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"L a création des réseaux de centres neuro-vasculaires hospitaliers ("stroke units") est la garantie d'une prise en charge efficace et compétente des AVC. Mais il est indispensable que cette centralisation hospitalière s'accompagne d'une sensibilisation de tous sur le terrain afin de permettre leur détection la plus précoce et leur prise en charge la plus rapide, parce que 'time is brain'", a expliqué le neurologue Gianni Franco, lors d'un webinaire donné le 17 mars dans le cadre de la Semaine internationale du cerveau. (1)C'est pourquoi, depuis 2006, l'asbl EPLC (Ensemble pour le cerveau) participe à la sensibilisation et à la formation continue pour la prévention et la détection précoce des signes des maladies du cerveau et de leurs complications. à l'instar du cerveau constitué de réseaux de neurones, elle entend créer un réseau de "sentinelles compétentes" constitué par les médecins généralistes et spécialistes, les infirmières, kinés, pharmaciens, logopèdes, psychologues, aides familiales... et les associations de patients. Pour que ce réseau soit le plus large possible, l'EPLC compte donc sur les professionnels de santé au sens large mais aussi sur le grand public. Chaque jour en Belgique, on dénombre 52 nouveaux AVC. Soit au moins 20.000 victimes chaque année, dont 9.000 décès. Dans un tiers des cas, le patient garde un handicap et 30% récidivent dans les cinq ans. Au cours du premier mois, la mortalité s'élève à 12-14% pour les AVC ischémiques et à 50% pour les AVC hémorragiques. " Dans la pratique, il faut identifier et agir", indique le Dr Franco . "L'évolution d'un AVC est non prévisible, il faut donc agir dès les premiers signes. 9-12% des AVC sont précédés par un AIT (accident ischémique transitoire), c'est un signe d'alerte pour le cerveau". Les "sentinelles compétentes" doivent être particulièrement attentives à l'installation brutale d'une perte de fonction du cerveau, au caractère focal du déficit neurologique et à l'intensité d'emblée maximale. " Si tous ces signes sont associés à des facteurs risque connus (HTA, diabète, hypercholestérolémie, antécédents vasculaires, tabagisme et ronflement intermittent), il y a risque d'AVC. Et on peut s'en occuper de façon plus spécifique, même par téléphone!", insiste le président de d'EPLC. Qu'on soit médecin généraliste, infirmier, kiné, logopède, pharmacien, il y a des questions simples à poser, continue-t-il: " La personne est-elle éveillée et peut-elle comprendre? Peut-elle étendre les bras vers le haut et les maintenir levés? Peut-elle répéter une phrase? Son sourire est-il symétrique? Peut-elle se lever? ... En tenant compte des facteurs de risques connus, on a des renseignements supplémentaires pour diriger rapidement la personne vers un service d'urgence." " On a des outils faciles et rapides à diffuser dans le public et qui peuvent nous aider à détecter un AVC", précise-t-il. "Par exemple, l'Act Fast (Face-Arms-Speech-Time) qui consiste à demander à la personne de sourire (asymétrie de la bouche? ), de soulever les deux bras (un bras tombe-t-il? ), de répéter une phrase connue (articule-t-elle convenablement? ), si la personne présente un de ces signes, il est temps d'aller aux urgences ." L'EPLC édite un dépliant expliquant clairement et simplement la marche à suivre (son site www.eplc.be est en construction). " La Belgique compte 309 hôpitaux dont un peu plus de la moitié dispose d'un service d'urgence, la moitié de la population réside à plus de huit minutes de l'un d'entre eux et plus de 6/10 sont à moins de dix minutes. Cependant, le plus souvent, les admissions pour AVC arrivent à l'hôpital après plusieurs heures !", note le Dr Franco. Depuis 2014, le territoire est quadrillé par les stroke unit: S1 (diagnostic et traitement, fibrinolyse) et S2 (permanence neurochirurgicale et neuroradiologie interventionnelle). " Partout dans le pays, il y a des détecteurs (médecins traitants et paramédicaux) qui envoient les patients aux centres S1. Mais, si le public tient ce rôle, on sera plus efficace, plus rapide. Pour autant qu'il s'agit bien de 'sentinelles compétentes', de personnes formées pour être attentives à détecter des signes diagnostiques. La concertation rapide avec le médecin généraliste, la coordination et le choix rapides de la stratégie de prise en charge sont la meilleure garantie pour réduire les complications, les séquelles, la durée d'hospitalisation et donc le coût global humain et socio-économique de cette affection", conclut-il. " Avant l'arrivée des secours, les 'sentinelles compétentes' garantissent les bonnes conditions d'attente, à savoir la sécurité du patient et surtout le rassurer! C'est le plus important, il ne faut pas hésiter à lui tenir la main, par exemple", ajoute Bruno Scafidi (infirmier). " Les traits de personnalité et les trajets de vie sont des fragilités en lien direct avec l'humeur du patient, sa compliance, sa participation active ou non à la revalidation", souligne Virginie Dirick, neuropsychologue. " Un AVC est inattendu, s'informer permet de l'apprivoiser, de sortir d'une méconnaissance et des fausses croyances. Pour le patient et ses proches, appréhender l'AVC au niveau psychologique c'est aussi devenir acteurs: être formés et informés sur l'AVC permet leur implication, une meilleure compréhension des rythmes de la revalidation et des traitements et accepter que cela prend du temps. C'est aussi savoir que cette maladie est répandue et que la prise en charge est de plus en plus efficace, ce qui permet d'éviter le sentiment de solitude et le manque de perspectives. Cela facilite le recours aux associations de patients, aux professionnels et aux moyens mis à disposition". à côté des patients, l'EPLC vise aussi à inclure les professionnels: " Cela leur permet aussi de sortir de leur solitude, d'avoir une vision plus globale du patient, d'avoir des leviers d'action et de se sentir soutenu. Pour l'entourage et les professionnels, être informé et formé permet de ne pas être perturbé par le côté inattendu de l'AVC", estime Virginie Dirick.