...

Et il est vrai que si certains écrits de la philosophe mystique se révèlent plutôt choquants vis-à-vis de sa communauté d'origine, le dossier à décharge qu'introduit en défenseur Robert Chenavier se révèle convaincant et surtout très étayé et documenté par ce très fin connaisseur de l'oeuvre, ce qui ne l'empêche pas à certains moments de fustiger la maladresse voire l'aspect provocateur de certains écrits, souvent privés ou pas destinés à la publication de l'auteur de La condition ouvrière. Le docteur en Philosophie reprend ici les accusations portées par des penseurs et philosophes de la communauté comme Léon Poliakov et George Steiner pour ne citer que les plus connus. Et ce qui frappe en effet ce sont les accusations (habituelles pour les Juifs qui renoncent à leur appartenance) de haine de soi puisque Simone Weil ne se "sentait" pas juive, de trahison puisqu'elle adhère sans se convertir vraiment au christianisme, religion d'où est parti le premier antisémitisme. Cette grande philosophe qui mettait ses théories en actes (ce qui n'est pas toujours le cas), prenait le parti des plus pauvres et surtout des colonisés (comme Hannah Arendt elle n'avait rien contre l'installation d'un foyer juif en Palestine mais pas un État, ce qui à ses yeux n'aurait été qu'une autre colonisation occidentale), parce que femme refoulant sa féminité (on connaît leur importance dans la transmission chez les Juifs), se voit traitée évidement d'hystérique, atteinte de fragilité mentale ce qui la décrédibilisait elle et par ricochet son discours. Et plus encore, en prônant l'assimilation - ces écrits tardifs (elle décédera peu de temps après) datent du milieu de la guerre - elle paraît ignorante de la solution finale en cours, qui, pour se faire lit-on, " dans des cas extrêmes peut inclure des mesures de coercition non violentes"... certes mais qui sont choquantes, elle menace la communauté juive, non pas d'extermination bien entendu, mais de disparition. Or, comment être encore, lorsque l'on n'est plus?