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Êtes-vous pesco-végétarien? Ovo-lacto-végétarien? Végan? ... Pour s'y retrouver et conseiller le plus justement possible les adeptes de l'une ou l'autre forme de végétarisme, Céline Lefebvre et Charlotte Nicolas, deux diététiciennes spécialisées en pédiatrie et formées par le Conseil européen des diététiciens de l'enfance (CEDE), ont élaboré un guide très pratique. "Les végétarismes chez l'enfant, l'adolescent, la femme enceinte et allaitante" a été conçu comme un outil pour suivre ces groupes spécifiques et évaluer si les différents types de végétarisme permettent d'atteindre les recommandations nutritionnelles. Après quelques généralités sur le végétarisme et ses déclinaisons, neuf fiches détaillent les nutriments essentiels: protéines et acides aminés, acide docosahexaénoïque (DHA), calcium, iode, fer, vitamine B12, vitamine D, zinc, sodium et acide phytique. À l'origine de ce travail, une demande de l'Association des diététiciens luxembourgeois adressée au CEDE, et plus spécialement à son groupe de travail sur le végétarisme, pour connaître leur avis sur ces régimes chez l'enfant, la femme enceinte etc. "Par ailleurs, certains pays avaient émis des opinions très tranchées. Nous avons préféré fournir des clés, des pistes de réflexion aux diététiciens ou aux médecins qui donnent des conseils nutritionnels aux patients", précise Charlotte Nicolas qui travaille au Labiris de la Cocof. D'autant que les végétaliens ne vont pas facilement en consultation diététique, en partie de peur d'être jugés, ajoute-t-elle: "Certains se tournent dès lors vers des professions alternatives pour avoir des conseils en nutrition. Le message à passer à la population est qu'il ne faut pas hésiter à aller poser des questions à des professionnels de la santé reconnus. Devenir végétarien ne consiste pas uniquement à supprimer la viande, il y a des compensations à faire et certainement pendant les périodes de croissance. Aujourd' hui, ils sont en général bien informés, notamment sur la nécessité d' une supplémentation en vitamine B12, mais c'était moins le cas il y a quelques années. Cependant, tout l'équilibre alimentaire peut avoir un impact à court, moyen et long terme."Pour Charlotte Nicolas, le message à donner aux médecins et aux diététiciens, c'est de ne pas juger ces parents et d'essayer de maintenir la communication: "Il faut garder en tête qu'ils ne viennent pas pour être convaincus du contraire, mais pour obtenir des conseils en restant dans leur philosophie. Il faut les informer des risques et leur proposer les solutions qui vont permettre de couvrir les besoins, notamment des enfants. Cela peut s'apparenter à une alimentation médicalisée et nécessite un contrôle plus régulier, ce qui est parfois difficile à accepter par ceux qui veulent consommer des aliments plus naturels..." Plus le régime est restrictif, plus le risque de carence sera important. "Si la famille est ovo-lacto végétarienne, il sera assez facile d' atteindre les recommandations. Par contre, pour les plus restrictifs, comme les ovo-végétariens qui excluent les produits laitiers, ou les lacto-végétariens qui excluent les oeufs, ou les végétaliens, c' est plus compliqué. Sans parler des régimes farfelus comme le paléo, les crudivoristes etc.", met-elle en garde. "En consultation, en demandant au patient de décrire sonalimentation, le médecin peut rapidement voir s'il manque certains groupes alimentaires. Il ne suffit pas de dire qu' on est végétarien, parce que c' est très flou: certains le sont occasionnellement, certains se disent végétariens mais sont carrément véganes... Ça change tout au niveau de l'étendue des restrictions. S' il faut aller plus loin, un dosage sanguin sera utile mais, finalement, pour les enfants, c' est surtout la courbe de croissance qui sera l'élément le plus facile à interpréter. Ensuite, pour les détails, c' est bien de faire des calculs et de référer à un diététicien", conseille la diététicienne. "On entend souvent dire que quelque soit l'état nutritionnel de la maman pendant la grossesse ou l' allaitement, l' enfant va croître d' une manière normale: ce n' est malheureusement pas vrai pour tous les nutriments. Si elle a une grosse carence en vitamines B12, son lait n'en contiendra pas ou pas suffisamment. C' est le cas aussi pour les besoins en DHA qui est essentiel pour le développement du cerveau. Il est donc important que la maman puisse en consommer (poissons gras, oeufs de poules nourries avec des graines de lin...) et, si elle est végétalienne, il faut un complément alimentaire." L'iode est un autre nutriment clé pendant la grossesse et les premiers mois de vie. "On en retrouve dans les oeufs, le lait, les produits d' origine marine. Pour les végétaliennes, il reste les algues or, elles sont déconseillées pendant la croissance et les périodes fragiles parce qu' elles sont souvent contaminées par des métaux lourds. Il reste donc le sel iodé, mais ce n' est pas suffisant, il faut un apport extérieur en iode. Les femmes enceintes et allaitantes doivent donc être suivies au niveau médical et nutritionnel, en parallèle", souligne Charlotte Nicolas. Le végétarisme a le vent en poupe et l'expérience du confinement a encore accentué la tendance: ce guide vient donc à point pour accompagner ce mouvement. Et le printemps 2021 sera décidément placé sous le signe du végétarisme puisque le Conseil supérieur de la santé (CSS) va éditer prochainement ses recommandations générales concernant ce type d'alimentation.