...

Depuis mars 2020, l'infectiologue Jean Gérain a bien les mains dans le "cambouis". Heureusement, les trajets entre l'hôpital et son domicile se font dans "sa pantoufle", image qu'il utilise pour symboliser le confort ressenti dès qu'il s'assied dans sa vieille MG. Comment sa passion pour ces anciennes voitures est-elle née? " C'est un peu comme la "Madeleine de Proust". J'avais quatre ans et je me souviens de tout comme si c'était hier. Je me suis retrouvé assis sur les genoux d'un monsieur, en l'occurrence le mari de ma marraine, au volant de sa Jaguar. J'ai mémorisé cet instant. Je me souviens même du trajet effectué. C'était une Jaguar MK2 de couleur grise métallisée, intérieur en cuir rouge. J'étais si impressionné et totalement conquis par tout ce que je voyais autour de moi, le tableau de bord, le changement de vitesse,... J'ai encore l'impression de sentir l'odeur du cuir. Ce jour-là je me suis dit: à 18 ans, j'aurai une voiture anglaise".Issu d'une famille de quatre enfants, Jean Gérain grandit à Laeken. Jeune adolescent, le souvenir de son escapade en Jaguar le poussa à aller se balader à la découverte de vieilles voitures anglaises qu'il prenait plaisir à photographier. Son père, médecin généraliste de quartier, avait pour philosophie de toujours rester humble et discret quoi qu'on fasse dans la vie. On imagine sa réaction lorsque son fils lui exprima son souhait d'acquérir une voiture ancienne décapotable alors qu'il n'avait pas encore passé son permis. Ce n'était vraiment pas pensable. Déception, tristesse ou frustration, quoi qu'il en soit, notre interlocuteur a poursuivi son chemin. Après avoir rassemblé suffisamment d'économies en travaillant comme étudiant, il a pu réaliser son rêve et acquérir sa première voiture ancienne, une Triumph Spitfire décapotable. Bien entendu, il a fallu la cacher. Il trouva vite un emplacement près de chez lui et avec son grand frère, son complice, ils allaient régulièrement la voir en cachette et prenaient beaucoup de plaisir à la bichonner. Une fois son permis en poche, Jean Gérain mit sa Triumph devant la maison et très fier la présenta à son père. Ce dernier était mis devant le fait accompli. Heureusement, à peu près au même moment, il apprit que son fils allait entamer des études de médecine. Une aubaine: la reprise du cabinet médical familial était assurée. Deux ans plus tard, Jean Gérain remplaça sa Triumph Spitfire par une MGB décapotable, qui depuis est devenue sa complice inséparable. Enfin, un peu comme pour matérialiser son rêve d'enfant, 25 ans plus tard, il acquit une Jaguar MK2 qui de temps à autres l'emmène le week-end à l'hôpital. Un peu comme pour les voitures anciennes, Jean Gérain avait déjà décidé, dès l'âge de 12, 13 ans, de devenir médecin. Peut-être ce choix lui avait-il été inspiré par son père, mais il n'avait pas du tout l'intention de devenir médecin généraliste et de reprendre son cabinet. Dès la deuxième année de médecine, il s'est intéressé aux maladies infectieuses. Certains professeurs, dont le Pr Eugène Yourassowsky, professeur de microbiologie et de maladies infectieuses l'ont fortement impressionné. C'est probablement l'admiration vouée à ces hommes hors du commun qui l'a amené vers la profession qu'il exerce aujourd'hui. Il a donc suivi un peu les traces de son père, mais pas tout à fait. Aujourd'hui, bien des années plus tard, toujours au four et au moulin, dans une activité professionnelle intense, au coeur de l'actualité, le Dr Gérain savoure ses trajets dans "sa pantoufle", son havre de paix, sa bulle de ressourcement. Sa vieille MG qui l'accompagne depuis 42 ans est sa complice, elle lui procure un sentiment de stabilité, de fidélité et de constance dans un monde en continuelle mouvance, où tout va trop vite. L'infectiologue aime savourer le plaisir de conduire, être attentif, tenir le volant, changer les vitesses correctement, entendre les pneus, regarder, sentir, écouter... Ne pas rouler vite tout en éprouvant un réel sentiment de vitesse et d'évasion... "C e qui me détend, c'est qu'il n'y a pas de radio, pas de musique. J'écoute le bruit du moteur et je réfléchis, je me laisse aller, ce qu'on ne fait plus jamais. Je laisse mon esprit voguer. Je suis en dehors de la réalité. Je ne suis pas dans un moyen de transport, je suis dans une bulle, dans ma bulle, avec un sentiment de nostalgie qui me berce. J'aime entretenir mon souvenir d'enfant, le vivre à travers le temps. Être à la fois dans le passé, le présent et l'avenir... j'aime retrouver l'odeur de l'ancien et à nouveau ressentir tout ce que j'avais ressenti lorsque j'avais quatre ans."Jean Gérain, médecin infectiologue et chef de département de médecine interne, qui a géré la crise sanitaire en courant au front dès qu'on l'appelait, aime tout simplement s'asseoir, réfléchir et prendre le temps. Il a transmis sa passion à son fils cadet, qui est sur ses traces. Sans permis, il demande déjà de conduire la fameuse MG. La passion s'est transmise naturellement. L'histoire continue, n'est-ce pas merveilleux de poursuivre son chemin tranquillement, installé confortablement et d'éviter ainsi toutes les turbulences de la route, de la vie? "Je vous souhaite de trouver ce qui vous procurera ce plaisir et que vous puissiez le savourer au jour le jour!", nous confie le Dr Gérain.