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Par définition, la syncope est une perte de conscience de courte durée accompagnée d'une perte de contrôle postural et d'une récupération spontanée. Le mécanisme, dans tous les sous-types, est une diminution globale de la perfusion cérébrale. Habituellement, mais pas toujours, la syncope est précédée de prodromes, tels qu'une sensation de vertige, des nausées, des sueurs ou une vision floue. "La syncope en l'absence de prodromes est un signal d'alarme", prévient le Pr Monsieurs. "Un exemple typique est celui d'une personne qui s'effondre soudainement en courant vers le train. Dans ce cas, une cause cardiaque doit être envisagée. Un renvoi immédiat chez un cardiologue s'impose." La perte soudaine de conscience sans prodromes explique pourquoi le patient ne peut amortir sa chute et se blesse souvent. Une syncope entraînant des blessures est donc un indice de syncope cardiogénique. Si les prodromes surviennent sans être suivis d'une perte de conscience, on parle de présyncope. La présyncope peut également nécessiter un examen plus approfondi, mais elle n'est généralement pas le signe d'une affection sous-jacente grave. Les syncopes peuvent être divisées en trois catégories: syncope réflexe, syncope orthostatique et syncope cardiogénique. Une syncope réflexe est une syncope causée par une régulation déficiente de la pression artérielle. Le principal sous-type, la syncope vagale, survient classiquement en cas de station debout prolongée ou d'émotion/douleur intense - ou en cas de combinaison des deux facteurs. La station debout prolongée augmente l'accumulation de sang dans les membres inférieurs. Le ventricule gauche étant relativement peu rempli, l'excitation vagale provoque une bradycardie et une vasodilatation, ce qui réduit l'irrigation du cerveau. La syncope réflexe peut également se produire dans un certain nombre de circonstances provoquant une augmentation significative de la pression thoracique, avec pour conséquence une régulation perturbée de la pression artérielle. La toux et une défécation laborieuse en sont des exemples. L'hypersensibilité des barorécepteurs de l'artère carotide peut expliquer une syncope lors du rasage. Enfin, mentionnons aussi la syncope mictionnelle dont le mécanisme d'origine reste largement inexpliqué, mais qui est clairement liée à une chute de la pression artérielle. La syncope réflexe survient généralement chez des personnes jeunes. Un examen approfondi n'est pas nécessaire en cas de syncope réflexe. Au moment de l'incident, on peut surélever les jambes du patient. On parle d'hypotension orthostatique lorsqu'une personne passe de la position assise à la position debout et que l'on constate une chute de la pression artérielle: > 20 mm Hg pour la pression artérielle systolique ou > 10 mm Hg pour la pression artérielle diastolique. L'hypotension orthostatique est plus fréquente chez les personnes souffrant d'un dysfonctionnement autonome, comme la maladie de Parkinson, le diabète ou l'éthylisme. La déshydratation (éventuellement due aux diurétiques) ou l'utilisation de médicaments hypotenseurs peuvent également provoquer une hypotension orthostatique. L'hypovolémie due à une hémorragie interne non diagnostiquée (par exemple de l'estomac) est également une cause possible. La syncope orthostatique est généralement observée chez des personnes âgées. La prise en charge consiste à surveiller l'apport hydrique, à ajuster les médicaments et à surélever les jambes au moment de la syncope elle-même. La troisième catégorie est celle des syncopes cardiogéniques. Outre l'absence de prodromes, un certain nombre d'autres données peuvent indiquer une syncope cardiogénique: · Un âge plus avancé (bien que des anomalies génétiques comme une cardiomyopathie hypertrophique peuvent provoquer une syncope chez des personnes jeunes - voir plus loin) ; · Un antécédent cardiovasculaire (maladie coronarienne, insuffisance cardiaque, antécédent familial de mort subite). En cas de suspicion de syncope cardiogénique, il est important de réaliser un ECG. "Envoyez le patient chez un cardiologue dans tous les cas, même si l'ECG est normal", conseille le Pr Monsieurs. "Si nécessaire, appelez le 112." Les causes de la syncope cardiogénique sont les suivantes: · Bradyarythmie: bloc AV du troisième degré, arrêt sinusal, bradycardie sinusale sévère (patients âgés, drogues,...) ; · Tachyarythmie: tachycardie ventriculaire, souvent en cas de syndrome coronarien aigu ; · La fibrillation auriculaire ou une autre tachycardie supraventriculaire ne donne que rarement lieu à une syncope ; · Des anomalies cardiaques structurelles: sténose de la valve aortique, cardiomyopathie hypertrophique ; · Des emboles pulmonaires: les gros emboles pulmonaires peuvent déclencher une syncope parce