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Frais émoulu médecin généraliste qui officie désormais dans un groupe médical de Flémalle (Liège), le Dr Thomas Doret poursuit par ailleurs une carrière d'acteur dans des films et séries télévisées, tout en embrassant sa profession dans laquelle il est loin de faire... de la figuration. Le Journal du médecin: Pourquoi êtes-vous devenu médecin et pourquoi êtes-vous devenu acteur? Dr Thomas Doret: Mon premier désir fut de devenir neurochirurgien et ce, dès l'âge de six-sept ans, époque où j'ai eu un contact qui m'a plu avec le milieu hospitalier au travers d'une pathologie bénigne. Depuis, j'ai toujours clamé que je ferais médecine, je viens de terminer mon assistanat à la fin de l'été. Quant au cinéma, cela s'est fait un peu par hasard: j'étais en troisième secondaire et j'ai passé le casting pour un film des Dardenne. Quel âge aviez-vous, à l'époque? 13 ans, j'étais plus âgé que le personnage mais je faisais plus jeune. Une fois commencée, la carrière d'acteur vous a donc plu? Si cela ne tenait qu'à moi, je serais mi-temps médecin, mi-temps comédien. J'ai adoré l'ambiance du tournage, découvrir des lieux, des personnes, la capacité de se mettre à la place de l'autre et découvrir différentes émotions. Mais la difficulté de ce métier, c'est l'imprévisibilité: on ignore constamment de quoi l'avenir sera fait, on peut être très populaire, mais il suffit d'un mauvais film pour ne plus travailler pendant un an ou deux... Ce dont je serais bien incapable! Cette capacité à se mettre à la place de quelqu'un d'autre, c'est aussi le "rôle" du médecin? Je me suis souvent fait la remarque: nous nous mettons, en tant que médecins, à la place des autres, ce que les patients apprécient. Ce que j'ai également toujours fait en tant que comédien: me mettre à la place d'un personnage que je ne connais pas, avec qui je n'ai aucun lien direct. Ce qui me plaît. Et c'est pareil avec les patients, en particulier en médecine générale. Nous sommes obligés de comprendre la personne dans son état physique et mental pour pouvoir lui expliquer, de la meilleure des manières. Les parallèles sont nombreux. Personnellement, j'utilise beaucoup ce que j'ai appris sur le plateau dans la communication avec les patients. Quelle est la réaction des patients qui vous savent comédien? Je ne leur en parle pas. Souvent, les patients me disent qu'ils ont vu sur le net qu'un acteur a le même nom que moi. Je dis "Ah bon?", je joue un peu le jeu, puis je lâche le morceau car ça ne me dérange pas d'en parler (il sourit). Je suis très fier de ce que j'ai fait, mais je ne suis pas en consultation pour m'exhiber en tant que comédien, je ne mets pas une affiche à l'entrée du cabinet (il rit). Si les patients m'en parlent, nous pouvons prendre cinq minutes. Des patients m'ont pris comme médecin parce qu'ils me connaissaient en tant qu'acteur. Quel est votre rôle de médecin préféré au cinéma? J'aime le côté un peu théâtral du Dr House mais d'un point de vue artistique, je me situe plus dans le style réaliste de la série Hippocrate. Au cinéma également, il y a parfois des "urgences"... L'urgence dépend du réalisateur. Certains sont très cool et prendront le temps qu'il faut. D'autres ont six scènes à tourner dans la journée. C'est la différence entre un travail de cinéma d'auteur comme celui des Dardenne, où on peut passer deux jours sur une scène avec parfois 45 prises sur la journée, et le cinéma "séries télé" ou un téléfilm où on dispose de 30 jours pour tourner, ce qui n'est pas grand-chose. Comment aménagez-vous votre travail de médecin? Étudiant, je disposais d'un statut particulier à l'université pour m'absenter. Désormais, j'ai une responsabilité vis-à-vis des patients et j'obéis au principe de confraternité, travaillant dans un groupe de sept médecins. Lorsque je m'absente, mes confrères endossent ma charge de travail. Tout cela se négocie, je peux également trouver des remplaçants pour une courte durée. Mais je m'organise des mois à l'avance, on ne peut pas me demander de tourner demain, je dois même prévoir les castings... Avez-vous déjà consulté sur des plateaux? J'étais le médecin référent du dernier film des Dardenne, "Tori et Lokita". Je n'étais encore qu'assistant, mon maître de stage faisait office de back-up. Il y a eu de petits bobos, et la gestion du covid. J'étais médecin référent en interprétant un petit rôle d'avocat. En général, il n'arrive jamais rien de grave sur un tournage, mais comme l'équipe sait que je suis médecin, on me pose des questions. C'est typique. Il ne faut jamais dire qu'on est médecin! (il rit)Jouer soigne-t-il? Médecin est mon métier, comédien mon hobby, comme le karaté et le tennis... Et oui, ça me soigne. Si je n'avais pas cet équilibre, si je pratiquais la médecine sept jours sur sept, je deviendrais fou. Autant l'ancienne génération était capable d'un tel sacrifice, autant j'en serais incapable. Il y a un moment où je dois faire autre chose. Jouer procure une adrénaline différente. Il n'y a pas une vie en jeu, mais il y a quand même des textes à retenir et une responsabilité par rapport à l'équipe. Avez-vous déjà interprété un rôle de médecin? Non, pas encore. On me l'avait déjà proposé, mais cela n'a pas pu se faire. Mais cela me plairait et je pense que je serais plutôt crédible. (rires)