...

Sis dans la coquette cité de Dole au coeur du Jura, le musée Pasteur est situé dans le quartier, à l'époque pauvre, des tanneurs, et dans l'ancienne rue du même nom à l'époque. C'est que Louis Pasteur est fils de tanneur, plus exactement corroyeur, qui est un peu "l'aristo" du métier. Son père, franc-maçon, eut une très grande influence, sinon emprise, sur son fils, qu'il comptait bien extraire de la misère crasseuse dans laquelle ce quartier évoluait. L'édifice, adoubé de son vivant par Pasteur - on y apposa une plaque en sa présence en 1883 -, n'est semble-t-il pas, au final, sa maison natale, même si elle en porte désormais le titre. Qu'importe finalement, puisqu'un cousin, un Clerc, y vécut, et qu'elle réunit désormais toute une série de documents photographiques, peintures et objets qui évoquent la vie du grand homme dont la famille était originaire de Salins-les-Bains, à une heure de Dole vers Pontarlier. Dominée par la collégiale Notre-Dame d'un magnifique gothique flamboyant qui toise la rue des Tanneurs, cette cité du Jura qui fut longtemps bourguignonne (au sein de la Franche-Comté d'alors) rend hommage à son enfant le plus célèbre - l'autre célébrité n'étant autre que l'écrivain Marcel Aymé. Le musée, qui a célébré avec faste voici deux ans les 200 ans de la naissance de Pasteur, a fait "peau neuve", normal puisqu'il est flanqué d'une ancienne tannerie qui se visite aux grandes occasions. Cette maison se veut un témoignage d'abord de la vie et de la famille de Pasteur: qu'il s'agisse de son imposant père, ancien soldat de Napoléon, qui eut des visées artistiques comme le montre le tableau d'un "soldat laboureur" (le grognard de l'empereur laissé-pour-compte après la Restauration). Lequel paternel transmit à Pasteur le goût des arts: dans un second espace, on découvre les portraits au pastel que Louis réalise dans sa jeunesse et qui ne sont pas sans qualités. Les photos de famille le montrent entouré de ses enfants, dont un tableau du Finlandais Albert Edelfelt (peintre impressionniste, mouvement qui pourtant n'avait pas les faveurs du conservateur Pasteur), lequel signa la fameuse toile Louis Pasteur dans son Laboratoire (1886): la facture raffinée du portrait qu'il exécute du jeune fils du scientifique Jean-Baptiste rappelle Renoir. À ses côtés, une photographie d'époque de deux des trois filles du concepteur de vaccins, décédées prématurément, enfants, de la fièvre typhoïde. Sa canne rappelle que le grand chimiste fut victime d'un AVC à 46 ans, qui lui paralysa le bras gauche comme l'illustre un portrait qui le présente appuyé sur un meuble. Jean-Baptiste Pasteur combattit les Prussiens en 1870, ce qui explique peut-être l'aversion du fils d'un serviteur de Napoléon Ier à l'encontre de son rival allemand Robert Koch. Un buste parmi d'autres du savant, signé Paul Dubois, professeur de Camille Claudel, introduit l'espace consacré à la célébration du découvreur du vaccin contre la rage, fêté hier comme aujourd'hui. Le grand homme, qui fit d'abord des études littéraires, fut célébré notamment par un céramiste local, Max Claudet, puis, au fil des années, au travers d'une kyrielle d'hommages numismatiques, billet de cinq francs français, philatélistes (encore récemment à l'occasion du 200e anniversaire de sa naissance), voire brassicole (la marque belge Withbread en 1995). Des reproductions de la crypte située à Paris sous la fondation Pasteur, digne des rois assyriens, sont également exposées... La salle principale du musée, par ailleurs d'une facture plutôt aérienne et jouissant d'un éclairage qui met en valeur objets et documents, retrace les différentes étapes, au travers de procédés multiples (reconstitution, panneaux ou instruments), de la carrière de Louis Pasteur: du cristallographe faisant la distinction entre architecture du vivant et de l'inerte (en pointant l'asymétrie du premier), en passant par le principe de fermentation pour le vin, de la pasteurisation, du combat contre la flacherie qui mettait en péril, à Alès notamment, la culture du ver à soie, en passant bien sûr par la découverte de remèdes contre le charbon au travers de l'illustration de l'expérience de Pouilly-le-Fort et, en apothéose, la