Tensions autour du grand réseau hospitalier de l'ULB

"L a constitution des réseaux hospitaliers loco-régionaux est un enjeu stratégique majeur pour les institutions hospitalières. Nous souhaitons relever ce défi en proposant un projet à la hauteur de l'enjeu, c'est-à-dire un projet de coordination réelle de l'offre de soins entre différents acteurs d'un même bassin de soin, afin de promouvoir des soins d'excellence et de proximité, accessibles pour tous les patients. La nature même de ce projet implique un leadership fort de la part des communautés médicales. Ce leadership présuppose une adhésion forte. Celle-ci ne pourra émaner que d'un projet défini et soutenu par les médecins", soutiennent le Pr Jacques Jani, président du CM du CHU Brugmann, le Pr Vincent Ninane, président du CM du CHU Saint-Pierre et le Pr Turgay Tuna, président du CM des Cliniques Universitaires de Bruxelles - Hôpital Érasme. Ils rappellent que "sans consultation préalable avec les médecins de nos institutions, nos pouvoirs organisateurs respectifs privilégient pour nous actuellement une option de réseau hospitalier loco-régional dite "XXL". Nous ne voulons pas de cette option."Les présidents proposent une autre option: celle de deux réseaux loco-régionaux affiliés à l'ULB, sous une coupole commune, travaillant ensemble, tout en conservant chacun une taille réaliste et une agilité réelle. "À court ou moyen terme, le réseau unique "XXL" est une erreur stratégique majeure qui réduira le rayonnement des hôpitaux de la Ville et de l'hôpital académique Erasme, et ce durant une période indéterminée. Un grand réseau serait une coquille vide. Nous ne ferions rien de sérieux ni de profond en commun. Il sera trop difficile d'être d'accord à sept hôpitaux et de concilier en permanence des cadres réglementaires différents, or le but recherché repose sur la constitution de deux réseaux agiles, ambitieux, orientés vers l'avenir, oeuvrant de concert et de manière réfléchie pour nos patients.""Créer un grand réseau ULB, comme il y a déjà un grand réseau UCL et un grand réseau VUB est dans la logique des choses. Avant la création d'Érasme, les hôpitaux de la Ville de Bruxelles étaient les hôpitaux universitaires de l'ULB. Notre idée est de travailler ensemble. Soulignons également qu'une partie des médecins du Chirec ont été formés à l'ULB", rappelle le bourgmestre de Bruxelles. Philippe Close précise que le réseau loco-régional bruxellois de l'UCL regroupe des hôpitaux qui n'ont pas tous le même ADN. "Ils ont une base commune qui est l'université et leur hôpital académique."Le bourgmestre de Bruxelles réfute l'argument avancé par les trois Conseils médicaux selon lequel les agréments d'équipements lourds seraient à l'avenir accordés aux réseaux loco-régionaux et plus aux hôpitaux, ce qui impliquerait de créer deux réseaux loco-régionaux de l'ULB à Bruxelles. "Les agréments dépendront de la taille de la population desservie et du nombre de cas à traiter, par exemple, en chirurgie cardiaque. C'est assez logique.""Nous croyons en un seul réseau hospitalier ULB pour Bruxelles. Nous allons organiser un débat à ce sujet lors des Conseils d'administration des hôpitaux, dans lequel, je le rappelle, des représentants des Conseils médicaux sont représentés. En raison de l'importance capitale du sujet, je n'ai aucun problème à ouvrir ces CA aux médecins qui voudraient y assister", avance Philippe Close. "Le rôle de l'autorité est de fixer une ligne claire. Nous estimons que le lien avec l'ULB est fondamental. Il va garantir le statut universitaire du CHU Saint-Pierre et du CHU Brugmann. C'est très important."Philippe Close souligne que ce réseau n'est pas encore fait. "Il y a déjà eu de nombreuses réunions avec les représentants des médecins. Je les ai encore reçus il y a un mois. J'entends leurs arguments. Il y aura encore d'autres réunions. Nous prenons du temps pour fonder ce grand réseau alors que les deux autres réseaux bruxellois sont déjà installés. On ne peut pas dire que l'esprit du libre examen n'est pas présent dans cette démarche et qu'il n'y a pas de place pour la contradiction.""Je ne remets pas en question le droit des Conseils médicaux de s'exprimer sur une question aussi centrale que la création d'un réseau hospitalier. A l'ULB, le système participatif est toujours respecté et notamment le droit des Conseils médicaux", réagit Annemie Schaus, rectrice de l'université. "Nous avions d'ailleurs l'intention de saisir tous les CM en leur présentant le projet qui est actuellement sur la table."Ayant découvert vendredi le communiqué co-signé par les présidents des CM des trois hôpitaux dans la presse, la rectrice de l'ULB se demande si le projet de réseau a été présenté aux membres du Conseil médical d'Érasme. "À ma connaissance, le CM d'Érasme n'a pas été saisi de notre projet. J'ignore si ses membres ont été correctement informés et par quels experts. Le Pr Eraly est allé présenter le projet de réseau ULB aux Conseils médicaux de Brugmann et de l'Huderf. Il n'a pas encore été à Érasme et au CHU Saint-Pierre. Et nous n'avons pas encore transmis de documents. J'aimerais savoir sur quelle base le CM d'Érasme s'est prononcé."La rectrice de l'ULB pointe une certaine confusion conceptuelle dans le chef des opposants au projet XXL. "Il y a quelques mois, Jacques Jani et Vincent Ninane apposaient dans un communiqué de presse les hôpitaux privés et les hôpitaux publics, en mettant l'Hôpital Érasme et l'ULB dans le privé. Ce qui me choque parce que l'ULB a une mission d'intérêt général, de service public et, au travers de son hôpital, de santé publique. L'hôpital Érasme n'est pas un hôpital privé au sens classique du terme."Annemie Schaus s'étonne également que les trois CM proposent de créer deux réseaux loco-régionaux ULB alors qu'ils n'ont pas demandé l'avis de l'université sur cette option. À l'instar du bourgmestre de Bruxelles, Philippe Close, la rectrice de l'ULB veut rouvrir le dialogue avec les conseils médicaux. "J'entends leurs arguments. Je suis prête à discuter de toutes les propositions. Il est temps de fonder notre grand réseau alors que les deux autres réseaux bruxellois autour de l'UCL et de la VUB sont déjà installés."