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Dernier exemple en date, la fameuse vaccination par le pharmacien contre le covid-19 et la grippe saisonnière. Pas complètement sotte d'un point de vue de la santé publique, la décision a été prise sans concertation avec le corps médical dont l'avis est des plus pertinents en la matière. Après l'Absym qui a mené un long mais vain combat d'opposition, le GBO a récemment fait montre de son désappointement devant le passage en force, seulement freiné par la réaction inattendue à la Chambre du... Vlaams Belang en deuxième lecture. Certes, le médecin généraliste est aussi à la manoeuvre dans cette vaccination mais, constate le GBO, la situation relève du capharnaüm lorsqu'il s'agit pour le médecin de famille de s'approvisionner en vaccins. Un vrai parcours du combattant, selon le GBO qui se confiait récemment à Laurent Zanella. En outre, " comme les patients ne reçoivent pas de carte de vaccination et que les vaccins administrés en officine ne sont pas visibles dans le Sumehr, se pose un vrai risque de double vaccination. Pour l'éviter, les médecins doivent se connecter à VaccinNet+ pour vérifier si le patient a déjà été ou non vacciné contre le covid-19. " Pour l'Absym, qui s'interroge sur la réaction du pharmacien en cas de complications, une solide formation des pharmaciens à la vaccination est indispensable. Dans l'affaire de la " revue de médication " proposée par l'Association pharmaceutique belge consistant à discuter avec le client des effets secondaires et modifier le schéma thérapeutique, le by-pass un peu cavalier du médecin thérapeute est, là aussi, gênant: le pharmacien devient de plus en plus le centre du système et plus le médecin de famille. Rupture violente du paradigme historique. David Simon (Absym) s'est inquiété de la responsabilité à l'époque mais qui vaut aussi, toute proportion gardée, pour la vaccination par le pharmacien: " Cela pose clairement un problème de responsabilité civile et pénale. Dans la configuration actuelle, en présence de dommages résultant de la modification d'un traitement proposé par le pharmacien, c'est le médecin qui en endossera l'entière responsabilité. Il est pourtant évident que la responsabilité du pharmacien doit également être engagée. À l'inverse, outre le temps que le médecin devra passer à se justifier devant le patient, si le médecin ne se rallie pas aux propositions du pharmacien, au moindre problème, le patient informé des propositions émises par le pharmacien que le médecin n'aura pas suivies attribuera à ce refus la responsabilité des dommages qu'il pourrait subir, même en l'absence de lien avec celui-ci. C'est au médecin qu'incombera la charge de la preuve. Ce n'est pas acceptable. " En juin dernier, Vandenbroucke bousculait (au premier sens du terme) un de ses collègues en kern (en réalité, il a littéralement agressé physiquement Vincent Van Quickenborne devant le Premier ministre médusé), mettant en balance le sort de Hadja Labib, ministre MR des Affaires étrangères en ballottage défavorable sur un dossier de politique étrangère, et la volonté farouche de VDB d'interdire les suppléments pour les radiologues en matière d'IRM/CT, exigeant que chaque service de radiologie ait un médecin conventionné. Lors de la mise en place du New Deal en médecine générale, l'Absym a dû batailler pour que le système mixte (à l'acte, au forfait et à la prime) ne soit pas rendu obligatoire. Sous pression, le ministre a consenti à ce qu'aucun MG ne soit obligé de rentrer dans le système et chacun pourra, s'il le souhaite, continuer dans l'ancienne mouture, majoritairement à l'acte. Le ministre Vooruit avait à cette occasion fait une sortie méprisante dont il a le secret contre les MG solistes: " La disparition des médecins solos est une bonne évolution dans le cadre du New Deal visant à réformer la profession... On ne peut plus se permettre qu'un médecin généraliste soit seul responsable de la prise en charge totale de tous les patients. " Une gifle aux médecins plus âgés qui ont très consciencieusement soigné leurs patients tout seuls pendant des décennies... Nonobstant des passages en force, certaines mesures récentes, sous l'apanage de rendre plus accessible le système aux patients précaires, sont en réalité des mauvaises bonnes solutions. C'est le cas, à partir de ce 1er octobre 2023, des consultations médicales gratuites pour les enfants et les jeunes adultes jusqu'à 24 ans inclus et bénéficiaires d'une intervention majorée (BIM) (à condition d'avoir un dossier médical global en bonne et due forme). Comme l'a rappelé le Dr Pierre-Louis Deudon (GBO - lire notre dernière édition), ce public ne paie déjà qu'un euro la consultation et, dans bien des cas, les MG font du pro deo pour les patients qui n'ont pas même cette somme en poche. Le MG du GBO plaide plutôt pour une vraie approche de prévention. Le manque de concertation semble souvent la marque de fabrique du trop pressé ministre socialiste. Exemple: la certes excellente idée de mettre à disposition des médecins traitants des assistants de pratique dont la formation débutera en 2024 et qui pourraient à terme devenir praticiens de l'art infirmier. N'aurait-il pas fallu d'abord consulter le secteur infirmier confronté à ses propres pénuries? Celui-ci a réagi promptement, se plaignant de n'avoir pas été consulté. " Le ministre Vandenbroucke méconnaît une fois de plus le rôle infirmier ", ont réagi, le 11 septembre, l'Association belge des praticiens de l'art infirmier (ACN) et la Fédération nationale des infirmières de Belgique (FNIB). " Par ses propos, le ministre Vandenbroucke donne de faux espoirs aux personnes qui envisageraient un parcours professionnel d'assistant de pratique menant rapidement à une fonction d'infirmier. Il démontre une méconnaissance des réalités de la profession infirmière et est insultant envers ses membres. " Les deux associations s'opposent " avec force à tout accès rapide à la profession ": " Les compétences techniques mais également scientifiques, éthiques et relationnelles inhérentes au métier d'infirmière et d'infirmier " ne s'apprennent pas en un jour. On peut par ailleurs se demander comment le ministre finance à long terme l'avalanche de mesures qu'il a fait voter récemment ou décidé par arrêté royal, notamment les sept millions dévolus à l'amélioration de la santé bucco-dentaire chez les jeunes qui obtiennent la gratuité de la visite chez le dentiste jusqu'à 19 ans. Mesure préventive louable mais cumulative sur les budgets qui suivront (et qui survivront au ministre). On pense également à la suppression du ticket modérateur sur les consultations supplémentaires autorisées chez le diététicien pour les jeunes patients obèses. Excellente idée d'un point de vue médical, mais on souhaite bonne chance aux actuaires de l'Inami lorsqu'il s'agira de contrôler le budget 2025. Toutes ces initiatives grèveront forcément de nouvelles mesures tout aussi utiles à l'avenir. Loin de nous l'idée de nier que le volontarisme du ministre a du bon et que certaines de ses mesures améliorent grandement la santé publique dans notre pays, comme par exemple le fait de mieux rembourser la présence des médecins spécialistes en maison de repos pour les patients souffrant de démence. Mais, fidèle à son tempérament fougueux et emprunt d'une approche collectiviste de la santé, Frank Vandenbroucke est trop souvent impatient, voire un peu caractériel. Pressé, le ministre semble mal sentir l'écurie: les élections législatives de juin prochain, les affaires courantes dès janvier et la possibilité de ne pas rempiler comme ministre de la Santé au fédéral, dans une coalition différente de la Vivaldi. Marquer l'histoire est désormais sa priorité...