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Le SDRC de type 1 est défini par l'Association internationale pour l'étude de la douleur comme un syndrome caractérisé par une douleur régionale continue, spontanée ou provoquée, dont l'intensité et la durée sont disproportionnées par rapport à la douleur normalement ressentie par une personne à la suite d'un traumatisme ou d'une blessure. La plupart du temps, le SDRC de type 1 survient après un traumatisme ou une intervention chirurgicale au niveau du poignet ou de la cheville, mais ce n'est pas toujours le cas. "En effet, le SDRC de type 1 peut également survenir chez des patients ayant subi un accident vasculaire cérébral ou un traumatisme cérébral", rappelle le Dr Tina Decorte (service de Médecine physique, UZ Gent). "Dans ce cas, on peut observer un syndrome épaule-main, où la douleur s'étend sur toute la longueur du membre.""En outre, on voit des patients qui développent un SDRC dans les deux chevilles après une blessure ou une intervention chirurgicale à une seule cheville", poursuit le Dr Sam Schelfout (médecin chef de la Clinique de la douleur, UZ Gent). "Le SDRC de type 1 se caractérise donc par une douleur nociplastique. En d'autres termes, il s'agit d'une douleur qui n'est pas directement liée à un traumatisme tissulaire (comme c'est le cas pour la douleur nociceptive) ou à une lésion nerveuse (comme c'est le cas pour la douleur neuropathique). Ceci contraste avec le SDRC de type 2, qui implique une lésion nerveuse. Comme son nom l'indique, le SDRC provoque une douleur régionale, mais la zone affectée est plus large que la zone d'innervation d'un nerf."Comme pour d'autres formes de douleur chronique, la plupart des patients atteints de SDRC de type 1 sont des femmes. L'incidence est maximale dans la tranche d'âge comprise entre 40 et 60 ans. La pathogénie du SDRC de type 1 n'est pas élucidée. Les hypothèses évoquent tour à tour une neuro-inflammation, un dysfonctionnement du système nerveux autonome, des facteurs psychosociaux, une sensibilisation centrale et une réorganisation corticale, mais il n'y a pas de consensus à ce sujet. "Cela rend la prévention particulièrement difficile", souligne le Dr Schelfhout. "Nous avons récemment eu un patient qui souffrait d'un SDRC de type 1 au niveau d'une cheville et qui devait être opéré à l'autre cheville. Cette personne présentait donc un risque accru de SDRC post-chirurgical. Dans un monde idéal, nous devrions pouvoir prendre des mesures préventives chez une telle personne. Mais nous n'en avons pas. À défaut, on donne à ces patients de la vitamine C, sans fondement scientifique réel."On peut distinguer trois stades dans l'évolution du SDRC: - Le stade hypertrophique ou phase chaude (dans les deux à quatre mois suivant la blessure): bien que la blessure initiale soit guérie, on observe des manifestations inflammatoires telles que rougeur, gonflement, chaleur et douleur sur l'articulation. Habituellement (en cas de localisation au niveau du poignet ou de la cheville), les poils et les ongles poussent plus vite du côté atteint que du côté opposé. Une transpiration excessive est parfois observée du côté atteint. - Le stade atrophique ou stade froid, qui remplace généralement progressivement le stade chaud et peut durer jusqu'à un an: on voit apparaître une intensification de la douleur et une coloration bleue (cyanose) de la peau, qui est froide au toucher. À ce stade, la douleur persistante immobilise le patient, entraînant une atrophie musculaire et un raidissement des articulations. La peau s'atrophie, la pousse des poils ralentit (raréfaction de la pilosité) et les ongles se cassent. À la radiographie, l'ostéoporose est visible sous forme de taches. - La phase de stabilisation (environ un an après l'apparition des premiers symptômes): chez la grande majorité des patients, la douleur disparaît en grande partie. Chez une petite minorité, une douleur continue persiste. À ce stade, la douleur est principalement due à l'atrophie musculaire et à l'enraidissement complet de l'articulation. Le SDRC de type 1 est un diagnostic clinique. Il est établi en se basant sur les critères de Budapest: · Sensoriel: allodynie (un stimulus non douloureux est perçu comme douloureux) ou hyperalgésie (un stimulus douloureux provoque une douleur disproportionnée) ; · Vasomoteur: différences de température et/ou de couleur de la peau ; · Sudomoteur: oedème et/ou transpiration excessive ; · Moteur/trophique: diminution de la mobilité ou dysfonctionnement (faiblesse, dystonie) de l'articulation et/ou changements trophiques (anomalies des cheveux, de la peau et des ongles). Pour pouvoir poser le diagnostic, au moins deux de ces critères doivent être remplis. C'est du moins le cas si le médecin examine lui-même le patient. Au niveau de l'anamnèse - lorsque le patient décrit (rétrospectivement) ses symptômes -, trois critères doivent être remplis. Les examens complémentaires n'apportent aucune information supplémentaire pour le diagnostic ou le traitement. Tout au plus, l'imagerie osseuse - qui met en évidence une ostéoporose parcellaire - confirme-t-elle le diagnostic clinique. Cependant, un examen d'imagerie osseuse normal n'invalide en rien le diagnostic clinique. Le traitement comprend principalement des antalgiques, la récupération fonctionnelle et la réinsertion professionnelle/sociale. La rééducation doit être entamée le plus tôt possible afin d'éviter l'enraidissement des articulations. Les antalgiques ne guérissent pas en soi, mais visent principalement à soutenir la rééducation: moins la douleur est forte, plus le patient peut faire des exercices facilement. "Avec l'échelle de douleur de l'OMS pour les douleurs noci- ceptives, nous ne parvenons pas à soulager suffisamment les douleurs nociplastiques", explique le Dr Schelfout. "Dans le SDRC, nous utilisons donc des antidépresseurs (amitriptyline [TCA], duloxétine [IRSN]) ou des médicaments antiépileptiques (gabapentine, prégabaline). Ces médicaments contre la douleur peuvent être administrés au niveau de la première ligne. Mais pour d'autres aspects indispensables du traitement, le patient doit passer à la deuxième ligne."Le Dr Decorte explique: "La kinésithérapie pour le SDRC relève de la réglementation de la pathologie F aiguë (60 séances, remboursées une fois par an), pour laquelle la prescription ne peut être valablement établie que par un orthopédiste, un spécialiste en médecine physique ou un anesthésiste, documentée par un certificat attestant que le patient répond aux critères de Budapest. Certes, le médecin généraliste peut déjà prescrire 18 séances, mais cela ne suffira pas à traiter le SDRC. Il faut donc que le patient soit référé rapidement, même si ce n'est qu'une étape intermédiaire."La kinésithérapie se concentrera sur la mobilisation de l'articulation en prévention de l'enraidissement et des contractures. L'hydrothérapie peut s'avérer utile à cet égard, parce que l'élimination de la pesanteur réduit la douleur. À un stade ultérieur, il est possible de traiter 'sur la terre ferme'. En outre, des exercices sont proposés pour intervenir sur les troubles sensoriels. "Il est important d'indiquer les deux objectifs (mobilisation + troubles sensoriels) sur la prescription", souligne Tina Decorte. "En outre, les patients peuvent utiliser des bains alternés à domicile: ils baignent leur membre alternativement dans des bains glacés et chauds. Cela permet de réduire la douleur et les oedèmes chez certains patients."Dans le cadre de la réadaptation, on peut également ajouter l'ergothérapie, qui se concentre sur la restauration des mouvements fonctionnels afin que le patient puisse à nouveau mieux accomplir ses activités quotidiennes. Si nécessaire, l'ergothérapeute examinera également les ajustements à apporter à l'environnement de travail afin que le patient puisse reprendre le travail malgré une gêne persistante. L'ergothérapie peut également inclure la thérapie miroir (lire l'article "Douleurs fantômes"). Il s'agit de placer un miroir entre les deux membres de manière à ce que le patient ne puisse pas voir le membre affecté. Il regarde dans le miroir l'image de son membre intact, avec lequel il effectue des mouvements. Ce traitement joue sur les mécanismes neuroplastiques en détournant l'attention du membre atteint. Certains kinésithérapeutes sont spécialisés dans la mise en place de la thérapie miroir. Depuis quelques années, la neurostimulation spécifiquement destinée au SDRC de type 1 est remboursée. Ici, l'électrode n'est pas placée au niveau de la moelle épinière, mais au niveau du nerf dans la zone affectée du membre. Cette technique donne de bons résultats. La douleur chronique a une influence majeure sur le bien-être mental et vice versa. Ainsi, les personnes souffrant de douleur chronique ont un risque accru de dépression ou de problèmes d'anxiété. La douleur chronique peut augmenter le stress, qui à son tour peut augmenter la douleur. Certains patients se laissent dépérir, non seulement à cause de la douleur elle-même, mais aussi à cause des répercussions psychologiques de leur état dans divers domaines, tels que les contacts sociaux et la sphère professionnelle. On pense souvent que tous les patients souffrant de douleurs chroniques devraient être encouragés à faire plus d'activités, mais l'inverse se produit également: les personnes perfectionnistes ont souvent tendance à dépasser leurs limites, alors que les exercices trop intensifs peuvent compromettre l'effet bénéfique du traitement. Il est important de doser correctement les activités et les exercices. Ainsi, l'accompagnement psychologique concerne à la fois les personnes qui se figent pour des raisons psychologiques et celles qui veulent en faire trop.