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Le Pr Raftopoulos suit sa première année scolaire en Afrique. Son enseignante, allemande, parle très bien le français. C'est elle qui va le structurer dès sa plus tendre enfance. À l'âge de 12 ans, le jeune garçon affronte la mort avec le départ précipité de son père. Il est élevé par sa mère et son beau-père, tous deux très aimants. Autant sa maman lui insuffle la rigueur et la discipline, autant son beau-père lui donne l'exemple d'un travailleur qui aime profiter de la vie. Ce doux mélange fait du futur neurochirurgien un homme à la fois pointilleux et exigeant que sensible et généreux. Soucieux d'être parmi les meilleurs, l'adolescent choisit la section latin-maths: à l'époque, cette option semble réservée aux plus malins destinés à devenir ingénieurs. Ce choix paraît cohérent pour quelqu'un qui éprouve le besoin inné de tout comprendre. Mais comment passe-t-il d'ingénieur à neurochirurgien? "À l'issue de mes études secondaires, je n'étais pas du tout tenté par la médecine, ni par des études d'ingénieur. Je pensais plutôt devenir pianiste, ou encore philosophe. Mes parents, quelque peu inquiets, ont alors fait appel à un cousin médecin qui m'a emmené visiter un hôpital et voir une intervention. Lorsque j'ai découvert qu'on opérait dans la boîte crânienne, j'ai eu un véritable coup de foudre. Je me suis dit: 'c'est ce que je veux faire'. J'avais trouvé ma voie", confie le neurochirurgien, dont la renommée aujourd'hui n'est plus à démontrer. Il entame ses études de médecine à l'Université de Liège, avec l'unique but de devenir neurochirurgien. En cours de route il a quelques hésitations, comme celle de se spécialiser en psychiatrie, matière dans laquelle il excelle. Perfectionniste dans l'âme, durant ses études, l'universitaire se consacre également à de la recherche en neuro-anatomie. À la fin de sa spécialisation, le chef de service le recommande au Pr Brotchi qui, à l'époque, se lance dans la création d'un service de neurochirurgie à l'Hôpital universitaire Erasme, à Bruxelles. "La vie est un concours de circonstances extraordinaires. Le chemin que l'on prend se joue à peu de choses, finalement. J'ai vécu 13 années de bonheur à Erasme. J'avais d'excellentes relations avec mes confrères. Ensuite, j'ai eu l'opportunité d'occuper la fonction de chef de service aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Je me suis retrouvé face à de nouveaux défis que j'ai réussi à relever au fil du temps car, comme on le sait, Rome ne s'est pas faite en un jour", explique le Pr Raftopoulos.Ingénieur, pianiste, philosophe, neurochirurgien, il existe un lien entre ces orientations: le cerveau. Le cerveau commande nos gestes, gère nos émotions, nous permet d'analyser et de comprendre les choses. Il pilote notre façon d'être, de penser et de vivre. L'ingénieur analyse, le philosophe cherche les réponses aux questions fondamentales, le pianiste est guidé par ses émotions, le neurochirurgien diagnostique, explore et répare les failles de ce noble organe. Lors d'une tournée politique, le neurochirurgien a eu un nouveau déclic. Il se dit: "C'est fou, je suis dans mon pays, ce pays que j'aime, et la moitié des gens parle une langue que je ne comprends pas". Dès ce moment, Christian Raftopoulos se met à étudier le néerlandais. Il souhaite à tout prix comprendre ses compatriotes, quels qu'ils soient. Apprendre le néerlandais, c'est une chose, étudier l'électricité c'en est une autre. "Un jour, je fais appel à un électricien et je constate que je ne comprends pas trop ce qu'il m'explique. La seule solution pour y arriver est de suivre une formation en électricité, me suis-je dit." Nouveau défi: suivre des cours, en néerlandais bien sûr, en vue d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle en électricité. Rien de trop compliqué pour quelqu'un qui a éternellement soif d'apprendre! Derrière le métier de neurochirurgien se cachent aussi d'autres passions. Pour n'en citer que deux: la musique et la voile. La musique emplit la vie du Pr Raftopoulos depuis sa jeunesse. "Au décès de mon père, j'ai reçu toute sa collection de disques. Je les écoutais en boucle dans ma chambre. Le premier morceau qui m'a profondément ému était un concerto de Mozart. Depuis, je n'ai cessé d'écouter de la musique classique. J'étudiais même en musique. Un jour, j'ai assisté à un concerto de Ravel à la main gauche. J'étais très impressionné par la vitesse avec laquelle cette main circulait sur le clavier. Quelle virtuosité! Est-ce cela qui m'a tenté un moment de devenir pianiste? Peut-être", confie le mélomane. Et la voile? Christian Raftopoulos a toujours aimé la mer. "Lors de mes vacances, j'aimais voguer sur une planche à voile ou sur un surf. Lorsque des amis m'ont proposé de me joindre à eux sur leur bateau, j'ai découvert la voile. J'ai immédiatement trouvé cela extraordinaire. La propreté, le silence, l'absence d'odeur et de bruit de moteur. Être autonome, responsable de soi-même, devenir capitaine de son bateau. La nécessité de connaître les courants, la météorologie, la mécanique du moteur, le positionnement des voiles, les vents, c'est passionnant", révèle l'homme aux multiples facettes, qui va suivre les cours (en néerlandais, à nouveau ) nécessaires de 'yachtmaster'. Depuis, en vue de devenir un jour le capitaine de son propre voilier, le neurochirurgien ne cesse de lire des livres sur les techniques de navigation. Il doit se sentir apte à naviguer en toute sécurité avant de se lancer en mer. Ce grand médecin conclut en disant: "Comprendre un maximum de choses sans oublier d'écouter son coeur et de suivre son instinct. La sensibilité et l'intelligence du coeur sont essentielles. Si je devais prodiguer un conseil à un jeune, je dirais: se connaître, essayer de se connaître le mieux possible, chercher son talent, voir là où on est le plus fort et sinon, tomber amoureux. Ensuite, ce que l'on choisit de faire, peu importe quoi, il faut le faire à fond, avec passion, sinon il vaut mieux passer à autre chose".