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En 2015, l'International Society for the Study of Vulvo-vaginal Disease, qui fait autorité en la matière, a établi une classification des causes possibles de douleur chronique au niveau de la vulve. Cette classification énumère: · Affections cutanées: lichen scléreux, lichen plan, affections immunobulleuses,... · Maladies neurologiques: névralgie du nerf pudendal ou du nerf génitofémoral,... · Important: troubles hormonaux, tels que l'atrophie post-ménopausique de la vulve, le syndrome génito-urinaire de la ménopause,... · Traumatisme, infection, post-partum,... Autrefois, l'une quelconque de ces affections excluait le diagnostic de vulvodynie. Dans le nouveau consensus, la vulvodynie peut coexister avec une autre affection, à condition que chacune soit présente dans une zone différente de la vulve. En effet, la vulvodynie peut concerner toute la vulve ou seulement une partie de celle-ci. Par ailleurs, la douleur associée à la vulvodynie est classée selon qu'elle est présente spontanément ou déclenchée par un stimulus mécanique (frottement ou pression), ou une combinaison des deux. "Dans la grande majorité des cas (95%), il s'agit d'une douleur qui est strictement provoquée et se limite au vestibule ou à l'entrée du vagin", explique le Pr Hans Verstraelen (Women's Clinic, UZ Gent). "Dans la pratique, les patientes se plaignent de dyspareunie superficielle. On parle également de vulvodynie localisée provoquée ou de vestibulodynie provoquée. Lorsque nous parlons de vulvodynie, nous référons à cette présentation spécifique, à moins que le contraire ne soit explicitement mentionné. Il est préférable de ne pas considérer la vestibulodynie provoquée comme un trouble sexuel. Il s'agit fondamentalement d'un problème de douleur chronique, qui se manifeste principalement lors des rapports sexuels." Cependant, certaines patientes présentent des douleurs spontanées et diffuses sur toute la surface de la vulve. Ce phénomène s'observe surtout après la ménopause. En termes épidémiologiques, les études de population internationales montrent de manière assez consistante une prévalence ponctuelle de 8%. On peut donc admettre à tout moment qu'une femme sur 12 souffre de vulvodynie. L'incidence cumulée est plus élevée: une femme sur six à une femme sur huit éprouve, à un moment donné de sa vie, des douleurs pendant les rapports sexuels pendant une période prolongée, attribuées à la vulvodynie. Des études bien conçues suggèrent que la prévalence par tranche d'âge reste constante jusqu'à l'âge de 70 ans. "La vulvodynie se présente donc dans la même proportion à tous les âges", conclut le Pr Verstraelen. "Pourtant, la grande majorité des femmes qui consultent pour une vulvodynie sont des adolescentes et des femmes dans la vingtaine ou la trentaine, phénomène pour lequel on peut imaginer toutes sortes d'explications."Les études sur la pathogénie de la vulvodynie n'ont été menées que chez les femmes qui présentaient des douleurs autour du vestibule. Deux types de résultats histopathologiques se dégagent à cet égard. Premièrement, il existe dans le tissu une densité significativement accrue de fibres douloureuses terminales (fibres Ad et C) et de récepteurs de la douleur. "Toutes les études histopathologiques sur la vulvodynie aboutissent uniformément à ce résultat", souligne Hans Verstraelen. "C'est remarquable, car ce type de densité accrue n'est observé dans aucun autre syndrome douloureux. Dans les douleurs neuropathiques, par exemple, c'est exactement le contraire: la densité des fibres de la douleur diminue, en guise de compensation. Néanmoins, nous sommes enclins à considérer que l'augmentation de la densité des fibres douloureuses terminales est en corrélation avec la douleur associée à la vestibulodynie."La deuxième constatation concerne l'inflammation, mais les résultats sont ici beaucoup moins uniformes. Certaines études constatent une augmentation du nombre de globules blancs dans le tissu du vestibule, mais il n'existe pratiquement pas de données sur la population leucocytaire normale dans ce tissu. Certains groupes de chercheurs parlent d'une réaction des mastocytes, tandis que d'autres constatent surtout une présence anormalement élevée de lymphocytes T. "Bref, les résultats sont disparates", conclut le Pr Verstraelen. Un groupe de recherche canadien a mis au point un modèle murin dans lequel