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Une voiture roule vers Paris, direction le Stade de France. A son bord, quatre terroristes, dont Khalil et Driss, deux amis d'enfance qui ont grandi à Molenbeek. Deux jeunes hommes désoeuvrés récupérés par l'islamisme qu'une navette conduit vers leur destinée. Et tandis que les deux autres comparses sont largués aux abords du stadium, les deux jeunes bruxellois sont déposés sur le trottoir parisien qu'ils ne connaissent pas, afin d'accomplir à leur tour leur funeste mission kamikaze.Après une accolade chaleureuse, Khalil laisse Driss s'en aller vers son destin, convaincu de le rejoindre sous peu au paradis. Lâché par sa mise à feu dans un métro bondé, le terroriste rentre en Belgique, se terre et attend les instructions dans l'ambiance étrange qui précéda aux attentats de Bruxelles...Raconté à la première personne, Khalil, le nouveau roman de Yasmina Khadra se glisse dans la peau d'un candidat terroriste fictionnel en même temps qu'il ne se glisse dans la trame des événements tragiques qui se sont hélas déroulés. Par ce biais, l'auteur de L'attentat explique sans aucunement excusé, les raisons qui poussent des jeunes désoeuvrés - et la plupart célibataires ce qui est peu relevé -, à devenir des candidats au suicide : éducation parcellaire, scolarité bancale ou à l'abandon, existence sans but. Ils sont ainsi récupérés par des sectes trop heureuses de recueillir ces êtres fragiles, en leur offrant une famille de " frères ", et par la religion les pourvoir d'un but dans l'existence... quand ce n'est pas dans l'audelà.Si le propos est nuancé, le déni des vexations rejoint celui de la frustration, le style est direct parfois à la limite du brutal : un scénario de film avec monologues intérieurs émaillés de dialogues. Le livre bien meilleur que le précédent - Dieu n'habite pas La Havane qui s'était révélé par trop mièvre -, se lit d'une traite, malgré la grandiloquence du style, chevillé qu'il est aux tragédies de l'hiver 21015-2016, ménageant des coups de théâtre tout en laissant place à une réflexion sur l'embrigadement, la religion, le défi de l'intégration, la citoyenneté plus que la nationalité et, bien sûr, le déclenchement aveugle de la violenceAristide Padigreaux