découverte du vaccin contre la rage inoculé après l'avoir contractée. Fier de ses racines jurassiennes, Pasteur serait heureux de voir que ce musée, qui cède de bonne grâce aux avancées technologiques en proposant des écrans et tables tactiles, possède grâce aux témoignages, oeuvres artistiques, objets personnels et documents qu'il met exergue, une âme, humanise le grand homme et n'est en rien aseptisé... ni même pasteurisé. À Dole, Pasteur ne vécut que deux ans et demi, les parents émigrants à Arbois dans une maison au bord de la Cuisance, où il passe toute son enfance et sa jeunesse. À la mort de ses parents, elle devient la villégiature où Pasteur, sa famille et ses collaborateurs passent chaque été pour des vacances... studieuses. Cette ancienne tannerie sera transformée et agrandie en maison bourgeoise, dont le mobilier a été entièrement conservé, ainsi que le papier peint d'origine. Y transpire le style éclectique de la fin du 19e entre les vases de Gallé, les céramiques encore de Max Claudet et les tableaux réalistes de peintres locaux que Pasteur affectionne: des toiles qui souvent sont à la gloire de ce savant célébré de son vivant. Une représentation imaginaire le montre ainsi entouré d'artistes et d'industriel, dont J.C Jacobsen, brasseur de la Carlsberg, qui bénéficia des travaux de Pasteur sur la levure. Par ailleurs, dans un vestibule, trônent deux dessins au fusain de la main du scientifique, les derniers réalisés à l'âge de 21 ans, dont une copie d'un Girodet. À nouveau, une vue de sa crypte mortuaire sous l'institut à Paris évoque le style byzantin des fresques de la basilique Saint-Vital de Ravenne en Italie. Car à sa mort, Pasteur est devenu une sorte de saint laïque de la Troisième République... lui qui fut napoléonien. Un Napoléon, le premier, qui figure en camée dans sa chambre, tandis que le troisième finança bien de ses projets et découvertes. Pasteur le mortel (des photographies le montrent sur son lit de mort) figurera parmi les immortels de l'Académie française où il croisa Victor Hugo, son aîné, auquel il ressemble physiquement (c'est aussi un Jurassien puisque né à Besançon) et avec qui il rivalise en termes de popularité et s'oppose en politique, mais à qui il dut "faire la cour" afin de parvenir à arborer l'habit vert et l'épée... Du jardin, refait à l'identique très récemment au cours de travaux entamés en 2022 et qui devraient durer jusqu'à l'an prochain, on a vue sur les coteaux d'Arbois. Vignobles que possédait Pasteur dans le village voisin de Montigny-les-Arsures, à quelques kilomètres de la ravissante cité d'Arbois. Ce qui lui permettait de poursuivre ses recherches sur la fermentation, lui qui recevait souvent les vignerons venus chercher conseil auprès du grand chercheur. Le laboratoire - le seul encore existant - de Louis Pasteur est lui aussi préservé en l'état: il s'agit de la salle la plus imposante où sont conservés les produits chimiques utilisés par le scientifique, notamment pour combattre la flacherie du ver à soie, un four à incubation, les microscopes (qui agrandissaient 300 fois en fin de carrière du savant). Un dernier labo de... vacances, qu'il conçoit à l'âge de 57 ans, où il met en culture des bouillons de poule ou de veau toujours visibles et intacts aujourd'hui, et qui invalident depuis deux siècles la théorie en vogue à l'époque de la génération spontanée. Ce dernier "saint des saints" permet de mieux comprendre par sa disposition et les instruments qu'il renferme que, davantage que le vaccin rabique, c'est surtout au niveau de l'hygiène (à rebours des médecins de l'époque, évitant de ce fait streptocoque et staphylocoque notamment) et au travers de la rigueur de ses recherches, que Pasteur va se révéler déterminant. Il va non pas inventer le vaccin (découvert par Jenner), mais ce chimiste puis biologiste va mettre au point la méthode vaccinale. Et ce non-médecin se penchera successivement sur le charbon du mouton, le choléra des poules, le rouget du porc afin de parvenir au vaccin contre le rage. Pas étonnant que ce fils de tanneur débuta en s'attaquant au charbon qui, s'il décimait les troupeaux ovins et bovins, se transmettait parfois aux travailleurs du cuir.