Le très Art and Craft et impressionnant musée par ses prodigieuses collections Victoria et Albert Museum, en possède une qui jusqu'ici était peu mise en valeur et remisée dans un coin (ils sont innombrables) de cet imposant édifice : celle de la photographie. Elle compte plus d'un million de clichés, une collection débutée dès l'entame de la seconde moitié du 19e siècle, ce qui en fait la première au monde ! Les photographies ne sont désormais pas toute montrées, mais une sélection prend désormais place dans des espaces plus vastes qu'auparavant et qui leur sont entièrement dévolus.

Le musée a décidé de procéder pour une partie en tout cas à la présentation d'une expo temporaire... sur trois ans dans la section consacrée à la photographie de 1840 à nos jours (et dont une " gallery" porte le nom d'Elton John et son compagnon David Furnish, grands collectionneurs et donateurs), ce qui ne manque pas de surprendre vue l'immensité des réserves !

Soit. La première a choisi le thème de l'énergie sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de la lumière, de l'énergie humaine ou celles fossile ou électrique.

La galerie initiale, historique donc, réunit les toutes premières photographies connues de Fox Talbot en 1838 qui, par un procédé simplissime, photographia des fleurs et fougères. Emblématique, la photo de Fenton d'une chute d'eau au coeur du Lake District, à peine quinze ans plus tard, ou celle du bateau à vapeur sur l'eau de Le Gray à la même époque ne bénéficient d'aucun traitement de faveur au milieu des prises plus historiques, mais moins poétiques de l'éruption du Vésuve par le Suisse Giorgio Sommer en 1872, des études sur le mouvement de Maybrigdge une décennie plus tard.

Impressionnisme

Stupéfiante, l'arrivée en gare d'un train du soir en 1902 par Stieglitz évoque immanquablement l'arrivée du train en gare de Saint-Lazare dépeinte par Monet. Une photo primesautière de Lartigue - son frère qui tente vainement de s'envoler, ou d'Atget (un groupe regardant une éclipse solaire en 1912) de Brassaï (un feu d'artifice), donne à voir l'aspect oisif du médium au départ.

Ce qu'il n'est absolument pas dans les photographies de Dorothea Lange de la grande dépression, celle quasi abstraite de la chute d'un Zeppelin abattu au dessus de Londres par Scott Orr, ou la série dure et réaliste, mais aussi poétique de Bill Brandt dans son reportage sur les mines britanniques au début du sicle dernier.

Ces premières photos sont souvent historiques, photos de gare, de chantier, anecdotiques au sens propre du terme, et oublie tout le mouvement cubiste Moholy-Nagy, ou surréaliste (où est Man Ray?), en tout cas pour l'instant.

Instant décisif

Cartier Bresson et son " instant décisif ", est lui bien présent avec une série de clichés, tout comme de cette photo stupéfiante de Shomei Tomatsu, datant de 1961, qui représente ce qui reste d'une bouteille retrouvée après l'explosion atomique d'Hiroshima : tordue au point qu'elle ressemble à un corps mutilé.

Dans une présentation classique au cours de laquelle domine longtemps, et des décennies durant, le noir et blanc, un croissant de Terre pris d'Apollo 12 en 1969, voisine avec un modèle d'Avedon, en fuseau, devant une fusée de Cap Canaveral.

Les usines atones et désertées des époux Bercher font face aux paysages anglais d'allotements de fortune à perte de vue sur le site minier d' Easington Colliery par John Davies, d'un gris forcément... charbonneux.

Jouant de la lumière l'Allemande Ursula Schulz-Dornburg a, le long du chemin de Compostelle, saisi une lumière d'Est au travers de neuf refuges d'ermites en 92 : Douze " positions of the sun ", qui présenté ensemble possèdent un effet hypnotique.

Dans une autre série, le Syrien Issa Touma photographie une cérémonie soufie tandis que Sugimoto dans Lighting Fields fait surgir un arc électrique aux allures saisissant de système veineux. Une macrophotographie auquel se livre Gabriel Orozco qui capture la lumière sur le couvercle d'un piano.

Ceci dans une photographie enfin couleurs dont se sert également un autre japonais : Naoya Hatakeyama. Il immortalise le moment précis d'une explosion et la projection qui en résulte au milieu d'une carrière, ce qui dans l'instant décomposé donne au phénomène un aspect tentaculaire.

© Victoria and Albert Museum

Des photos récentes comme celle de Stephen Gill qui, capturant de nuit la vie animale grâce à une caméra infrarouge donne à ces clichés du vivant (un cerf, une chouette...) un aspect fantomatique.

Au milieu des différentes salles, faisant le lien entre histoire et époque actuelle une salle bruyante, là ou ailleurs tout est calme volupté et contemplation : cet espace se consacre aux développements récents de la photo qui nous inondent par internet, notamment au travers de l'IA. Ce qui nous vaut une séquence de morphing qui parait soudain ringarde face aux derniers développements de chatGPT.

