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Les difficiles frontières entre l'asthme et la BPCOLe diagnostic de BPCO repose sur la constatation après bronchodilatation d'un indice de Tiffeneau (VEMS/CV) inférieur à 0,7 ou d'une valeur de ce même indice inférieure à la limite inférieure de la normale théorique/prédite chez un individu fumeur ou ex-fumeur dans l'immense majorité des cas.Beaucoup de sujets satisfont à cette définition et sont donc étiquetés patients BPCO. Il existe cependant une très grande hétérogénéité au sein de tous ces patients que ce soit par exemple en termes d'intensité clinique, de comorbidités ou de fréquence d'exacerbations. Plus perturbantes sont les hétérogénéités qui concernent d'une part l'inflammation retrouvée au niveau des bronches et d'autre part le degré de réversibilité de l'obstruction bronchique. Perturbantes parce que l'on peut se retrouver avec des patients authentiquement porteurs d'une BPCO selon la définition fonctionnelle, mais dont le phénotype ressemble à celui qui est observé chez la majorité des asthmatiques, à savoir une inflammation bronchique de type éosinophilique et une obstruction bronchique réversible. On a longtemps parlé chez ces sujets de bronchite asthmatiforme et plus récemment de syndrome de recouvrement asthme/BPCO (ACOS).Les affres du choix du traitementMon sentiment est qu'il serait plus sage d'admettre que la BPCO est un terme générique qui englobe plusieurs entités et plutôt que d'essayer d'isoler et de baptiser une multitude de phénotypes, il me semble qu'il serait plus utile de rechercher dans de grandes études prospectives quels sont parmi les différents traits de la BPCO récemment listés par un groupe international de pneumologues, ceux qui ont une réelle importance et une valeur prédictive en termes de pronostic et de traitement.Quelques exemples très simples pour fixer les idées. D'abord les patients BPCO qui sont assez proches des patients asthmatiques en raison d'une réversibilité substantielle (disons 15 à 20% et 200 ml). Et bien à ce jour nous ne savons pas si ces patients sont plus enclins ou pas à répondre à la corticothérapie inhalée. Même constatation pour les patients BPCO dont l'inflammation bronchique est de type éosinophilique comme les asthmatiques. Le traitement de fond de ces patients doit-il ou non comporter une corticothérapie inhalée en sus des bronchodilatateurs ? On peut aussi se poser la question de l'impact dans la réponse aux traitements du trait atopique ou de la colonisation bactérienne qui sont présents chez certains BPCO.Pour en revenir à l'éosinophilie, en réalité, pour ce type de patients, la seule chose que nous sachions avec certitude est que dans la BPCO, et à la différence de l'asthme, le trait "éosinophilie" n'est pas associé à un pronostic plus sombre. En d'autres termes, d'une part le devenir des BPCO avec inflammation éosinophilique n'est pas plus sévère que celui des BPCO dont l'inflammation n'est pas éosinophilique et d'autre part il existe des formes de BPCO très sévères qui n'ont rien à voir avec les éosinophiles.En revanche, il y a de plus en plus de données suggérant que le trait "éosinophilie" dans la BPCO distingue le groupe de patients chez lesquels les corticoïdes inhalés peuvent être utiles en contribuant à réduire la fréquence et/ou la sévérité des exacerbations et à améliorer la fonction pulmonaire. Toutefois nos manquons encore de grandes études prospectives pour trancher définitivement la question.Trop de corticothérapie inhalée ?L'identification de ce groupe aboutit a contrario à définir le groupe beaucoup plus important de patients BPCO chez lesquels la corticothérapie inhalée a peu de chances de contribuer à l'efficacité thérapeutique et dont la prescription n'est alors probablement pas justifiée. Ainsi, lors du récent congrès de la Société Européenne de Pneumologie ont été rappelées les données d'une étude indiquant que chez des patients BPCO sévères recevant une triple thérapie associant deux bronchodilatateurs de mécanisme d'action différents (salmétérol et tiotropium) et un corticoïde inhalé (fluticasone), l'arrêt progressif de la corticothérapie inhalée ne s'accompagnait pas d'une augmentation des exacerbations et l'impact sur la fonction pulmonaire était modeste, non progressif et n'engendrait pas de modifications cliniques importantes. Eosinophilie, bronchique ou sanguine ?A ce stade il semble acquis que les patients chez qui les corticoïdes inhalés ont le plus de chance d'être utiles sont essentiellement ceux chez qui l'on constate des taux élevés d'éosinophiles dans le sang. Cette hyperéosinophilie sanguine peut être indicative de l'inflammation éosinophilique des voies aériennes qui est la cible primaire de la corticothérapie inhalée. Il a déjà été montré à plusieurs reprises que la corticothérapie inhalée était efficace chez les patients BPCO avec présence d'éosinophiles dans les expectorations induites, mais il est clair que cette recherche n'est pas de pratique clinique courante. Voilà pourquoi l'on s'est tourné vers l'éosinophilie sanguine qui est sans doute un marqueur moins précis, mais beaucoup plus facile d'accès. A suivreLe point important auquel se consacrent plusieurs équipes est maintenant de déterminer le pourcentage et/ou le taux d'éosinophilie sanguine qui est suffisamment discriminant pour séparer les sujets susceptibles de tirer profit de la corticothérapie inhalée de ceux qui ne le pas ou très peu. Il n'y a pas encore de réponse précise à ce stade, mais le champ des valeurs possibles se rétrécit et tourne désormais autour de 3 ou 4% et/ou de 200 à 300 éosinophiles par microlitre dans le sang. Une meilleure caractérisation des traits inflammatoires, métaboliques, et microbiologiques des patients BPCO au-delà de la spirométrie, permettra sans doute dans les années à venir à affiner le choix des traitements ce qui se traduira à la fois par une meilleure qualité de vie des patients et une réduction des coûts de prescription.