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La stéatohépatite non alcoolique ( nonalcoholic steatohepatitis ou Nash) est une maladie qui appartient au spectre plus large de la stéatose hépatique non alcoolique ( non-alcoholic fatty liver disease ou Nafld). La caractéristique centrale de la Nafld est une accumulation de graisse dans le foie ou stéatose, alimentée par des facteurs de risque majeurs comme l'obésité et le diabète. La Nash en est une forme grave qui provoque une inflammation et endommage les cellules hépatiques, avec ou sans fibrose à la clé. Dans la foulée de l'évolution épidémiologique de l'obésité et du diabète, la Nafld gagne de plus en plus de terrain et touche aujourd'hui un individu sur quatre dans la population générale. La Nash, elle, en concerne 2,5 à 5%. " Une réduction de la masse adipeuse débouche sur un meilleur contrôle métabolique et donc sur une amélioration de l'état du foie", explique le Pr Sven Francque (chef du service de gastroentérologie et hépatologie de l'UZA). " Malheureusement, nombre de patients peinent à adopter un mode de vie plus sain dans la durée et à obtenir ainsi une perte de poids. Des traitements pharmacologiques efficaces sont donc plus que bienvenus." " La recherche de traitements médicamenteux contre la Nash se focalise beaucoup sur la lutte contre la fibrose, parce que c'est ce facteur qui est à l'origine de la cirrhose et des complications", poursuit le spécialiste . "Jusqu'ici, la quête d'antifibrotiques purs n'a toutefois rencontré qu'un succès mitigé... et ce n'est pas illogique, puisque le moteur qui alimente le processus délétère n'est pas la fibrose mais l'inflammation et l'endommagement des hépatocytes - bref, la stéatohépatite. C'est pour cela que nous cherchons aujourd'hui à développer une molécule qui cible en premier lieu la stéatohépatite, mais qui agisse idéalement aussi directement sur la fibrose. Il existe en effet déjà quelques médicaments pour freiner la stéatohépatite, mais qui devront probablement être administrés de façon prolongée pour obtenir un effet observable sur la fibrose. Or l'idéal serait évidemment de pouvoir non seulement inhiber l'évolution de la stéatohépatite et de la fibrose, mais l'inverser jusqu'à disparition complète." Les récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes ( peroxisome proliferator-activated receptors ou Ppar) constituent une cible potentielle dans le cadre du traitement de la Nash. Il s'agit de récepteurs nucléaires qui jouent un rôle important dans le métabolisme (lipides, glycémie), l'inflammation et l'apparition d'une fibrose. " Cela fait déjà une quinzaine d'années que nous nous intéressons dans nos recherches aux agonistes Ppar, mais il s'agissait toujours jusqu'ici de molécules n'agissant que sur un ou deux isotypes de ces récepteurs qui permettaient d'améliorer la stéatohépatite, mais pas la fibrose", explique Sven Francque . "Ce qui fait du lanifibranor un médicament unique, c'est qu'il agit cette fois sur trois isotypes (alpha, delta et gamma)." " L'isotype alpha se retrouve principalement dans les hépatocytes (mais aussi dans les myocytes), tandis que l'isotype gamma est majoritaire dans le tissu adipeux extrahépatique et en particulier dans la graisse viscérale et l'isotype delta, dans les macrophages. Notre hypothèse - confirmée par des expériences réalisées chez l'animal - était donc que nous obtiendrions des effets à la fois hépatiques et extrahépatiques, en particulier au niveau du tissu adipeux viscéral." " Si nous voulons que le traitement médicamenteux génère une plus-value conséquente, nous devons nous focaliser sur les patients qui présentent un processus de détérioration actif", explique Sven Francque à propos de la méthodologie de son étude. "Mieux vaut donc ne pas les sélectionner sur la base du degré de stéatose, qui n'est pas vraiment un bon marqueur des dommages hépatiques actuels ou futurs (ni, par conséquent, de l'activité de la maladie). L'importance de la fibrose existante non plus n'intervient pas dans cet aspect. À l'inclusion, nous avons donc choisi de nous concentrer sur des critères plus représentatifs, à savoir l'hyperplasie hépatocytaire et la présence de cellules inflammatoires. La stéatose était certes un élément pertinent pour le diagnostic de la Nash... mais une fois celui-ci posé, le patient n'était inclus qu'à condition d'obtenir un score ? 3 à une échelle basée uniquement sur l'hyperplasie hépatocytaire et l'inflammation (score SAF-A, échelle de 0 à 4). Jusqu'ici, la stéatose figurait systématiquement parmi les critères d'inclusion des autres études." Quelque 250 patients répondant aux critères d'inclusion ont été randomisés en trois groupes et traités durant 24 semaines. Les deux premiers groupes recevaient du lanifibranor à raison de 1.200 mg et 800 mg respectivement et le troisième, un placebo. La réussite du traitement était définie par une amélioration du score SAF-A d'au moins deux points (critère d'évaluation primaire). " C'est un critère passablement strict, sachant qu'on parle ici d'une échelle de 0 à 4", observe le Pr Francque. Il a pourtant été atteint dans le cadre de cette étude, à tout le moins chez les patients qui recevaient la dose de 1.200 mg. En outre, le lanifibranor semblait également agir sur la fibrose, comme les auteurs ont pu le démontrer par le biais du critère d'évaluation secondaire combiné "résolution de la stéatohépatite et régression de la fibrose de l'ordre d'au moins un stade". " Ces résultats font du lanifibranor le seul traitement étudié jusqu'ici à induire un effet bénéfique aussi bien sur la stéatohépatite que sur la fibrose, et ce en l'espace de six mois à peine", conclut l'hépatologue anversois . "Nous pensons que cette action duale et rapide est due à son effet très large sur les différents isotypes Ppar, qui lui permet d'agir sur le métabolisme et l'inflammation mais aussi directement sur la fibrose. Nous avons également constaté une augmentation des taux sanguins d'adiponectine, qui reflète une amélioration de la fonction du tissu adipeux viscéral." Entre-temps, des essais de phase 3 ont été débutés avec les premiers patients américains. Plusieurs études européennes devraient suivre ce printemps, chaque fois avec administration plus prolongée des deux dosages. " Ces études de phase 3 utiliseront un critère d'évaluation primaire combiné recouvrant la diminution de l'activité de la maladie et la régression de la fibrose - le critère d'évaluation le plus ambitieux que l'on puisse imaginer pour un traitement contre la Nash", précise Sven Francque. " Dans notre essai de phase 2b, nous l'étions un peu moins, puisque nous avons retenu comme critère d'évaluation primaire une réduction de l'activité de la maladie sans augmentation de la fibrose. Il faut dire que nous examinions une durée du traitement assez courte. Il était important que le critère d'évaluation primaire soit atteint, afin que nous disposions d'arguments solides pour justifier le lancement des études de phase 3." L'arrivée du lanifibranor sur le marché pourrait motiver la première ligne à dépister activement la Nafld et la Nash afin de permettre à l'hépatologue de soulager " les millions de foies qui souffrent aujourd'hui en silence."(1)