Bibliothèque

S'ensuit heureusement à nouveau un monde du silence... celui d'une impressionnante bibliothèque de livres consacrés à la photographie et mis à disposition du public dans ce qui est désormais le plus grand musée photographique de Grande Bretagne.

The Parasol Fondation Gallery, consacré à la photographie actuelle se révèle beaucoup plus engagée : Sammy Baloji, Bruxellois d'adoption, évoque dans une oeuvre autant artistique que photographie le (néo)colonialisme et la malédiction des matières premières qui frappe son pays d'origine : le Congo.

Gauri Gill évoque lui la révolte des paysans indiens installés dans des abris de fortune aux abords de New Delhi dans une mosaïque de plus de cinquante clichés. Vasantha Yogananthan évoque de manière contemporaine le récit légendaire indien du Ramayana, notamment au travers d'un superbe paysage montrant une petite barque glissant sur un filet d'eau dans un paysage lunaire : un cliché intitulé The Crossing. Hoda Afshar, photographie iranienne, réunit pour sa part des clichés pris sur les îles du Sud de l'Iran, ou elle capture l'influence d'un vent mauvais qui soi-disant s'emparerait des âmes : elle saisit à la fois des personnages camouflés pour échapper à son emprise et des paysages vides dans, lequel le vent s'engouffre, le tout formant un ensemble hypnotique.

Certains interrogent le changement climatique comme Noémie Goudal qui utilise la paléoclimatologie pour mettre en scène un palmier, le Phoenix Atlantic, sous forme d'installation (de petits tronc droits couverts de photos de feuilles qui constitue une petite forêt), lequel est la preuve vivante de l'existence ancienne d'un super continent, la Pangée, laquelle réunissait les deux côtés de l'Atlantique.

Camera obscura

Dans un vertigineux retour aux origines, la photographe allemande Vera Lutter tire le portrait géant du radiotélescope d'Effelsberg, l'un des plus grands au monde en transformant un conteneur en caméra obscura : le résultat est un énorme et impressionnant cliché négatif.

Une caméra obscura que l'on peut expérimenter dans la dernière et petite partie, laquelle propose également un résumé en films, et pas en photos, de l'histoire technique de la photographie (ceci alors que la salle qui le jouxte est consacrée aux tapisseries de Bruxelles et Tournai, les photos de l'époque...) et au travers d'appareils photos vintage présentées en vitrine : du premier Kodak en 1888 à l'Iphone en passant par le Leica, le Polaroid ou l'Instamatic. Le V & A est bien un musée des arts décoratifs après tout...

The Photography Center,Victoria and Albert Museum, Cromwell road, South Kensington (Londres).

