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1. Quelle a été l'innovation la plus importante dans le domaine de la santé en 2021? Jean-Luc Belche: Inévitablement le développement de vaccin contre le Covid. En parallèle, nécessairement, les dispositifs permettant la vaccination de la population, en premier lieux les personnes à risques, avec des avancées majeures au niveau organisationnel et professionnel. Le développement du vaccin anti-malaria représente pour moi aussi une grande satisfaction et permet aussi de rappeler la moindre attention portée à d'autres maladies touchant d'autres régions que les nôtres. A placer en parallèle du faible taux de vaccination Covid dans ces pays. Vincent Claes: Sans conteste, les vaccins Covid, développés antérieurement, ont été l'innovation qui a changé le plus la vie des Belges en 2021. La campagne massive de vaccination, réalisée en grande partie cette année, a permis de lutter efficacement contre le coronavirus en protégeant la population contre les formes les plus graves de la maladie. Pedro Facon: L'innovation dont nous aurons récolté les fruits en 2021 est, bien sûr, les vaccins contre le Covid. Les vaccins à ARNm valorisent une technologie qui s'imposera également dans d'autres domaines. Cela semble paradoxal, mais les technologies de pointe combinées aux "vieilles" connaissances sur le contrôle des infections, grâce aux masques buccaux et à la qualité de l'air, sont les clés d'une gestion efficace de cette pandémie. Medispring: Dans l'e-santé, c'est probablement l'avènement de la télémédecine, poussé par la pandémie. Avec elle, l'omniprésence de la téléconsultation (par téléphone, la visio n'étant que très peu demandée par nos médecins généralistes) mais aussi l'échange de données à distance. Mais la téléconsultation pose question: c'était un outil de crise. Doit-il vraiment devenir une façon de travailler pérenne? Eric Muraille: Les vaccins ARN sont sans conteste une innovation majeure en santé publique. Ils permettent de produire plus rapidement un vaccin que les technologies traditionnelles, ce qui améliore notre capacité de réponse aux agents pathogènes émergents. Dans un monde profondément interconnecté, où les épidémies peuvent rapidement se muer en pandémie, cette technologie va devenir incontournable. 2. Si vous étiez ministre de la Santé, quelle serait votre première décision pour 2022? Jean-Luc Belche: Favoriser la structuration territoriale des lignes de soins, en Wallonie et à Bruxelles, car cette année touchée par la pandémie et les catastrophes naturelles nous a encore montré l'importance d'une action intégrée au niveau local pour donner des réponses adaptées aux problématiques. Les acteurs de la santé sur le terrain ressentent aussi à mon avis l'apport d'une collaboration efficiente locale quand elle a du sens et apporte une plus-value à la pratique quotidienne. Il y a un besoin de repenser et d'intégrer différents espaces de concertation et de collaboration existants là où cela fait sens pour la population et les acteurs de terrain. Vincent Claes: Ma première décision serait de préciser la réforme du financement du secteur hospitalier et de publier les règles permettant de concrétiser les réseaux hospitaliers loco-régionaux. Le secteur hospitalier attend avec impatience d'avoir plus de clarté pour pouvoir implémenter les réformes initiées par Maggie De Block. Actuellement, les réseaux hospitaliers sont encore trop souvent des coquilles vides. Pedro Facon: Après 24 mois de crise, nous devons trouver le temps de résoudre les goulets d'étranglement identifiés dans l'organisation et le financement des soins primaires et des hôpitaux, avant même la crise, par le biais d'une réforme. Cela exige du leadership, du courage et une coopération entre la politique, les administrations, les partenaires médico-sociaux dans le modèle de concertation et le domaine du travail. La mise en place de ce processus complexe me semble être la priorité. Medispring: Faire davantage confiance aux médecins généralistes pour organiser la première ligne multidisciplinaire, de même que pour la gestion de crise. Cela devra également passer par une revue des futurs projets d'homologation pour qu'ils facilitent réellement le quotidien des médecins généralistes, tout en prenant une bonne fois pour toute la protection des données comme une force et non une contrainte. Eric Muraille: J'appliquerais l'idée la plus originale d'Emmanuel Macron: sortir la santé de la logique de marché. Cela passerait par un refinancement massif des services de santé, une revalorisation de la profession et surtout une politique de santé publique basée sur le concept One Health. C'est à dire intégrant les relations entre santé humaine, santé animale et écosystème. 3. Que voulez-vous faire différemment en 2022 par rapport à l'année dernière 2021? Jean-Luc Belche: Donner davantage de temps à la famille, aux amis, à la lecture...et l'accepter. La situation actuelle, en tant que MG et enseignant chercheur, est bouillonnante, passionnante, les opportunités et sollicitations sont multiples...on sent que l'on est à un carrefour. Mais cela doit aussi nous inciter à prendre le temps nécessaire pour choisir la bonne voie. "Réfléchis avec lenteur mais exécute rapidement tes décisions." Vincent Claes: Dans de nombreux dossiers chauds, le manque de dialogue et de communication entre les acteurs de terrain - médecins, médecins en formation, gestionnaires hospitaliers... - et les autorités a été flagrant en 2021. Le dernier couac en date a été la fixation du jour idéal pour le testing des patients vaccinés asymptomatiques. Une décision prise par la CIM Santé sans concertation préalable avec les médecins. Améliorer le dialogue doit être un objectif prioritaire en 2022. Pedro Facon: Sur le plan professionnel, j'aimerais moi aussi essayer de passer du mode crise à une orientation à plus long terme, comme cela a déjà été tenté à plusieurs reprises. Cela nécessite également une stratégie pour ancrer le travail de l'équipe au sein du Commissariat Corona. Personnellement, je me réjouis de pouvoir consacrer un peu plus de temps et d'attention à mon partenaire, ma famille et mes amis. Medispring: Nous mettrons l'accent sur le multidisciplinaire tout en continuant à oeuvrer pour tous les médecins. Notre mission, c'est d'assurer l'indépendance informatique de tous les soignants et de leur faciliter la vie. Nous développerons aussi des applications médecins-patients pour faciliter l'échange d'informations de façon sécurisée, tant pour soulager les médecins que pour améliorer les soins. Eric Muraille: La pandémie qui nous a frappés a révélé la fragilité de nos sociétés, et surtout les failles d'une gouvernance qui a trop longtemps donné la priorité à l'économie sur la santé. J'aimerais, en tant que scientifique, m'impliquer de manière plus efficace dans l'éducation et l'information des citoyens et des décideurs politiques sur les grandes thématiques de la santé.