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On les savait très amis et réciproquement admiratifs, mais voilà que Michel Houellebecq et Iggy Pop, l'autre ayant chanté l'un, tournent un film ensemble. Et pas n'importe quel film: un film qui parle de folie, de souffrance et de poésie... Laquelle transcende les deux premières. Tous deux ont séjourné en institution psychiatrique et, sur un scénario de Houellebecq basé sur son essai "Rester vivant" (1991), mettent en scène leur propre échappée au suicide à travers l'exercice poétique. Iggy Pop lit de sa belle voix profonde de crooner abîmé des passages de l'essai en question, d'autres livres de Houellebecq... livre ses propres expériences. Surtout la caméra qui n'a rien d'hagiographique donne la parole au peintre Robert Combas, aux écrivains Jérôme Tissier et Anne Claire Bourdin, tous trois aux tendances schizophrènes et bipolaires et qui décrivent leur parcours psychiatrique et poétique. Le tout dans un emballage hypnotique fruit du travail surtout d'Erik Lieshout, coscénariste avec Houellebecq, dont la caméra tout en travelling suit les rails de la vie en glissant sur ses murs latéraux. Cela donne des scènes hypnotiques, des tableaux lumineux immobiles et magnifiques à la Hopper, une ambiance lourde et fascinante mâtinée d'une dose d'humour no-non-sens par moment, culminant avec la scène finale: le vieux rocker tout cuir et tordu, il a une jambe plus courte que l'autre, rend visite à Vincent, le faux-nez de Houellebecq dans ce "documenteur", artiste raté en devenir, chemise à manches... courtes de grand-père: tous deux se retrouvent écroulés dans un divan de mauvais goût. Les bouches sont tombantes d'amertume, "Vincent" Houellebecq saluant la punkitude pionnière et oubliée de l'Iguane dans les années septante, durant lesquelles les encrêtés anglais ne considéraient plus l'ex-chanteur des Stooges comme un chien fou ("I Wanna be your dog"), mais tout simplement comme un fou. Deux poètes nihilistes en quête d'amour et d'absolu, deux solitudes lucides. No fun?