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La résistance croissante de micro-organismes aux antibiotiques est considérée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme l'un des grands défis sanitaires du 21e siècle. De son côté, Médecins sans frontières (MSF) s'est engagé depuis plusieurs années dans la lutte contre cette antibiorésistance. Une des solutions passe par un meilleur diagnostic d'antibiorésistance, ce qui permettrait d'utiliser les antibiotiques à bon escient. À l'heure actuelle, dans les pays développés, la résistance aux antibiotiques est détectée grâce à des automates qui lisent et interprètent les antibiogrammes, une technique visant à tester la sensibilité d'une souche bactérienne vis-à-vis d'un ou de plusieurs antibiotiques. En pratique, des microbiologistes mettent en culture les bactéries du patient à traiter dans un milieu nutritif sur lequel ils déposent les gouttes de différents antibiotiques. Ces derniers diffusent et tuent ou non les bactéries alentour. Lorsque la bactérie est sensible à l'antibiotique, elle disparaît dans une zone d'inhibition. C'est à partir de la mesure du diamètre dans ces zones d'inhibition qu'est définie l'antibiorésistance. Les laboratoires de microbiologie médicale peuvent alors proposer un résultat au clinicien afin qu'il choisisse les molécules adaptées, à la fois efficaces pour le traitement du patient et évitant le développement de bactéries résistantes. Dans les pays en voie de développement ou dont les équipements sanitaires sont limités, les conditions de réalisation des antibiogrammes sont compliquées. Le matériel est très coûteux et nécessite une certaine expertise dont sont privés ces pays. D'où l'idée des chercheurs français de créer une application mobile à base d'intelligence artificielle (IA), gratuite et facile d'utilisation permettant de traiter efficacement l'image d'un antibiogramme sur un smartphone, sans avoir recours aux coûteux lecteurs-incubateurs. L'application dont le code a été publié en open source fonctionne sur Android et sans connexion internet, point essentiel pour une utilisation dans des pays à faibles ressources. Elle prend des photos de l'antibiogramme avec l'appareil photo du téléphone, et guide l'utilisateur durant l'analyse. Combinant des algorithmes originaux obtenus en utilisant le machine learning et le traitement d'images, elle reconnaît les noms des antibiotiques testés (par exemple CFR30) et mesure leurs zones d'inhibition. En les comparant aux valeurs limites de résistance, elle en déduit automatiquement si un antibiotique est résistant ou sensible. Extrêmement performant, ce système expert a été mis à disposition par la société i2a qui annonce une procédure de mesure entièrement automatisée avec un très haut niveau de fiabilité de 98%, comparé à celui de la mesure manuelle aujourd'hui la plus sûre. Actuellement, l'application est testée dans les laboratoires de trois pays. Si les tests sur le terrain s'avèrent concluants, elle sera utilisable gratuitement partout dans le monde par les personnels de santé après sa validation clinique et l'obtention de la certification CE.