Jean-Pierre Verheggen nous a quittés en ce début novembre. Nous l'avions interviewé récemment, à l'occasion de la sortie de son dernier livre "Le sourire de Mona Dialysa".
Avec "Le sourire de Mona Dyalisa", Jean-Pierre Verheggen, amateur de champignons, trompe (de) la mort et conjure les maux par les mots. Face à la grande faucheuse, le poète sort ses faux cils pour un dernier carnaval des amis mots.
Poète et amateur d'aphorismes " phoireux ", Jean-Pierre soigne ses mots et n'a pas encore fait sa valise : son combat contre le crabe ne voit pas pour autant l'étoile de son génie langagier " paslire " ou devenir amère. Face au cancer, ce gémeaux ou " j'ai mots " voire "dj'ai mau " en wallon, en pince encore pour les mots qu'il ne prend d'ailleurs pas avec des pincettes. Évitant les coquilles, cet ermite qui ne s'appelle Bernard, s'installe dans les proverbes, les dictons, les citations latines ou autres des autres pour y pondre des vers poétiques et drôles. L'auteur du " Sourire de Mona Dialysa ", qui est en rémission, ne peut s'empêcher de " pécher " aux mots sans qu'ils soient gros. Bref, sous dialyse ou pas, au niveau du langage, Jean-Pierre Verheggen conserve un sacré coup.. de rein !
Raoul Vaneigem ,mon prof préféré : vénéré, je n'oserais pas, son athéisme ferait du tapage! Raoul, on se tutoyait, cher Raoul, avec qui j'ai séjourné à l'Academia Belgica à Rome, bourses de création artistique à l'appui. Plutôt que"pierre philosophale"... Je dirais plutôt "caillasse insurectionelle" ! (rires)
Né à Orléans, cette ville n'est pucelle pour laquelle vous brûlez ?
Né à Orléans, non! A Gembloux, oui, vieux djiblouti de plus en plus dgibloutonneux! ( Frileux dans son pardessus cacochyme) , issu par ma mère d'une famille de couteliers et côté paternel de... bouchers !
Entre Mariën et Broodthaers, serait-ce le premier Marcel que vous trouvez plus " juste au corps " des mots ?
Mariën, Broodthaers kif-kif ! J'ai en son temps, grâce à André et Cécile Miguel, rencontré ce dernier. Impressionnant créateur ! Mais Chavée aussi à La Louvière, en vieux peau-rouge un peu aviné. Et Scutenaire qui ne pliait le genou ni devant Dieu ni devant personne, prétextant, le rusé, qu'il avait trop d'arthrose ! Ou de Jean Dypréau, également ami d'André Balthazar et Pol Bury, cette petite merveille dans leur revue le Daily Bull qui enquêtait sur cette question péremptoire " Qui êtes-vous ? ". Dypréau répondit : " je suis l'homme de ma vie ". Magnifique, non ?
Ce dernier livre, c'est un peu " Dialyse au pays de la carte merveille" ?
Oui, c'est mieux que Dyanalyse dont les " réussites " sont souvent foireuses
A vous lire, lorsque l'on est vieux, le bonbon ne manque pas de... " cachet " ?
Parlons des vieux (pas moi ! Pas moi! Même si j'ai 81 ans) qui cachent leurs bonbons-sucettes dans une cachette secrète connue d'eux seuls ! D'où, je suce à mort et je dors fort dans mon pieu
Vous évoquez les " repos éternels " : Deo grasse mat', Pionce Pilate... c'est un peu " Je m'en lave demain " ?
Oui. L'excuses serait " j'étais fatigué, fourbu,, retour de quatre heures de dialyse, trois fois par semaine ". De quoi pioncer sans retard ni délai. Le détournement de citations latines que vous opérez, c'est un peu votre voyage en... italique ? Je détourne et redétourne. Exemple : " votez vert, votez écolo ". J'en ai fait " votez verres, votez alcoolos ". Les plus percutants détournements latins sont courts : ainsi, " Pro Deo " devient " Dieu est un pro ". J'aime beaucoup les citations les plus courtes, voraces, insatiables, rageuses !