Le très Art and Craft et impressionnant musée par ses prodigieuses collections Victoria et Albert Museum, en possède une qui jusqu'ici était peu mise en valeur et remisée dans un coin (ils sont innombrables) de cet imposant édifice : celle de la photographie. Elle compte plus d'un million de clichés, une collection débutée dès l'entame de la seconde moitié du 19e siècle, ce qui en fait la première au monde ! Les photographies ne sont désormais pas toute montrées, mais une sélection prend désormais place dans des espaces plus vastes qu'auparavant et qui leur sont entièrement dévolus.Le musée a décidé de procéder pour une partie en tout cas à la présentation d'une expo temporaire... sur trois ans dans la section consacrée à la photographie de 1840 à nos jours (et dont une " gallery" porte le nom d'Elton John et son compagnon David Furnish, grands collectionneurs et donateurs), ce qui ne manque pas de surprendre vue l'immensité des réserves ! Soit. La première a choisi le thème de l'énergie sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de la lumière, de l'énergie humaine ou celles fossile ou électrique. La galerie initiale, historique donc, réunit les toutes premières photographies connues de Fox Talbot en 1838 qui, par un procédé simplissime, photographia des fleurs et fougères. Emblématique, la photo de Fenton d'une chute d'eau au coeur du Lake District, à peine quinze ans plus tard, ou celle du bateau à vapeur sur l'eau de Le Gray à la même époque ne bénéficient d'aucun traitement de faveur au milieu des prises plus historiques, mais moins poétiques de l'éruption du Vésuve par le Suisse Giorgio Sommer en 1872, des études sur le mouvement de Maybrigdge une décennie plus tard. Stupéfiante, l'arrivée en gare d'un train du soir en 1902 par Stieglitz évoque immanquablement l'arrivée du train en gare de Saint-Lazare dépeinte par Monet. Une photo primesautière de Lartigue - son frère qui tente vainement de s'envoler, ou d'Atget (un groupe regardant une éclipse solaire en 1912) de Brassaï (un feu d'artifice), donne à voir l'aspect oisif du médium au départ. Ce qu'il n'est absolument pas dans les photographies de Dorothea Lange de la grande dépression, celle quasi abstraite de la chute d'un Zeppelin abattu au dessus de Londres par Scott Orr, ou la série dure et réaliste, mais aussi poétique de Bill Brandt dans son reportage sur les mines britanniques au début du sicle dernier. Ces premières photos sont souvent historiques, photos de gare, de chantier, anecdotiques au sens propre du terme, et oublie tout le mouvement cubiste Moholy-Nagy, ou surréaliste (où est Man Ray?), en tout cas pour l'instant.Cartier Bresson et son " instant décisif ", est lui bien présent avec une série de clichés, tout comme de cette photo stupéfiante de Shomei Tomatsu, datant de 1961, qui représente ce qui reste d'une bouteille retrouvée après l'explosion atomique d'Hiroshima : tordue au point qu'elle ressemble à un corps mutilé. Dans une présentation classique au cours de laquelle domine longtemps, et des décennies durant, le noir et blanc, un croissant de Terre pris d'Apollo 12 en 1969, voisine avec un modèle d'Avedon, en fuseau, devant une fusée de Cap Canaveral. Les usines atones et désertées des époux Bercher font face aux paysages anglais d'allotements de fortune à perte de vue sur le site minier d' Easington Colliery par John Davies, d'un gris forcément... charbonneux. Jouant de la lumière l'Allemande Ursula Schulz-Dornburg a, le long du chemin de Compostelle, saisi une lumière d'Est au travers de neuf refuges d'ermites en 92 : Douze " positions of the sun ", qui présenté ensemble possèdent un effet hypnotique. Dans une autre série, le Syrien Issa Touma photographie une cérémonie soufie tandis que Sugimoto dans Lighting Fields fait surgir un arc électrique aux allures saisissant de système veineux. Une macrophotographie auquel se livre Gabriel Orozco qui capture la lumière sur le couvercle d'un piano. Ceci dans une photographie enfin couleurs dont se sert également un autre japonais : Naoya Hatakeyama. Il immortalise le moment précis d'une explosion et la projection qui en résulte au milieu d'une carrière, ce qui dans l'instant décomposé donne au phénomène un aspect tentaculaire. Des photos récentes comme celle de Stephen Gill qui, capturant de nuit la vie animale grâce à une caméra infrarouge donne à ces clichés du vivant (un cerf, une chouette...) un aspect fantomatique. Au milieu des différentes salles, faisant le lien entre histoire et époque actuelle une salle bruyante, là ou ailleurs tout est calme volupté et contemplation : cet espace se consacre aux développements récents de la photo qui nous inondent par internet, notamment au travers de l'IA. Ce qui nous vaut une séquence de morphing qui parait soudain ringarde face aux derniers développements de chatGPT. S'ensuit heureusement à nouveau un monde du silence... celui d'une impressionnante bibliothèque de livres consacrés à la photographie et mis à disposition du public dans ce qui est désormais le plus grand musée photographique de Grande Bretagne.The Parasol Fondation Gallery, consacré à la photographie actuelle se révèle beaucoup plus engagée : Sammy Baloji, Bruxellois d'adoption, évoque dans une oeuvre autant artistique que photographie le (néo)colonialisme et la malédiction des matières premières qui frappe son pays d'origine : le Congo.Gauri Gill évoque lui la révolte des paysans indiens installés dans des abris de fortune aux abords de New Delhi dans une mosaïque de plus de cinquante clichés. Vasantha Yogananthan évoque de manière contemporaine le récit légendaire indien du Ramayana, notamment au travers d'un superbe paysage montrant une petite barque glissant sur un filet d'eau dans un paysage lunaire : un cliché intitulé The Crossing. Hoda Afshar, photographie iranienne, réunit pour sa part des clichés pris sur les îles du Sud de l'Iran, ou elle capture l'influence d'un vent mauvais qui soi-disant s'emparerait des âmes : elle saisit à la fois des personnages camouflés pour échapper à son emprise et des paysages vides dans, lequel le vent s'engouffre, le tout formant un ensemble hypnotique. Certains interrogent le changement climatique comme Noémie Goudal qui utilise la paléoclimatologie pour mettre en scène un palmier, le Phoenix Atlantic, sous forme d'installation (de petits tronc droits couverts de photos de feuilles qui constitue une petite forêt), lequel est la preuve vivante de l'existence ancienne d'un super continent, la Pangée, laquelle réunissait les deux côtés de l'Atlantique.Dans un vertigineux retour aux origines, la photographe allemande Vera Lutter tire le portrait géant du radiotélescope d'Effelsberg, l'un des plus grands au monde en transformant un conteneur en caméra obscura : le résultat est un énorme et impressionnant cliché négatif.Une caméra obscura que l'on peut expérimenter dans la dernière et petite partie, laquelle propose également un résumé en films, et pas en photos, de l'histoire technique de la photographie (ceci alors que la salle qui le jouxte est consacrée aux tapisseries de Bruxelles et Tournai, les photos de l'époque...) et au travers d'appareils photos vintage présentées en vitrine : du premier Kodak en 1888 à l'Iphone en passant par le Leica, le Polaroid ou l'Instamatic. Le V & A est bien un musée des arts décoratifs après tout...