un antigène de Candida a été appliqué par voie intravaginale. Les chercheurs ont constaté que cela provoquait des douleurs. Dans le tissu du vagin, ils ont trouvé exactement ce qui est observé au niveau histopathologique dans le tissu vestibulaire chez les femmes souffrant de vulvodynie, à savoir la neuroprolifération ou le bourgeonnement nerveux décrit ci-dessus, lié à l'inflammation. Depuis lors, ces résultats ont été confirmés à plusieurs reprises avec d'autres modèles de rongeurs. "Dans l'ensemble, les résultats actuels semblent confirmer que la neuroprolifération et l'inflammation constituent le corrélat histopathologique de la vulvodynie", résume Hans Verstraelen. Afin de rassembler les pièces du puzzle, on suggère que l'inflammation serait le facteur principal - par le biais d'un déséquilibre entre les facteurs pro- et anti-inflammatoires - et que le bourgeonnement neuronal en serait la conséquence. La corrélation la plus étroite issue des observations épidémiologiques associe la vulvodynie à des facteurs de risque psychosociaux. Les associations les plus consistantes concernent des antécédents d'anxiété et les troubles de l'humeur (dépression), ainsi que la maltraitance, la négligence et l'anxiété pendant l'enfance. Hans Verstraelen commente: "En bref, il s'agit de la catégorie de facteurs de risque associés à ce que l'on appelait autrefois les troubles psychosomatiques - un terme qui est de plus en plus abandonné au profit de l'appellation syndromes de sensibilité centrale. D'ailleurs, par rapport à la population générale, les femmes atteintes de vulvodynie présentent une prévalence accrue de ces syndromes douloureux: fibromyalgie, syndrome du côlon irritable, syndrome de la douleur vésicale, douleur temporo-mandibulaire, etc. Cela indique une certaine prédisposition, congénitale ou acquise. Néanmoins, je tiens à souligner que la majorité des patientes atteintes de vulvodynie que nous recevons en consultation ne présentent pas ces comorbidités."Outre ces facteurs de risque psychosociaux - qui reviennent très régulièrement dans les études -, il existe une série d'autres facteurs de risque, qui sont moins régulièrement notés ou qui n'ont été examinés que dans une ou deux études. Les patientes s'interrogent régulièrement sur le rôle de la contraception hormonale dans l'apparition de la vulvodynie. Hans Verstraelen répond: "Il n'y a pas de certitude à ce sujet. Plusieurs études cas-témoins ont été publiées au début des années 2000, qui concluaient à une utilisation plus importante de la pilule chez les femmes souffrant de vulvodynie que dans la population contrôle. Les études de cohorte n'ont pas pu le confirmer. Dans le débat à ce sujet, on renvoie à une certaine tendance à mettre toutes les pilules combinées dans le même sac, alors que la contraception orale utilise une variété d'oestrogènes, associés à des progestatifs encore plus divers. Face à cette remarque, qui suggère bel et bien un effet, on pourrait faire valoir que l'arrêt de la pilule réduit rarement la douleur liée à la vulvodynie. Constat qui n'est pas concluant non plus, mais qui rend moins probable le rôle de la pilule comme facteur causal de la vulvodynie."Des recherches antérieures ont mis en avant les infections à Candida récurrentes comme facteur déclencheur de la vulvodynie. Rétrospectivement, ces recherches ont été jugées biaisées, les symptômes vulvaires étant trop souvent attribués à une infection à Candida. "Jusqu'à la publication de l'étude susmentionnée du modèle murin", indique le Pr Verstraelen. "Cliniquement, nous avons l'impression que la vulvodynie se développe chez certaines femmes au fur et à mesure des épisodes successifs de candidose vulvovaginale. Il semble que ces patientes développent une réponse immunitaire déréglée, où l'inflammation persiste après la disparition de l'infection.""Les recherches sur la vulvodynie débouchent donc régulièrement sur des résultats contradictoires. Cela peut s'expliquer par le fait que nous sommes face à un groupe hétérogène de pathologies. La vulvodynie est en quelque sorte un terme générique. De ce point de vue, on peut comprendre que chez certaines femmes, on ait l'impression que ce sont les infections récurrentes qui sont en cause, tandis que chez d'autres, ce sont surtout des facteurs psychosociaux qui interviennent, et chez un troisième groupe, l'on ne sache pas vraiment ce qui a pu déclencher l'affection."