L'éternelle promesse

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Le musée Fin de siècle croque sur papier un joli portrait d'Henri EvenepoelPetite mais émouvante exposition au musée Fin de siècle, consacrée à ce génie de la peinture belge à jamais en devenir que fut Henri Evenepoel, disparu prématurément à l'âge de 27 ans en 1899, amateur de dessins et de papier. Justement, le Musée des Beaux-Arts a sorti de ses collections des dessins, études, et quelques tableaux (dont un autoportrait et celui d'une fillette à la poupée) intimes de celui qui fit le portrait de la petite soeur d'Henri Matisse. Carnets de croquis de Paris, des prises de vue (il utilise également la photographie) au crayon de la vie dans la Ville désormais Lumière, de lithographies Belle Époque dont celle colorée Au square, qui décrit une belle Parisienne tirant une enfant vers le parc. Le trottin évoque immanquablement Toulouse-Lautrec, et l'émouvant carnet de croquis met une fois encore en exergue la justesse et la finesse du trait d'un artiste belge dont la production foisonnante ne console en rien de la brièveté de la vie et de l'oeuvre. Fringuant nonagénaire, Pierre Alechinsky se voit de son vivant consacrer une rétrospective qui met en lumière son oeuvre des plus reconnaissables. Le peintre est présent au Musée des Beaux-Arts dès 1955, quelques années à peine après l'éphémère épiphanie que fut le mouvement Cobra auquel il participa (voir Cobrâme en 61). Son parcours, présenté aux Musées Royaux des Beaux-Arts, est d'ailleurs marqué par ce côté spontané, enfantin, genre cri primal ; ses images, notamment ses encres, en effet "gueulent fort", et évoque Vandercam dans leurs figures, tout comme Karl Appel ( Fine mouche, en 60). Une oeuvre systématique qui évoque parfois Alfred Jarry dans ses labyrinthes (la présentation est également quelque peu labyrinthique), les bas-reliefs lorsqu'il intègre trois cases dans sa peinture, voire la bande dessinée dans Peinture à la plume, une encre de 1962, ou dans les quatre eaux-fortes couleurs regroupées sous le titre Le rêve de l'ammonite.On songe à un Guernica enfantin dans La nuit de samedi à dimanche..., d'une violence primitive et expressionniste. Enfantin en effet et systématique, comme l'histoire sempiternelle que l'on raconte à un jeune enfant tous les soirs pour l'endormir. Les Arts dits Premiers ont le vent en poupe: celui notamment des aborigènes australiens dont les grandes toiles sont remplies... d'étoiles australes. Systématique, l'art aborigène l'est également, dont le musée des Beaux Arts présente une belle diversité d'exemples, dont l'artiste Sally Gabori notamment, très bien représentée: dans la salle introductive d'"Aboriginalités", son Grand crocodile simple et coloré évoque Cobra, voire Alechinsky, lequel a refusé de voir son oeuvre confrontée à cet art sacré que le commissaire, Michel Draguet, a pourtant mis en lien avec un Serge Vandercam notamment. Cet art, qui raconte l'histoire de la création du monde, se transmet de génération en génération par initiation, recèle des secrets séculaires ainsi qu'une cartographie du territoire australien, bien que son aspect quasi psychédélique évoque également des cartes du ciel, voire les géoglyphes géants de Nazca. Comme chez Alechinsky, des motifs reviennent: courbures, points, zigzags, hachures, spirales, pointillés, méandres, le tout dans des couleurs très souvent sourdes qui rappellent la terre rougeâtre du bush australien. Tous ces éléments leur donnent des allures de peintures tressées, de tapisseries, voire de mosaïques, le défilé de grandes peintures parfois semblables étant brisé par l'ajout de totems peints, de boomerangs, de boucliers décorés (pas de didgeridoo?), et par la confrontation avec des tableaux tirés des réserves modernes du musée: des peintures de Dubuffet bien sûr pour le côté spontané, voire primal des oeuvres, comme celles de Louis Van Lint ; des formes plutôt géométriques confrontées à une toile de Saul Lewitt, d'autres, plus lignées, avec une peinture de Walter Leblanc. Enfin, dans la dernière salle, une oeuvre de jeunesse de Magritte (1928) se mesure par son côté, pour une fois, informe au magma chamanique des peintures aborigènes. L'apparition s'intitule le tableau, qui ne jure pas au milieu de ces incantations spirituelles attestant au milieu du désert austral... d'une présence.