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Certaines entreprises durablement affectées par la crise ont demandé à leurs propriétaires de leur accorder des remises ou réductions de loyers. Les propriétaires qui ont fait droit à ces demandes se retrouvent dans une situation particulièrement inconfortable, parce qu'à la perte financière qu'ils subissent, s'ajoute parfois la nécessité de prendre en charge des frais supportés par leurs locataires, comme le précompte immobilier. Il convient de noter, avant d'analyser la législation fiscale proposée par le gouvernement, que les entreprises soumises à l'obligation de fermeture (comme les professions de "contacts" et l'Horeca) peuvent se prévaloir actuellement d'un courant jurisprudentiel favorable, qui se base sur la théorie juridique de "l'imprévision" qui rappelle qu'il appartient au propriétaire qui en assume la responsabilité, de fournir à son locataire un bien conforme à un usage déterminé et affirmer qu'à défaut de pouvoir utiliser le bien conformément à sa destination, le locataire ne doit pas s'acquitter de sa principale obligation: payer le loyer et les charges. Parallèlement à ce premier courant, certains juges de paix admettent des réductions de loyers, même en période d'ouverture, sur la base du principe selon lequel la hauteur du loyer est fixé selon l'avantage économique potentiel du bien loué. Face à la baisse massive de fréquentation des commerces liée à la crainte d'attraper la maladie et à la quasi disparition de l'activité touristique, certaines juridictions ont accordé des réductions du loyer à ces commerçants dont l'activité a été fortement réduite. Ces jurisprudences sont naissantes et nous ne pouvons pas encore préjuger des décisions qui seront prises en appel, voire en cassation, mais il nous semble désormais évident qu'il sera demandé à tous un effort pour permettre de traverser la crise actuelle. Le projet déposé au parlement par le gouvernement vise donc à offrir un avantage fiscal à l'impôt des personnes physiques et à l'impôt des sociétés aux propriétaires qui renoncent volontairement à minimum 40% des loyers de mars à mai 2021. La renonciation doit donc être volontaire et non la conséquence d'une décision de justice, par exemple. L'avantage fiscal procuré par la renonciation génère un crédit d'impôt égal à 30% du montant du loyer auquel il a été renoncé. La base sur laquelle l'avantage est calculé ne peut excéder 5.000 euros par mois, par contrat de bail et 45.000 euros au total. L'avantage fiscal ne peut pas dépasser 13.500 euros. Le base de calcul de cet avantage fiscal tient compte du loyer en tant que tel et de l'ensemble des charges locatives pécuniaires du locataire, payables en faveur du propriétaire, comme par exemple le précompte immobilier. L'avantage s'applique aux loyers qui sont payés mensuellement, mais aussi à ceux qui sont payés de manière annuelle, trimestrielle ou selon une autre formule. Il conviendra alors de calculer l'avantage fiscal au prorata de la période ouvrant le droit à celui-ci. L'avantage fiscal peut être obtenu lorsque le locataire a " été obligé de fermer l'unité d'établissement de son entreprise sise à l'adresse du bien immobilier loué suite aux mesures prises par l'autorité fédérale à partir du 12 mars 2020 dans le cadre de la pandémie Covid-19". Le gouvernement précise dans l'exposé des motifs du projet de loi déposé à la Chambre, qu'une ouverture partielle de l'établissement, comme par exemple celle des restaurants ouverts en "take away", permet d'obtenir l'avantage, mais que les fermetures qui sont limitées à certaines heures de la journée, comme pour les night shops", ne sont pas visées. Enfin, les entreprises qui ont été contraintes de fermer leurs locaux en raison de sanctions liées au non-respect des mesures sanitaires ne peuvent ouvrir le droit du propriétaire au bénéfice d'un avantage fiscal. Il n'est pas non plus possible de bénéficier de l'avantage fiscal en cas de renonciation au loyer en faveur d'un "membre du ménage du contribuable" ou à son frère, soeur, descendant ou ascendant. Les propriétaires des biens immobiliers peuvent donc bénéficier d'un avantage fiscal en cas de renonciation volontaire, même partielle, aux loyers dus par leurs locataires soumis à une obligation de fermeture. Cette législation nous semble incomplète puisqu'elle ne tient pas compte de la problématique de la perte de chiffre d'affaires expliquée supra et pose plusieurs problèmes notamment en ce qui concerne les proches ou qu'elle ne tient pas compte des mois de janvier et février 2021. En effet, rien ne justifie que l'avantage soit refusé aux locataires qui sont des membres de la famille du propriétaire ou que les deux premiers mois de l'année soient exclus de la législation puisque beaucoup d'entreprises sont fermées depuis le 19 octobre 2020. Il nous semble enfin que le gouvernement aurait également pu accorder un avantage similaire en 2020, soit au plus fort de la crise et permettre également aux propriétaires de bénéficier d'un abattement du précompte immobilier dont les conditions de réduction sont trop strictes (il faut actuellement une improductivité de 180 jours pour en obtenir la réduction). Les conditions d'application de cette législation nous semblent donc à la fois trop strictes et incomplètes. Il demeure que les propriétaires qui peuvent bénéficier de cette législation ont tout intérêt à s'en prévaloir, ce qui leur permettra de conserver un locataire satisfait, d'éviter une procédure judiciaire, longue couteuse et incertaine pour récupérer des loyers impayés et de bénéficier d'un bel avantage fiscal. Les autres attendront patiemment une énième "loi Covid" qui, espérons-le, tiendra compte des préoccupations exposées ci-avant.