...

Les problèmes de surdité ne constituent pas un monolithe. Au contraire, ils ont diverses origines ressortissant à deux catégories génériques : les surdités de transmission, qui relèvent d'une atteinte de l'oreille moyenne, et les surdités de perception, étroitement liées à l'oreille interne. Le diagnostic différentiel entre ces deux catégories s'opère aisément via le test de Weber ou le test de Rinne, qui se réalisent l'un et l'autre au moyen d'un diapason.Pour l'heure, concentrons-nous sur l'oreille moyenne - nous nous focaliserons sur l'oreille interne dans notre prochain numéro. Le premier type de surdité de transmission est la perforation tympanique traumatique. Une gifle qui aboutit sur l'oreille, l'utilisation inappropriée d'un coton-tige, un accident de plongée sous-marine peuvent trouer le tympan. " La prise en charge consiste à interdire de mettre de l'eau dans l'oreille et éventuellement, si jamais il y en a eu, à prescrire des gouttes auriculaires renfermant un antibiotique, à base de ciprofloxacine ou de chloramphénicol par exemple ", indique le professeur Philippe Lefebvre, chef du service d'oto-rhino-laryngologie du CHU de Liège. " Dans 95% des cas, on assistera alors à une fermeture spontanée du tympan dans les trois semaines environ. Autrement, il faudra réaliser une tympanoplastie. "Survenant généralement après une rhinite ou une autre infection des voies respiratoires, l'otite séromuqueuse se rencontre particulièrement chez les enfants de moins de six ans, bien qu'elle soit également très fréquente chez l'adulte. Selon de vastes études épidémiologiques réalisées en milieu scolaire, l'incidence de la maladie atteindrait jusqu'à 66% des enfants durant les périodes climatiques favorables à son apparition. Elle se caractérise par la présence de sérosités derrière le tympan, qui le bloquent, de sorte que le patient se plaindra souvent d'avoir " l'oreille bouchée ". Autre symptôme classique : une hypoacousie, souvent fluctuante, où le déficit est habituellement de 25 à 30 décibels pour les fréquences moyennes et graves. Chez les enfants, notamment, le diagnostic est tardif dans bien des cas. Certes, ils peuvent avoir tendance à augmenter le son de la télévision ou à ne pas répondre aux questions, mais, la plupart du temps, les parents y voient au départ de la distraction ou une autre cause similaire. " Jamais un enfant ne dira qu'il n'entend pas bien ", souligne Philippe Lefebvre.Quel est le traitement des otites séromuqueuses ? Il peut revêtir plusieurs formes. L'abstention thérapeutique est parfois préconisée chez l'enfant, la plupart de ces otites guérissant spontanément après deux ou trois semaines. Selon les circonstances, la délivrance de vasoconstricteurs par voie générale ou par voie nasale, d'antibiotiques ou de corticoïdes est à l'ordre du jour. Des traitements mécaniques, tels le mouchage et l'insufflation tubulaire (spécialement la manoeuvre de Valsalva), ou chirurgicaux (la pose de drains transtympaniques, par exemple) font également partie de l'arsenal thérapeutique.L'otite moyenne aiguë, elle, est d'origine bactérienne ou virale. Elle est extrêmement fréquente chez l'enfant, puisque plus de 80% d'entre eux y ont déjà été confrontés au cours de leurs trois premières années de vie. Son principal symptôme est l'otalgie associée à une diminution d'audition. Le conduit auditif est infecté et le patient a de la fièvre. Chez les enfants qui ne parlent pas encore, son diagnostic n'est cependant pas aisé. Aussi l'entourage devra-t-il être attentif à divers signes indirects, comme le fait que le bébé apparaisse grognon, pleure souvent, se touche l'oreille, etc.La plupart du temps, la guérison est spontanée après une à deux semaines. Toutefois, des complications peuvent survenir dans 0,1% des cas. Elles sont parfois sévères : mastoïdite, paralysie faciale, méningite purulente, abcès intracérébral... Le traitement de l'otite moyenne aiguë fait appel à la prise d'antalgiques ou d'anti-inflammatoires et fréquemment d'un antibiotique afin de prévenir les complications. Néanmoins, diverses études soulignent l'absence de preuve de l'efficacité de cette antibiothérapie.Dans la foulée des otites séromuqueuses et des otites moyennes aigues, les otites chroniques sont une autre cause de surdités de transmission. Ses symptômes sont un écoulement de l'oreille associé à une diminution de l'audition, voire à une douleur. Elle est généralement la conséquence d'épisodes infectieux ou inflammatoires (otites séromuqueuses et otites moyennes aiguës) mal soignés durant l'enfance. Dans un tiers des cas, l'otite chronique est dite cholestéatomateuse. En d'autres termes, elle présente un cholestéatome, poche épithéliale située dans l'oreille moyenne dont elle détruit les structures, en particulier la chaîne des osselets et l'os de la mastoïde. Non traitée, elle peut donner lieu à une perte totale de l'audition, des vertiges et même une méningite ou un abcès cérébral.Le traitement est chirurgical. " On est obligé de reconstruire la chaîne des osselets ", explique Philippe Lefèbvre. " Suivant la nature des destructions, on rend au patient une oreille socialement fonctionnelle dans 60 à 90% des cas. "Dernière grande catégorie de surdités de transmission : l'otospongiose, assez courante. Maladie probablement génétique, souvent familiale, elle survient entre 20 et 40 ans et se manifeste par un déficit auditif progressif qui s'étale sur plusieurs années. Quand l'affection est bilatérale, l'évolution peut être ou non synchrone au niveau des deux oreilles. " L'otospongiose touche deux femmes pour un homme, précise le professeur Lefebvre. Elle s'aggrave en outre à chaque grossesse, de sorte qu'une chute d'audition durant cette période ou juste après doit amener à évoquer ce diagnostic, lequel peut être confirmé, mais pas toujours, par un scanner du rocher. Toutefois, un scanner avec des coupes fines montrera que la platine de l'étrier est bloquée. " En effet, la maladie se caractérise par un remodelage de l'os en deux étapes : d'abord, un stade de destruction où il devient " comme une éponge ", puis un stade de durcissement et de sclérose." La solution à apporter à ce problème est chirurgicale ", indique encore Philippe Lefebvre. " La stapédotomie, qui consiste à perforer la platine de l'étrier - généralement au laser -, permet une normalisation de l'audition dans 96% des cas et son amélioration, sans pour autant revenir à la normale, dans 3% des cas. " Une autre intervention possible est la stapédectomie, au cours de laquelle le chirurgien retire l'étrier et le remplace par une prothèse.À la surdité de transmission répond, nous l'avons évoqué, la surdité de perception. Nous en détaillerons les différents types la semaine prochaine.