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En février 2020, un sondage de la Kaiser Family Foundation (KFF) auprès des électeurs américains pointait la santé comme étant prioritaire sur l'économie, avec un désir de voir le coût des soins de santé baisser. Depuis, deux événements ont chamboulé l'agenda politique: la pandémie de Covid-19 et le mouvement Black Lives Matter. En septembre 2020, le même sondage révèle que la santé n'est plus la priorité des électeurs. L'économie est la préoccupation majeure suivie par la gestion de la pandémie, et la gestion de la criminalité. La fermeture des commerces et la recrudescence des violences policières ont donc joué un rôle majeur dans la tête des électeurs américains. Si les priorités des électeurs ont changé, il n'en reste pas moins que la santé reste une question importante aux États-Unis. Les deux candidats avaient des prétentions bien différentes en la matière. La remise en question de la loi sur les soins de santé abordables (l'Obamacare: le Patient Protection and Affordable Care Act ou ACA) promulguée par Barack Obama en 2010 - avec Joe Biden comme vice-président - était par exemple un des chevaux de bataille du président Trump lors de son mandat. Pour rappel, il s'agit d'une assurance santé "universelle" qui laisse tout de même 8,5% des Américains sans couverture actuellement. Trump conteste la constitutionnalité de la loi. Et la Cour Suprême pourrait lui donner raison puisqu'elle s'est réunie, ce 10 novembre, pour se pencher sur la question. Si le risque d'annulation de l'ACA est réel en raison de la forte majorité républicaine à la Cour (six juges sur neuf, avec l'arrivée récente d'Amy Coney Barrett, en faveur de l'abrogation de la loi), la pandémie de Covid-19 tout comme l'absence d'un programme d'assurance maladie alternatif proposé par les Républicains jouent contre ce type de décision. Le risque persiste évidemment pour les 8,5% d'Américains sans couverture maladie et les quelques 25 millions d'habitants qui accèdent au système de soins via l'ACA de se retrouver sans couverture santé. Joe Biden, de son côté, tient à l'ACA. Sa volonté est de "protéger la loi de ces attaques continues". Le Démocrate souhaite aller plus loin et améliorer le système de santé hybride mêlant public et privé, mais s'éloigne de ce que la gauche américaine, incarnée par Bernie Sanders, proposait: un système de couverture universelle à l'européenne. L'objectif est néanmoins d'assurer 97% des Américains en leur donnant un nouveau choix, une option d'assurance maladie publique à l'instar de Medicare, le système d'assurance santé géré par le gouvernement fédéral au bénéfice des personnes de plus de 65 ans (plafond que Biden veut d'ailleurs descendre à 60 ans). Comme dans Medicare, cette "option publique" permettra de réduire les coûts pour les patients en négociant des prix plus bas auprès des hôpitaux et d'autres prestataires de soins de santé. Elle couvrira les soins primaires sans aucune quote-part. La volonté de Biden est également de réduire les primes d'assurances et d'augmenter les aides financières pour plus d'accessibilité aux assurances maladie. Le Démocrate souhaite également, via cette "option publique", contourner la politique des États qui refuse de reprendre l'élargissement de l'éligibilité à Medicaid, programme qui fournit une assurance maladie aux faibles revenus. Cela concerne près de cinq millions d'Américains dans 14 États. Si l'on pouvait résumer la situation assurantielle, Trump promeut un marché privé et donne le contrôle aux États, tandis que Biden veut élargir l'éligibilité aux deux programmes (Medicare et Medicaid) et propose une troisième "option publique", concurrentielle des assurances privées. Autre point de désaccord fondamental entre les deux hommes: la gestion de la pandémie qui a fait plus de 235.000 morts dans le pays. Les débats présidentiels n'ont pas délivré de grandes vérités. Biden a attaqué Trump sur sa gestion de la pandémie, qui a, quant à lui, assuré que son équipe avait fait "un travail remarquable" et "que les vaccins et les traitements arrivent". Joe Biden a néanmoins souvent fait remarquer qu'il "écouterait la science" pour gérer la pandémie, contrastant avec Donald Trump, qui a contredit à plusieurs reprises ses principaux responsables de la santé, le célèbre immunologue Anthony Fauci en tête. Les propositions de Biden soulignent le rôle du gouvernement fédéral à la tête de la réponse, tandis que Trump a beaucoup délégué aux États, dans une idée de la politique décidément plus libertarienne, avec un effacement du rôle du gouvernement fédéral. Sa position quant à un programme de secours Covid a été changeante au cours de la pandémie. On en est aujourd'hui au point mort. Côté démocrate, Joe Biden et Kamala Harris présentent un plan en sept points. Celui-ci comprend "des tests réguliers, fiables et gratuits" pour tous les citoyens et une "distribution efficace et équitable des traitements et des vaccins" lorsqu'ils seront disponibles. Le futur locataire de la Maison Blanche entend également travailler avec les gouverneurs et maires du pays pour imposer le port du masque à l'échelle nationale. C'est le domaine où les candidats sont le plus étroitement alignés. Les deux veulent mettre fin à la facturation surprise et faire baisser les prix des médicaments sous ordonnance, et ils s'entendent même sur certaines idées pour y parvenir. Trump a fait pression sur le Congrès pour qu'il traite la facturation surprise, et les législateurs se sont rapprochés en décembre mais n'ont finalement pas réussi à s'entendre sur la législation. Le président a utilisé son pouvoir exécutif pour essayer de faire baisser les prix des médicaments. Il a également fait de grands pas en matière de transparence des prix. Joe Biden propose quant à lui de limiter les prix de lancement pour les médicaments qui ne font face à aucune concurrence et dont les prix sont abusifs, via un comité d'examen indépendant pour évaluer leur valeur. Il désire également mettre fin à l'allégement fiscal des sociétés pharmaceutiques pour les dépenses publicitaires. L'accès aux soins doit être revu, estime Biden, qui souhaite déconstruire ce qu'a réalisé l'administration Trump. Il s'agit surtout d'élargir l'accès à la contraception, de protéger le droit constitutionnel à l'avortement et de rétablir le financement fédéral pour la planification familiale. Sur un plan international enfin, Joe Biden entend annuler la politique de Mexico. Cette règle empêche actuellement le gouvernement fédéral américain de soutenir d'importants efforts mondiaux de santé - y compris pour le paludisme et le VIH / sida - dans les pays en développement simplement parce que les organisations qui fournissent cette aide offrent également des informations sur les services d'avortement.