...

Il n'est un secret pour personne que l'incidence des démences dites séniles (un terme trop réducteur) augmente dans nos sociétés en parallèle avec l'augmentation de l'espérance de vie. Chez la femme en particulier, la mortalité liée notamment aux maladies cardiovasculaires, ainsi qu'au cancer du sein, diminue, ce qui explique en partie cette évolution.Les facteurs de risque de démence sont nombreux, et la ménopause en fait partie par ses divers retentissements somatiques et mentaux. La démonstration en a d'ailleurs été faite dans les cas d'ovariectomie : de manière générale, plus tôt elle est réalisée dans la vie, plus l'incidence de la démence sera élevée si un traitement hormonal de substitution n'est pas instauré. Un des mécanismes en jeu tient dans le fait que les oestrogènes inhibent la formation de β-amyloïde.Un élément physiologique important à considérer dans le risque de démence est l'apolipoprotéine E (ApoE), qui intervient dans le transport de lipides au niveau neuronal. Il en existe plusieurs isoformes. Si l'ApoE2 protège le cerveau, l'ApoE4 que présentent certaines personnes les rend 6 à 12 fois plus susceptibles de développer la maladie d'Alzheimer, soit entre 60 et 80 % des cas de démence chez la femme. Or, la prévalence de l'isoforme ApoE4 est assez élevée (15 à 20 %), ce qui la rend particulièrement intéressante à dépister. La positivité de ce dépistage génétique est associée à un risque important de maladie d'Alzheimer, sans oublier que la mesure de paramètres sériques liés à la santé neuronale (dont le taux de protéine Tau) permet de détecter la probabilité d'une évolution vers la maladie 20 à 25 ans déjà avant son éventuelle survenue.Une étude pilote a été réalisée à Gand par Herman Depypere et ses collaborateurs chez des femmes récemment ménopausées, en bonne santé apparente et sans aucun traitement médical. Différents groupes ont été constitués en fonction de la décision de prise ou non d'un THS. Après six mois déjà, les femmes dépistées ApoE4 positives ne prenant pas de THS montraient une altération des paramètres sériques liés à la santé neuronale, à l'inverse des femmes ApoE4+ qui prenaient un THS (p < 0,007).Confirmant cette observation, un autre bras de l'étude, réalisé chez quelques dizaines de femmes ApoE4+ souffrant d'un cancer du sein, montre que la prise d'un inhibiteur de l'aromatase est associée à un effet négatif à six mois sur les paramètres sériques, ce qui n'est pas le cas du traitement par tamoxifène.Herman Depypere concède qu'il ne s'agit encore que d'une étude pilote, mais la confirmation espérée de ces résultats par des études à plus grande échelle et randomisées pourrait déboucher sur une individualisation plus poussée et efficace du THS, de la prévention de l'ostéoporose chez la femme ménopausée, ainsi que de la stratégie thérapeutique du cancer du sein.Un lien vers le bras principal de l'étude pilote : Depypere H et al. Neurodegeneration Precision Medicine Initiative (NPMI). Menopause hormone therapy significantly alters pathophysiological biomarkers of Alzheimer's disease. Alzheimers Dement. 2023 Apr;19(4):1320-1330. doi: 10.1002/alz.12759