Sous dialyse, l'on préfère le latin aux latrines ?
Le latin aux latrines ? Non jamais ! Puits de citations, de vérités sous italiques. Mais, latin latrines, pourquoi pas au fond ? Les Romains ne se soulageaient-ils pas à l 'air libre et au grand jour dans des WC portes ouvertes au regard.
Vous citez Géronimo : indien vaut mieux que Dieu tu l'auras ?
C'est Achille Chavée qui, vieil indien, nous rappelle qu'il ne marcherait jamais dans une file indienne ! J'adhère ! J'adhère !
Etes-vous prostré par la prostate ?
Prostré certes. Mauvaise nouvelle disons d'apprendre en outre qu'on en a des métastases de cette pisseuse. Oui, l'on reste un peu prostré quand on vous diagnostique que vous ne pisserez plus et que vos reins eux-mêmes... C'est fini, c'est patraque mon petit père !
Vous citez sans cesse Tintin : vous ne seriez pas un peu bédophile ?
Je ne suis ni bédophile ni pédophile, mais souvent surpris par les jugements, expéditifs, définitifs, sans recours. Mais en effet, je cite souvent ce garçonnet intrépide, vaillant, parfois couillon, mais, à le relire, un brin neu-neu. Modèle pour premières communions rose bonbons édulcorées et pour chaisières.
Vous être le Prince de Ligne claire ?
On pourrait dire que c'est Hergé le prince de la ligne claire
La Georges Rémission, c'est Tintin ?
Oui. Georges Rémi, comprenons Hergé, a failli bien sûr, mais quoi qu'on en dise, il nous laisse une oeuvre monumentale, entre naïveté rose bonbon encore, et jaillissements irrésistibles qui le placent dans la cour des grands.
Les mots de surréalistes Dypréau, Scutenaire et d'Alechinsky sont bibliques à vos yeux, et ces trois auteurs constituent votre Sainte Trinité ?
Oui, " bibliques ". Divins " anges " du péché graphique et moral. Ajoutons-leur Colinet, Havrenne et autres poètes de la flore intestinale.
Le wallon, un dialecte sous... dialyse ?
Le wallon, mais strictement de Trémouroux-Franière, hameau au-dessus de Robersart, Floreffe et son séminaire. Ma " nènène " ne parlant que ce ce dialecte, mais correctement, y compris pou nous tancer : " sales gamins ! Polissons ! "
Avez-vous parfois le blues de Gembloux ?
Oui, j'ai souvent évoqué ici et là mon spleen, mon Gemblues, mes langueurs pour cette ville provinciale, quasi sans commerce aujourd'hui où vit William Cliff, poète - personnage inégalable à l'ironie jouée et rejouée, dont j'ai pieusement gardé la dédicace qu'il me fit il y a quelques années déjà : " A Verheggen, le malpropre de la rue des Oies " : un lieu magnifique, populaire, comme j'aime les parcourir.
Bruno Coppens est-il votre co... pain ?
Oui, les aphorismes , on ne s'en lasse pas, particulièrement nous les Belges, on en écrit : une pratique ancestrale. Ils font partie de notre savoir, de notre richesse patrimoniale foncière et même parfois de nos festins bien arrosés, un rien hilares mais souvent érudits ! Je n'arrête pas d'en produire au nombre de mes joyeusetés et de mes langueurs.
Question racines, vous mangeriez plutôt les champignons que les pissenlits ?
Les pissenlits, je m'en fiche : ils titillent ma vessie gonflée qui me tape sur les nerfs. Quant aux champignons, je souhaite être enseveli, inhumé parmi les chênes truffiers, chez ma soeur, dans le Périgord. Et pour ce qui est de l'accompagnement musical, " Le bolet de Ravel " fera parfaitement l'affaire...
