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"I l est exceptionnel, de nos jours, de faire une découverte aussi fondamentale sur un sujet qui a autant été étudié dans le passé", se réjouit Guido Bommer, maître de recherche FNRS, investigateur Welbio, et professeur à l'Institut de Duve de l'UCLouvain. C'est que les travaux de son équipe mettent en évidence le rôle de l'enzyme PARK7 dans la prévention des dégâts causés aux cellules lors de la glycolyse et qui est inactive chez certains patients atteints de la maladie de Parkinson. Pour ces chercheurs, leur découverte lève un coin du voile sur la pathogenèse de cette affection. L'étude, réalisée avec le soutien financier de Welbio et du Conseil européen de la recherche (ERC), vient d'être publiée dans le journal Pnas (Proceedings of the National Academy of Sciences). Comment et pourquoi se développe la maladie de Parkinson? " De nombreuses inconnues subsistent mais on sait que la perte de neurones dopaminergiques de la substance noire joue un rôle clé et que la formation d'agrégats insolubles de la protéine a -synucléine (corps de Lewy) semble contribuer à sa progression", rappellent les auteurs de l'article. La plupart des cas de maladie de Parkinson surviennent à un âge avancé, un facteur de risque majeur pour les maladies neurodégénératives en général. Les cellules sont continuellement exposées à des composés réactifs qui peuvent y provoquer des dégâts soupçonnés de contribuer au vieillissement et aux maladies liées à l'âge. " Des cas héréditaires rares montrent que l'incapacité à éliminer les mitochondries endommagées peut jouer un rôle important dans le développement de la maladie de Parkinson et que les neurones affectés sont particulièrement sensibles au stress oxydatif et aux toxines. Les espèces réactives de l'oxygène sont une cause majeure de dommages cellulaires. On commence seulement à comprendre les voies qui préviennent ou réparent ce type de dégâts", précisent ces chercheurs. Leurs travaux ont donc mis en lumière le rôle de l'enzyme PARK7 dans la prévention des dommages causés par un métabolite extrêmement réactif de la glycolyse, le 1,3-bisphosphoglycérate (1,3-BPG). Il endommage des protéines et des métabolites et n'avait jamais été décrit dans la littérature jusqu'à présent. Or, ajoutent-ils, " des mutations inhibant PARK7 entraînent la maladie de Parkinson autosomique récessive, une maladie à début précoce qui progresse lentement et s'accompagne de la formation de corps de Lewy. De manière surprenante, PARK7 joue également un rôle dans le cancer et dans un large éventail de fonctions cellulaires dont la protection contre les espèces réactives de l'oxygène, le maintien de la fonction mitochondriale et l'activité des chaperons." La découverte que PARK7 détruit ce métabolite réactif à courte durée de vie pourrait stimuler la recherche d'autres enzymes inactivant d'autres métabolites réactifs à courte durée de vie et protégeant dès lors contre le développement de maladies dégénératives. De plus, l'équipe du Pr Guido Bommer a démontré que toutes nos cellules et presque tous les êtres vivants possèdent une telle enzyme PARK7 aux vertus protectrices. En effet, grâce à une combinaison d'approches biochimiques, génétiques et analytiques, elle a observé ce rôle préventif de PARK7 dans des lignées cellulaires humaines, dans le cerveau de souris et chez des drosophiles. " L'inactivation de l'enzyme PARK7 dans des modèles allant de la mouche aux cellules humaines, conduit à l'accumulation d'un large éventail de métabolites et de protéines endommagées. Notre travail démontre que la fonction de PARK7 représente une stratégie hautement conservée pour prévenir les dommages dans les cellules qui métabolisent les hydrates de carbone. Cependant, plus de 2.000 articles ont été publiés sur PARK7, il est donc légitime de se demander si la fonction que nous avons mise en évidence est la principale ou s'il s'agit simplement d'une fonction de plus de cette enzyme...", s'interrogent les auteurs. Pour eux, ces nouvelles données offrent une explication mécanistique sur la façon dont la déficience en PARK7 provoque la maladie de Parkinson. Sachant que cette enzyme est facilement inactivée par un stress oxydatif susceptible d'être déclenché pour de multiples raisons, les mêmes dégâts pourraient aussi jouer un rôle chez les patients dont le gène de PARK7 est intact. " Par ailleurs, même chez les patients déficients en PARK7, la maladie met des décennies à se développer, ce qui suggère que l'agrégation des protéines reste inefficace, peut-être parce que la plupart des protéines endommagées sont dégradées", soulignent-ils. Selon l'équipe de Guido Bommer, PARK7 pourrait être inactivée de façon intermittente, même chez les individus ne présentant pas de mutations dans cette protéine, induisant la formation de métabolites et de protéines modifiées, qui peuvent s'accumuler. Il faudra étudier dans quelle mesure ce phénomène contribue à la pathogenèse de la maladie de Parkinson non héréditaire. Enfin, ces chercheurs espèrent qu'une compréhension plus fine des mécanismes à l'origine de la maladie de Parkinson donne naissance à de nouveaux traitements ciblant les causes de cette pathologie plutôt que ses symptômes: " Nos travaux suggèrent que les interventions diététiques ou pharmacologiques visant à réduire les niveaux cellulaires de 1,3-BPG devraient être explorées en tant que futures approches thérapeutiques ou préventives".