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Une offre plantureuse de médicaments existe actuellement pour traiter les patients atteints d'arthrite rhumatoïde. " Nous suivons pourtant un peu toujours le même algorithme ", constate le Dr Thevissen. " Nous commençons avec le méthotrexate. S'il ne livre pas l'effet escompté, nous passons un autre DMARD classique. L'option suivante est un produit biologique ou un inhibiteur de JAK. Le choix parmi tous ces médicaments plus modernes dépend des préférences du patient ou du médecin. Ceux qui voyagent beaucoup par avion ou ont peur de la piqûre opteront pour un médicament pouvant être administré à de longs intervalles ou à prendre par voie orale. Chez les femmes avec un désir d'enfant, nous choisissons une molécule qui ne pénètre pas la paroi du placenta. De plus, en tant que médecin, nous donnons toujours la préférence aux médicaments que nous connaissons bien, afin d'anticiper le résultat et les potentiels effets secondaires. Mais c'est là tout ce que nous pouvons faire. Il n'existe toujours pas de critères pour prédire l'efficacité d'un traitement sur un patient donné. " À la lumière des considérations actuelles, il est néanmoins crucial de trouver rapidement la bonne molécule pour le patient. On part en effet du principe, dans le cas de l'arthrite rhumatoïde, qu'il existe une fenêtre d'opportunité. La rémission aura lieu si l'on a pu traiter puissamment dès les premiers stades du trouble. " Voilà un concept interpellant ", Kristof Thevissen. " En tant que jeune rhumatologue, l'idée que nous commencions parfois le traitement chez des patients de 30 ou 35 ans me pose question. Compte-tenu d'une espérance de vie de 80 à 85 ans, cela veut dire que ces personnes vont devoir prendre une médication pendant 50 ans. 50 ans de produits biologiques, est-ce bien sain ? Personne ne peut le prédire, car nous n'avons pas encore de patients qui ont vécu si longtemps sous médication. Les études les plus anciennes remontent à 20 ans environ. Dans l'attente de certitudes à ce propos, il me semble judicieux de condenser le traitement sur de courtes périodes. Pour chaque patient, il faut donc viser juste... et vite ! "Passons maintenant aux risques de complication. " Si le patient développe une complication grave suite à la prescription d'un médicament, vous voulez pouvoir affirmer, en votre âme et conscience, que c'était le meilleur choix, sur base de faits, de sorte de ne pas vous sentir encore plus coupable. C'est pourquoi les médecins doivent disposer d'un système de critères objectifs. Les personnes qui subissent une complication liée à une médication souffrent déjà bien assez. "Les marqueurs biologiques peuvent incontestablement nous aider. Le facteur rhumatoïde et l'anti-CCP aident au diagnostic et ont une signification en termes de pronostic. Toutefois, le Dr Thevissen estime qu'à l'avenir, de nouveaux biomarqueurs seront identifiés et permettront de ramener le tableau clinique de l'arthrite rhumatoïde à une série de mécanismes pathophysiologiques, chacun nécessitant un traitement médicamenteux préférentiel. La flore intestinale constitue l'un des marqueurs biologiques actuellement en vogue. Le rhumatologue gantois y voit également un intérêt : " nous savons que le microbiome de l'intestin des patients atteints d'arthrite diffère de celui d'une population de contrôle. Il s'agit dès lors et en priorité de pouvoir dissocier causes et conséquences. Ou peut-être découvrirons-nous à l'avenir que l'interaction entre le microbiome intestinal et les probiotiques ou, soyons plus radicaux, la transplantation de selles, contribue au traitement de l'arthrite rhumatoïde. Garder la maladie sous contrôle serait déjà une belle avancée. J'attends de la recherche qu'elle s'y intéresse à l'avenir. Dans tous les cas de figure, nous pouvons espérer que la composition du microbiome deviendra un critère pour ranger les patients dans une catégorie et nous montrer le chemin vers le traitement médicamenteux le plus efficace, vers une médecine personnalisée en somme. "Scientifiques et législateurs doivent ici se serrer les coudes. " Si, d'un point de vue scientifique, nous sommes parvenus à faire matcher le profil du patient et le médicament, il faut également adapter les critères de remboursement. Le remboursement ne peut constituer un obstacle quand on sait qu'on a fait le bon choix pour un patient. "