant parfois Kate Bush.

Pas de " Hauts de Hurlevent " ni de " Wuthering Heights " ici, mais, délivré délicatement, un nuancier de jolis gris qui s'étirent jusqu'au noir et au blanc. Le blanc des bois de bouleaux dans lesquels Polly semble s'enfuir sur " Noseless Noise ", sorte de galopade guitare bruitiste à la Richard Hawley qui finit par s'essouffler au milieu d'une clairière.

Un morceau final qui résume l'album, débuté par un air enfantin, pour prendre ensuite un tour abrasif et se terminer quasiment en berceuse. Un titre qui donne la mesure de l'amplitude de la voix de PJ Harvey - passant de la furie grunge à une douceur gracile - et surtout celle de son talent.

PJ Harvey. I Inside The Whole Year Dying. PIAS.

En concert le 9 et 10 octobre prochains au Cirque royal de Bruxelles.

Sept années depuis son dernier album : c'est peu dire que le come-back de Polly Jean Harvey était attendu. Apparue sur la scène rock alternative voici plus de 30 ans, la multi-instrumentiste a toujours su se faire désirer (" Is This Desire ? ", son meilleur disque, est paru en 1998), disparaissant à intervalles réguliers dans sa campagne natale du Dorset, tout en jetant un voile pudique sur sa vie personnelle.Élevée au milieu des moutons, son style vocal n'a pourtant rien de bêlant. L'on avait d'ailleurs quitté une PJ Harvey combative, collective, dans la veine protest song sur " The Hope Six Demolition Project " ... et déjà très politique sur " Let England Shake ", son prédécesseur.A 53 ans, celle qui fut d'abord saxophoniste a posément creusé son sillon et... posé au fil des albums sa voix qui, sur " I Inside the Old I Dying " se fait presque angélique ou élégiaque sur l'introductif " Prayer at the Gate " ou le référentiel " Lwonesome Tonight " : " Love Me Tender ", refraint-elle sur " A Child Question, August ", comme une autre référence à Elvis...Les autres allusions sur ce dixième opus seulement (quand on vous disait que la dame sait se faire désirer) sont shakespeariennes ou bibliques : tirés des poèmes personnels publiés précédemment sous le titre " Orlam " par cette artiste protéiforme, qui a aussi étudié la sculpture ; douze d'entre eux sont ainsi mis en musique.Musique sous forme de chanson enfantine parfois, dans l'entame de " Seem and I ". Un univers musical qui possède souvent ce côté éthéré, aqueux qui donne à sa voix un côté Ophelia flottante, dérivante, emportée par le courant... musical : son teint et son timbre aussi blancs, immaculés que sa chevelure n'est noire et de jais.Ce côté Julie Cruise est parfois battu en brèche, notamment sur " I Inside the Old Year Dying ", dont l'attaque rappelle le " This is Your Land " de Woody Guthrie et évoque cette fois le rock déclamatoire de Patti Smith époque " People Have the Power " : une Patti dont Polly arbore presque la coiffure. " All souls ", le bien-nommé, possède en effet un côté ecclésial, chapelle musicale dont PJ serait l'unique membre et dont la voix diaphane devient angélique dans ses envols.Ce dixième album, produit par le fidèle Flood et auquel contribue l'indispensable John Parish, arbore une mélancolie d'une deuxième partie d'année : lorsque, lentement, la lumière décroît de " July " a " August ", en passant par le " Autum Term " et " I Inside the Old Year Dying ".Ce spleen somptueux prend différentes formes, sur " August " justement et son écho de guitare électrique comme un brouillard voire une bruine fine, qui rappellent la grande époque de Radiohead. Les morceaux plutôt dépouillés sont paradoxalement amples, spacieux, souvent aériens : une musique d'esprits, de fantômes, la voix de Harvey, comme hantée, évoquant les créatures sylphides croisées dans les peintures symbolistes.La musique de cette banshee qui se fait ange renvoie d'ailleurs par moments à une sorte de préraphaélisme musical. L'enfance ("Autumn Term"), celle décrite dans les tableaux de John Millais - autre symboliste anglais, vient faire irruption dans des morceaux comme " Seem and I " qui débute comme une comptine ou " A Child's Question, July ", qui évoque une formule kabbalistique, la voix changeante de Harvey rappelant parfois Kate Bush.Pas de " Hauts de Hurlevent " ni de " Wuthering Heights " ici, mais, délivré délicatement, un nuancier de jolis gris qui s'étirent jusqu'au noir et au blanc. Le blanc des bois de bouleaux dans lesquels Polly semble s'enfuir sur " Noseless Noise ", sorte de galopade guitare bruitiste à la Richard Hawley qui finit par s'essouffler au milieu d'une clairière.Un morceau final qui résume l'album, débuté par un air enfantin, pour prendre ensuite un tour abrasif et se terminer quasiment en berceuse. Un titre qui donne la mesure de l'amplitude de la voix de PJ Harvey - passant de la furie grunge à une douceur gracile - et surtout celle de son talent.