Jean-Pierre Verheggen. Le sourire de Mona Dialysa. Gallimard.
Avec "Le sourire de Mona Dyalisa", Jean-Pierre Verheggen, amateur de champignons, trompe (de) la mort et conjure les maux par les mots. Face à la grande faucheuse, le poète sort ses faux cils pour un dernier carnaval des amis mots.Poète et amateur d'aphorismes " phoireux ", Jean-Pierre soigne ses mots et n'a pas encore fait sa valise : son combat contre le crabe ne voit pas pour autant l'étoile de son génie langagier " paslire " ou devenir amère. Face au cancer, ce gémeaux ou " j'ai mots " voire "dj'ai mau " en wallon, en pince encore pour les mots qu'il ne prend d'ailleurs pas avec des pincettes. Évitant les coquilles, cet ermite qui ne s'appelle Bernard, s'installe dans les proverbes, les dictons, les citations latines ou autres des autres pour y pondre des vers poétiques et drôles. L'auteur du " Sourire de Mona Dialysa ", qui est en rémission, ne peut s'empêcher de " pécher " aux mots sans qu'ils soient gros. Bref, sous dialyse ou pas, au niveau du langage, Jean-Pierre Verheggen conserve un sacré coup.. de rein !Raoul Vaneigem, philosophe situationniste, fut-il votre " Pierre " philosophal ?Raoul Vaneigem ,mon prof préféré : vénéré, je n'oserais pas, son athéisme ferait du tapage! Raoul, on se tutoyait, cher Raoul, avec qui j'ai séjourné à l'Academia Belgica à Rome, bourses de création artistique à l'appui. Plutôt que"pierre philosophale"... Je dirais plutôt "caillasse insurectionelle" ! (rires) Né à Orléans, cette ville n'est pucelle pour laquelle vous brûlez ?Né à Orléans, non! A Gembloux, oui, vieux djiblouti de plus en plus dgibloutonneux! ( Frileux dans son pardessus cacochyme) , issu par ma mère d'une famille de couteliers et côté paternel de... bouchers !Entre Mariën et Broodthaers, serait-ce le premier Marcel que vous trouvez plus " juste au corps " des mots ?Mariën, Broodthaers kif-kif ! J'ai en son temps, grâce à André et Cécile Miguel, rencontré ce dernier. Impressionnant créateur ! Mais Chavée aussi à La Louvière, en vieux peau-rouge un peu aviné. Et Scutenaire qui ne pliait le genou ni devant Dieu ni devant personne, prétextant, le rusé, qu'il avait trop d'arthrose ! Ou de Jean Dypréau, également ami d'André Balthazar et Pol Bury, cette petite merveille dans leur revue le Daily Bull qui enquêtait sur cette question péremptoire " Qui êtes-vous ? ". Dypréau répondit : " je suis l'homme de ma vie ". Magnifique, non ?Ce dernier livre, c'est un peu " Dialyse au pays de la carte merveille" ?Oui, c'est mieux que Dyanalyse dont les " réussites " sont souvent foireusesA vous lire, lorsque l'on est vieux, le bonbon ne manque pas de... " cachet " ?Parlons des vieux (pas moi ! Pas moi! Même si j'ai 81 ans) qui cachent leurs bonbons-sucettes dans une cachette secrète connue d'eux seuls ! D'où, je suce à mort et je dors fort dans mon pieuVous évoquez les " repos éternels " : Deo grasse mat', Pionce Pilate... c'est un peu " Je m'en lave demain " ?Oui. L'excuses serait " j'étais fatigué, fourbu,, retour de quatre heures de dialyse, trois fois par semaine ". De quoi pioncer sans retard ni délai. Le détournement de citations latines que vous opérez, c'est un peu votre voyage en... italique ? Je détourne et redétourne. Exemple : " votez vert, votez écolo ". J'en ai fait " votez verres, votez alcoolos ". Les plus percutants détournements latins sont courts : ainsi, " Pro Deo " devient " Dieu est un pro ". J'aime beaucoup les citations les plus courtes, voraces, insatiables, rageuses !Sous dialyse, l'on préfère le latin aux latrines ?Le latin aux latrines ? Non jamais ! Puits de citations, de vérités sous italiques. Mais, latin latrines, pourquoi pas au fond ? Les Romains ne se soulageaient-ils pas à l 'air libre et au grand jour dans des WC portes ouvertes au regard.Vous citez Géronimo : indien vaut mieux que Dieu tu l'auras ?C'est Achille Chavée qui, vieil indien, nous rappelle qu'il ne marcherait jamais dans une file indienne ! J'adhère ! J'adhère !Etes-vous prostré par la prostate ?Prostré certes. Mauvaise nouvelle disons d'apprendre en outre qu'on en a des métastases de cette pisseuse. Oui, l'on reste un peu prostré quand on vous diagnostique que vous ne pisserez plus et que vos reins eux-mêmes... C'est fini, c'est patraque mon petit père !Vous citez sans cesse Tintin : vous ne seriez pas un peu bédophile ?Je ne suis ni bédophile ni pédophile, mais souvent surpris par les jugements, expéditifs, définitifs, sans recours. Mais en effet, je cite souvent ce garçonnet intrépide, vaillant, parfois couillon, mais, à le relire, un brin neu-neu. Modèle pour premières communions rose bonbons édulcorées et pour chaisières.Vous être le Prince de Ligne claire ?On pourrait dire que c'est Hergé le prince de la ligne claireLa Georges Rémission, c'est Tintin ?Oui. Georges Rémi, comprenons Hergé, a failli bien sûr, mais quoi qu'on en dise, il nous laisse une oeuvre monumentale, entre naïveté rose bonbon encore, et jaillissements irrésistibles qui le placent dans la cour des grands.Les mots de surréalistes Dypréau, Scutenaire et d'Alechinsky sont bibliques à vos yeux, et ces trois auteurs constituent votre Sainte Trinité ?Oui, " bibliques ". Divins " anges " du péché graphique et moral. Ajoutons-leur Colinet, Havrenne et autres poètes de la flore intestinale.Le wallon, un dialecte sous... dialyse ?Le wallon, mais strictement de Trémouroux-Franière, hameau au-dessus de Robersart, Floreffe et son séminaire. Ma " nènène " ne parlant que ce ce dialecte, mais correctement, y compris pou nous tancer : " sales gamins ! Polissons ! "Avez-vous parfois le blues de Gembloux ?Oui, j'ai souvent évoqué ici et là mon spleen, mon Gemblues, mes langueurs pour cette ville provinciale, quasi sans commerce aujourd'hui où vit William Cliff, poète - personnage inégalable à l'ironie jouée et rejouée, dont j'ai pieusement gardé la dédicace qu'il me fit il y a quelques années déjà : " A Verheggen, le malpropre de la rue des Oies " : un lieu magnifique, populaire, comme j'aime les parcourir.Bruno Coppens est-il votre co... pain ?Oui, les aphorismes , on ne s'en lasse pas, particulièrement nous les Belges, on en écrit : une pratique ancestrale. Ils font partie de notre savoir, de notre richesse patrimoniale foncière et même parfois de nos festins bien arrosés, un rien hilares mais souvent érudits ! Je n'arrête pas d'en produire au nombre de mes joyeusetés et de mes langueurs. Question racines, vous mangeriez plutôt les champignons que les pissenlits ?Les pissenlits, je m'en fiche : ils titillent ma vessie gonflée qui me tape sur les nerfs. Quant aux champignons, je souhaite être enseveli, inhumé parmi les chênes truffiers, chez ma soeur, dans le Périgord. Et pour ce qui est de l'accompagnement musical, " Le bolet de Ravel " fera parfaitement l'affaire...