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Une bourse d'un montant de 100.000 euros, voilà qui constitue un fameux adjuvant dans la carrière d'une jeune chercheuse. Consciente qu'il s'agit pour elle d'une étape-clé, Nuria Suelves Caballol s'en réjouit et assure qu'elle va tout mettre en oeuvre pour tirer le meilleur parti de cette expérience et améliorer ses compétences. Âgée de 30 ans, originaire de Barcelone, la chercheuse catalane a étudié la biotechnologie à l'Université autonome de Barcelone. " Avant ma dernière année, je suis devenue chercheuse à temps partiel pour un an et je me suis intéressée aux mécanismes moléculaires qui sous-tendent la formation de la mémoire et ce qui se passe dans le contexte de la maladie d'Alzheimer", raconte-t-elle . "Durant ma maîtrise et mon doctorat en biomédecine, j'ai étudié les fondements moléculaires de la maladie de Huntington et découvert de nouvelles cibles thérapeutiques prometteuses." Désirant ardemment faire de la recherche à l'étranger, elle a obtenu un poste postdoctoral dans l'équipe du Pr Pascal Kienlen-Campard à l'Institut de neuroscience de l'UCLouvain (IoNS), situé sur le campus bruxellois de l'université, à Woluwe-Saint-Lambert. " Très vite, j'ai su que j'avais fait le bon choix." Dans le cadre de ses travaux, Nuria Suelves Caballol étudie les mécanismes moléculaires du vieillissement du cerveau et la façon dont il peut entraîner l'apparition d'un dysfonctionnement cérébral et d'une perte neuronale, ainsi que la progression de la pathologie d'Alzheimer. La bourse qu'elle a reçue va lui permettre d'aller beaucoup loin. " Cela a été une belle surprise", dit-elle. " Le montant sera dépensé conformément au plan budgétaire que j'ai envoyé. En bref, il sera réparti entre mon salaire et les fournitures de laboratoire dont nous aurons besoin pour réaliser le projet. L'obtention de la bourse profite logiquement à toute l'équipe du Pr Kienlen-Campard." " Je suis particulièrement intéressée par l'étude de la sénescence cellulaire, un processus par lequel les cellules perdent leur fonction assignée et ont la capacité d'endommager d'autres cellules voisines. L'idée est qu'en effaçant ces cellules 'toxiques', nous pourrions améliorer les pathologies survenant dans le cerveau vieillissant. J'ai deux ans pour terminer le projet." Pour mener à bien son projet, la scientifique catalane va procéder en deux temps. " D'abord, j'entends tirer parti d'un modèle de souris qui présente des télomères de plus en plus courts en raison du manque d'activité de la télomérase, laquelle est responsable de l'ajout de bases d'ADN supplémentaires aux extrémités des chromosomes. Produit en 1997 par Carol W. Greider, en collaboration avec Ronald A. DePinho, ce modèle a été largement utilisé dans de nombreuses études, principalement liées à la recherche sur le cancer. Les télomères sont des 'capuchons' protecteurs situés à l'extrémité des chromosomes qui garantissent l'intégrité de notre matériel génétique. Ils raccourcissent naturellement avec l'âge et on pense que c'est un mécanisme sous-jacent clé pour les pathologies liées à l'âge. Des études antérieures et des résultats préliminaires obtenus dans notre laboratoire ont montré que cette souris déficiente en télomérase présente un vieillissement prématuré." Dans un deuxième temps, afin d'étudier comment le vieillissement accéléré peut affecter les pathologies cérébrales, Nuria Suelves Caballol envisage de croiser ce modèle avec un autre modèle murin qui présente des grappes intraneuronales de la protéine appelée tau, une des deux caractéristiques histopathologiques de la maladie d'Alzheimer et d'autres pathologies cérébrales liées à l'âge. " Ce modèle de tauopathie largement utilisé a été développé par Virginia Lee et ses collègues en 2007. Les agrégats de tau présents chez les souris provoquent des lésions et la mort des neurones, qui seraient responsables des déficiences cognitives observées." In fine, l'espoir de la jeune chercheuse est d'identifier des cibles thérapeutiques prometteuses pour arriver à soigner la démence la plus répandue et la plus fréquente pour laquelle on ne dispose toujours pas, à l'heure actuelle, d'un traitement efficace. " Ce projet est important car il a pour but d'établir un lien entre l'âge, facteur de risque indiscutable, et le développement de la maladie d'Alzheimer", approuve le Pr Jean-Noël Octave, membre du conseil scientifique de la Fondation recherche Alzheimer. " Bien que ce lien soit établi depuis très longtemps, ses fondements biologiques et moléculaires restent peu connus et leur meilleure compréhension pourrait effectivement ouvrir des voies thérapeutiques innovantes." Quant au directeur de la Fondation, Joost Martens, il se plaît à souligner qu'en 2020 son institution a soutenu 16 autres projets menés au sein des universités belges, le tout pour un montant record de 3.200.000 euros. " Malgré la crise du Covid-19, nos donateurs ont compris que la recherche sur la maladie d'Alzheimer est plus importante que jamais..."