qu'ils obstruent la circulation sanguine, puis se délogent pour rétablir la circulation et permettre au patient de reprendre conscience. Les patients atteints de sténose de la valve aortique qui présentent une syncope ont une espérance de vie moyenne de trois ans si l'anomalie de la valve n'est pas traitée. Un exemple typique de syncope dans la cardiomyopathie hypertrophique est celui d'un jeune joueur de football qui s'effondre soudainement pendant un match. L'examen clinique est généralement normal, à moins que l'hypertrophie ne provoque une obstruction, où un souffle systolique peut alors être entendu à l'auscultation. La mort subite peut survenir à la suite d'une fibrillation ventriculaire. Il y a lieu de penser à la cardiomyopathie hypertrophique s'il y a des cas de mort subite d'origine cardiaque chez des personnes apparemment en bonne santé dans la famille. Parmi les tableaux ressemblant à la syncope, on peut mentionner en premier lieu l'épilepsie. Ici aussi, le patient reste inconscient sur le sol pendant quelques minutes. Les mouvements saccadés des membres ne se produisent pas seulement dans l'épilepsie, mais aussi dans la syncope, en raison d'une hypoperfusion du cerveau. Toutefois, les saccades en cas de syncope sont moins continues et durent moins longtemps. Le mordillement de la langue et la perte d'urine peuvent survenir lors d'une syncope, mais ces manifestations font plutôt évoquer une crise d'épilepsie. La perte de matières fécales se produit dans l'épilepsie, mais est extrêmement rare dans la syncope. La cyanose se produit dans l'épilepsie parce que la respiration est obstruée par les contractions - ce qui n'est certainement pas classique dans la syncope. Le tableau complet - y compris l'apparition d'une confusion post-ictale et la durée de la crise d'épilepsie (> 5 minutes) - permet souvent de la distinguer de la syncope. Les patients peuvent parfois être confus après une syncope, mais cette confusion ne dure pas aussi longtemps que dans l'épilepsie. "Il est important de pouvoir distinguer l'épilepsie de la syncope", souligne Koen Monsieurs. "Comme nous l'avons déjà mentionné, dans un certain nombre de cas, la syncope n'est pas inquiétante, si bien que le patient peut être pris en charge en première ligne. Mais un patient qui présente une première crise d'épilepsie doit consulter un neurologue pour obtenir un diagnostic, un traitement et une évaluation de sa capacité à conduire. En cas de doute entre l'épilepsie et la syncope, il convient donc de référer le patient à un spécialiste." L'insuffisance vertébrobasilaire, c'est-à-dire une insuffisance de l'apport sanguin à la partie postérieure du cerveau via l'artère vertébrale principalement due à l'athérosclérose, est un autre cas de diagnostic différentiel. L'ischémie du tronc cérébral peut alors entraîner une brève perte de conscience. Une autre manifestation d'insuffisance vertébrobasilaire est la chute par dérobement des jambes (drop attack), soit une perte de tonus qui fait que le patient s'effondre à genoux, mais sans perdre connaissance. Le syndrome du vol sous-clavier est dû à un rétrécissement de l'artère sous-clavière juste au-dessus de son origine, mais en amont de l'origine de l'artère vertébrale qui en émerge. Ainsi, l'artère sous-clavière reçoit peu de sang directement de son origine. Elle est donc 'remplie' par un flux rétrograde provenant de l'artère vertébrale (qui est elle-même alimentée par le cercle de Willis), au détriment du sang circulant vers le cerveau. Là encore, la cause principale est l'athérosclérose. Les patients atteints du syndrome du vol sous-clavier peuvent présenter des vertiges et une perte de conscience, en particulier lors de certains mouvements de la tête et de l'utilisation intense du bras. "Il s'agit d'une affection rare", souligne le Pr Monsieurs. Une brève perte de conscience peut en outre survenir en cas d'abus d'alcool et de sédation excessive. Enfin, le Pr Monsieurs souligne l'existence de pseudo-syncopes psychogènes: "On parle parfois d'hystérie. Un diagnostic difficile. Il est parfois recommandé de lever le bras de la personne au-dessus de sa tête, puis de le relâcher. L'idée est qu'une personne souffrant de pseudo-syncope ne laissera pas tomber son bras dans son visage. Mais il y a des personnes qui connaissent ce 'truc' et qui lâchent quand même leur bras. Pour le médecin généraliste en particulier, il n'est pas facile de comprendre ce qui se passe exactement. Aux urgences, nous avons l'avantage de pouvoir placer le patient dans un box sous surveillance ECG, afin de vérifier s'il y a des troubles du rythme ou de la conduction lors de l'épisode suivant." En cas de perte de conscience > 5 minutes, l'hypoglycémie ou l'accident vasculaire cérébral ischémique/hémorragique sont envisagés outre l'épilepsie.